L’Afrique agricole se tourne de plus en plus vers les marchés mondiaux


TNC le 16/06/2025 à 17:00
AdobeStock_165611507

La part du cacao parmi les exportations africaines a baissé ces dernières années, au profit des fruits et des graines oléagineuses, notamment. (© Pierre-Yves Babelon, AdobeStock)

Face à la hausse des droits de douane américains et aux incertitudes du commerce international, la Fondation FARM se penche sur les dynamiques d’exportations agricoles et agroalimentaires depuis les pays d’Afrique, entre croissance, lente montée en gamme et conquête de nouveaux marchés.

Dans une publication parue le 6 juin, Abdoul Fattath Tapsoba et Matthieu Brun, de la Fondation FARM (Fondation pour l’agriculture et la ruralité dans le monde) s’intéressent à la place croissante de l’Afrique sur les marchés agricoles et alimentaires mondiaux.

Ils mettent en lumière une montée en puissance sur la dernière décennie : entre 2012 et 2023, les exportations agroalimentaires du continent ont progressé de 85 %, passant de 35 à presque 65 milliards de dollars (Md$). Une performance qui laisse entrevoir un double défi : celui de la transformation locale et de la diversification des produits.

De fait, ces exportations concernent surtout des produits bruts ou peu transformés, ce qui a tendance à freiner la création de valeur sur le continent. En 2023, les deux tiers des exports agricoles africains vers le reste du monde concernaient des matières premières : cacao, fruits frais, café, coton. 

Mais certains pays affichent une part croissante de produits transformés dans leurs exportations, comme l’Égypte, le Ghana, le Maroc ou la Tunisie, qui se « distingue nettement » dans cet effort de montée en gamme et de valorisation industrielle : 74 % de ses exportations agricoles en 2023 étaient des produits transformés (notamment de l’huile d’olive), contre 66 % en 2012.

Le dynamisme du secteur agro-industriel local se reflète aussi dans la progression des échanges intra-africains de produits transformés et semi-transformés, précise FARM.

Côté destinations, la carte s’élargit depuis les années 2000. Si l’Europe reste un partenaire majeur, Pays-Bas et France en tête, les pays émergents d’Asie (Chine, Inde, Vietnam, Malaisie) et les pays du Golfe montent en puissance. 

Côté performances nationales, cinq pays dominent les exportations agricoles et agroalimentaires africaines sur la période 2012-2023 : l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire, l’Égypte, le Maroc et le Kenya. Au sein de ces exports, les produits alimentaires prévalent de plus en plus parmi les expéditions sud-africaines, tandis que le Kenya conserve autour de 30 % de produits non-alimentaires, comme les fleurs coupées.

En dix ans, la structure des exportations a évolué. Le cacao, bien qu’encore central, a vu sa part diminuer (de 23 % en 2012 à 18 % en 2018) au profit des fruits comestibles, écorces d’agrumes et melons (devenus le premier groupe exporté avec 23 %), des graines oléagineuses et plantes industrielles, des légumes, racines, et tubercules et, depuis peu, des préparations de légumes, fruits ou autres parties de plantes.

À l’inverse, le coton a enregistré un net recul (de 7 % à 2 %), « ce qui reflète probablement une perte de compétitivité ou des difficultés spécifiques au secteur ».

« L’Afrique intensifie et diversifie ses exportations agroalimentaires vers le marché américain », relèvent aussi les auteurs, avec un bond des exports en valeur depuis l’Afrique du Nord et l’Afrique australe vers États-Unis ces dernières années.

L’accord commercial AGOA, adopté en 2000 entre les États-Unis et une grande partie des États africains, a permis à plusieurs pays comme la Côte d’Ivoire, le Ghana, Madagascar ou le Kenya de booster la part de produits à plus forte valeur ajoutée dans leurs ventes (pâte ou beurre de cacao, chocolat, fruits secs, conserves de poisson…).

Mais cette dynamique est menacée par les annonces américaines de relever les droits de douane, ce qui pourrait inciter l’Afrique à réorienter ses flux vers d’autres marchés.