Accéder au contenu principal
Agriculture et numérique

L’agriculture, data compatible


Olivier Augeraud, expert-comptable, co-fondateur d’AGIRAGRI. le 08/09/2022 à 15:45
GettyImages-1297328135

(©Getty Images)

Prévoir et anticiper sont des impératifs incontournables et stratégiques pour les chefs d’entreprise. Les outils nouveaux et un conseil pointu doivent être vus comme un investissement plus qu’une charge.

Avec la démocratisation du numérique, nous vivons la quatrième révolution technologique et nous assistons toutes ces dernières années à une forte accélération du rythme des innovations. Dans ce contexte, arrivent sur le marché de nouvelles solutions de gestion sous la forme de plateformes informatiques dont le principe de fonctionnement est celui de la saisie unique : lorsqu’une information a été créée quelque part, toute ressaisie est regrettable à la fois par la perte de temps, les moyens qu’elle nécessite et le retard qu’elle induit pour l’analyse de gestion. Ces nouveaux outils connectés aux différents logiciels de l’entreprise ou des tiers avec lesquels elle est en relation, identifient la data utile là où elle est née (facture ou déclarations dématérialisées, logiciel de paye, etc.) et la transcrivent chaque jour automatiquement partout où elle est utile pour en rendre la lecture et l’analyse facile au travers de tableaux de bords (comptabilité analytique, suivis techniques, fiscalité, prévisionnels, etc.).

Disposer en temps réel des indicateurs de gestion nécessaires au pilotage de l’entreprise.

Or, prévoir et anticiper sont des impératifs aujourd’hui incontournables et stratégiques pour l’agriculteur ou viticulteur. Pour ce faire, le chef d’entreprise doit disposer en temps réel des indicateurs de gestion nécessaires au pilotage de l’entreprise et le cas échéant, pouvoir corriger à temps la trajectoire. Les questions auxquelles ce pilote doit répondre pour adapter le plan de vol, sont par exemple : « quel est le prix de revient d’un litre de lait, d’un hectolitre de vin, de cidre ou d’une bouteille, etc. ? » ; « est-ce que le prix de vente de mes céréales couvre mes charges et dégage une marge positive garante de mes équilibres de trésorerie ? » …

Connaître son coût de revient

Arrêtons-nous à la première question, celle de la connaissance du prix de revient des produits finis ou semi-finis aux différentes étapes du cycle de production. Cette connaissance est fondamentale avant d’établir une politique tarifaire ou de prendre une position de marché, tous autres paramètres commerciaux pris en compte. Or, ce n’est pas le moindre des paradoxes que de constater que nombre d’agriculteurs ne connaissent pas, ou très approximativement, le prix de revient de leurs productions alors même que l’entreprise n’a jamais autant généré de « data », de données ! La matière est là, mais elle n’est pas ou peu exploitée.

La faute n’en revient pas à l’agriculteur mais au poids des habitudes et à l’héritage de méthodes forfaitaires ou semi-forfaitaires de valorisation des productions stockées, que ce soit au stade des avances aux cultures ou celui des produits finis. Ainsi, est-il toujours possible et largement utilisé, de chiffrer un stock de produits à partir de son cours du jour moins une décote forfaitaire (- 30% pour les bovins, le vin ou les eaux-de-vie ; – 20% pour les autres produits ou animaux). Or, cette décote forfaitaire est sans rapport avec la marge réelle sur les coûts de production de l’entreprise. Conséquence : un écart non mesuré entre la performance économique apparente d’un exercice et sa réalité ! Le résultat d’exploitation et les différents soldes intermédiaires de gestion incluent une valeur inconnue qui est la différence entre la marge réelle et celle ainsi calculée entre un prix de vente réel et un coût de production simplifié basé sur des données étrangères à l’entreprise. Imagine-t-on M. Peugeot déterminer le prix de vente de ses voitures à partir de coûts de productions statistiques toutes marques et productions automobiles confondues ? Ce qui paraît absurde dans la sphère industrielle, organisée pour gérer la data analytique même complexe, reste une réalité dans le domaine agricole et viticole.

Ces méthodes anciennes avaient toutes leur utilité pour accompagner les agriculteurs lorsqu’ils passaient du régime fiscal forfaitaire à un régime du réel. Leur pérennisation à l’heure du tout numérique et des nouvelles plateformes informatiques de gestion, nuit gravement à ceux-là même qu’elles veulent servir. C’est un contresens au besoin stratégique de données de gestion en temps réel auquel ces nouveaux outils répondent.

Encourager la comptabilité analytique

On objectera que la mise en place de tels outils de gestion ou d’une comptabilité analytique permettant de connaître le vrai prix de revient a un coût, notamment celui de la mission du conseil. Mais quel est le coût de la méconnaissance des coûts de production, d’une navigation à partir de données statistiques (et aussi décalées à cause du temps de leur collecte et de leur production) ? Le raisonnement doit être celui d’un investissement, non d’une charge ! Accéder au suivi de ses coûts de revient, marges brutes et nettes, aux simulations de seuils de commercialisation pour améliorer sa rentabilité, c’est investir ! Par ailleurs, ces nouveaux outils fonctionnent souvent sur abonnement, donc à prix modique, délivrant l’entreprise du coût des mises à jour, maintenances, sauvegardes, etc.

Pour accompagner les agriculteurs et viticulteurs dans cette voie, certains organismes telle la FCGAA* ont contractualisé avec des plateformes numériques et aident financièrement leurs adhérents. Il serait vivement souhaitable que l’Etat prenne le relai dans le cadre des aides à l’investissement au travers d’un crédit d’impôt ou d’une aide financière pour encourager l’adoption de tels outils de pilotage de gestion en temps réel ou, a minima, la mise en place d’une vraie comptabilité analytique.

Mais les outils ne font pas tout. Les cabinets membres du groupement AGIRAGRI conseillent aussi le secteur industriel où ces mêmes problématiques et leurs solutions comptables sont connues et gérées. Parce qu’ils sont de vrais spécialistes du secteur agricole, ils sont naturellement en situation d’accompagner les agriculteurs et viticulteurs dans cet investissement. Copilotes, ils peuvent proposer une mission de surveillance en temps réel des principaux indicateurs de gestion, d’analyse critique opérationnelle et de production de synthèses périodiques pour répondre à l’impératif « prévoir et anticiper » !

*Fédération des centres de gestion agricoles agréés

https://www.agiragri.com/

AGIRAGRI rassemble des cabinets d’expertise comptable et d’avocats indépendants, présents sur toute la France avec plus de 3000 collaborateurs dont près des 2/3 spécialisés en agriculture et viticulture. Leur objectif : accompagner les chefs d’exploitation dans leur stratégie d’entreprise. Pour les y aider, le groupement propose les meilleures compétences réunies, des outils inédits et des partenariats innovants.