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Produits phytosanitaires

La production en France de phytos bannis de l’UE sera bien interdite en 2022


AFP le 31/01/2020 à 12:08
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Le Conseil constitutionnel déduit, « pour la première fois qu'il appartient au législateur d'assurer la conciliation des objectifs de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement et de protection de la santé avec l'exercice de la liberté d'entreprendre ». (©TNC)

Le Conseil constitutionnel, saisi par les producteurs de pesticides, a jugé vendredi que l'interdiction de la production en France pour d'autres pays et de l'export des produits bannis par l'UE étaient conformes à la Constitution, en vertu de la protection de l'environnement.

« En des termes inédits, le Conseil constitutionnel juge (…) qu’il découle du préambule de la Charte de l’environnement que la protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle », indique-t-il dans un communiqué. L’interdiction en 2022 de « la production, du stockage et de la vente de produits phytopharmaceutiques » destinés à des pays tiers et contenant des substances prohibées par l’UE figurait dans la loi agriculture et alimentation (Egalim), promulguée le 30 octobre 2018.

L’Union des industries de la protection des plantes (UIPP, entreprises productrices de pesticides), rejointe par l’Union française des semenciers, avait déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) car elle « soutenait que l’interdiction d’exportation instaurée par ces dispositions était, par la gravité de ses conséquences pour les entreprises productrices ou exportatrices, contraire à la liberté d’entreprendre », selon le communiqué.

Par cette décision, le Conseil constitutionnel déduit, « pour la première fois », indique-il, « qu’il appartient au législateur d’assurer la conciliation des objectifs de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement et de protection de la santé avec l’exercice de la liberté d’entreprendre ». Il juge donc que « le législateur est fondé à tenir compte des effets que les activités exercées en France peuvent porter à l’environnement à l’étranger ».

Décision unilatérale

« C’est une très bonne nouvelle, qui donne une force juridique inédite à l’objectif de protection de l’environnement et nous permet d’agir pour l’écologie à l’échelle de la planète », s’est félicitée la ministre de la transition écologique Élisabeth Borne, dans une déclaration transmise à l’AFP.

« On regrette cette décision unilatérale, car on constate qu’on est le seul pays au monde à avoir une réglementation qui interdise désormais la fabrication et l’exportation de produits non-homologués à destination de pays hors de l’Union européenne. On constate également que les autres États membres continueront à fabriquer et exporter ces produits non homologués, ce qui veut dire que ça aura un impact désastreux sur les 2 700 emplois concernés directement et indirectement », a déclaré à l’AFP Jean-Pierre Chevallier, avocat de l’UIPP. « Au delà de ça, nous étudions toutes les voies juridiques possibles pour arriver d’une manière ou d’une autre que le cadre de l’article L.253-8 du code rural ne puisse pas subsister en l’état », a ajouté Me Chevallier.

En mars 2019, Nicolas Kerfant, l’ancien président de l’UIPP avait expliqué que le gouvernement avait apporté des « aménagements » au texte initialement voté dans la loi Égalim en accordant trois ans supplémentaires et en introduisant la possibilité de conventions de transition, montrant qu’il était « prêt à revenir discuter avec les industriels ». 

Les associations de protection de l’environnement ont pour leur part salué une victoire. « On est très contents parce que, pour nous, c’est important de ne pas faire aux autres ce qu’on se refuse à faire sur notre territoire », a déclaré à l’AFP Sophie Bardet, juriste à France Nature Environnement (FNH), qui avait déposé des observations dans cette affaire devant le Conseil constitutionnel.

« Pas en avant historique » pour FNH

Pour l’association, cette décision permet d’apporter une « petite pierre à l’édifice pour la protection de la santé et de l’environnement en dehors de France », car ça veut dire que ces produits « ne pourront plus être produits en France et exportés vers des pays étrangers, comme l’atrazine par exemple, qu’on retrouve toujours dans l’eau même si c’est interdit ».

« Nous assistons peut-être à un tournant décisif dans la hiérarchisation des droits. Pour une fois, l’écologie et le vivant l’emportent sur la recherche de profits et l’intérêt des industriels », a commenté Jean-François Julliard, patron de Greenpeace France, dans un tweet vendredi matin.

Le syndicat agricole majoritaire, la FNSEA, a pour sa part demandé de la « cohérence » au Conseil Constitutionnel. « Quand on voit qu’effectivement, on peut saisir le conseil constitutionnel et interdire d’exporter des produits qui ne peuvent pas être consommés en France, ma demande, elle est simple, c’est que l’inverse puisse s’appliquer, a déclaré à l’AFP le secrétaire général adjoint du syndicat, Éric Thirouin, en demandant « l’application » de «l’article 44 voté dans la loi Égalim, qui dit que désormais, il ne faut pas pouvoir importer en France des produits destinés à la consommation humaine et animale qui sont interdits d’être produits sur le territoire ». « Aujourd’hui, on peut consommer en France des produits OGM, alors que la production OGM y est interdite », a-t-il donné comme exemple.

À retrouver : Produits phytosanitaires : l’interdiction de production menace près de 4 000 emplois selon l’UIPP