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[Reportage] Élections européennes

La Pac et ses aides, vitales pour les éleveurs du Massif Central


AFP le 05/05/2019 à 14:39

Si Bruxelles semble bien loin des préoccupations des éleveurs auvergnats face à la sécheresse et aux bas prix, ces derniers attendent beaucoup des élections européennes et scrutent la future réforme de la Politique agricole commune (Pac), aussi critiquée qu'essentielle à leur survie.

« C’est bien simple, vous enlevez les aides de la Pac, vous n’avez plus d’agriculteurs dans les campagnes », assure sans ambages Michel Champeil, agriculteur de 56 ans en bio, à Saint-Gérons (Cantal).

Pour cet éleveur d’une vingtaine de vaches salers, les aides européennes représentent la moitié de ses revenus annuels, soit quelque 30 000 euros.

En 2016, les aides européennes représentaient en moyenne 54,4 % du chiffre d’affaires des éleveurs de bovins allaitants en France, selon la Fondation Heinrich Böll. Même constat dans les verts pâturages des Combrailles.

« On est énormément dépendants, vu les prix très faibles du marché. Je préfèrerais vendre nos produits au juste prix plutôt qu’être assisté, mais on n’a pas le choix », explique Rémi James, 24 ans, éleveur de 95 mères charolaises « Label Rouge » à Espinasse (Puy-de-Dôme).

Sur les mécanismes de mise en œuvre de la Pac, le jeune homme déplore un dispositif « complexe » et parfois « incompréhensible » « entre le premier et second pilier ». Également dans le viseur de cet éleveur installé depuis trois ans en Gaec avec son oncle, le système de déclaration en ligne, Telepac, et les subventions pour les bâtiments dans le cadre du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). « La paperasse demandée est aberrante. C’est une horreur pour l’agriculteur lambda qui doit souvent se faire aider par des techniciens agricoles. Les dossiers reviennent deux, trois fois avant d’être finalement validés », soupire cet adhérent des Jeunes Agriculteurs proche de la FNSEA, qui a fait construire en 2017 un espace de stabulation de 2 400 mètres carrés pour relancer l’exploitation familiale. Montant des travaux : 600 000 euros et toujours « pas un centime » en vue des subventions espérées.

Une réforme redoutée

De manière générale, les versements des aides Pac « sont en retard de 3, 4 ans pour certains éleveurs », regrette David Chamard, à la tête d’une cinquantaine de bovins lait, en bio, à Saint-Christophe-sur-Dolaison (Haute-Loire). « Cette année, on devrait avoir le paiement de la fin du printemps 2016 et de la fin d’année 2017 pour le bio, versées en dernier, et les mesures agroenvironnementales et Climatiques (MAEC) », précise ce porte-parole de la Confédération paysanne.

Ces retards de paiement par l’Etat français, dus à des dysfonctionnements administratifs et des problèmes informatiques, exaspèrent les agriculteurs. « Il faut avoir les reins solides, quand il vous manque plusieurs dizaines de milliers d’euros dans la trésorerie, ça fait mal ! », soupire Michel Champeil.

Et la perspective d’une baisse du budget de la Pac pour 2021-2027, avec le départ du Royaume-Uni et d’une réorientation de ses fonds vers de nouvelles priorités comme la défense ou la sécurité, suscite nombre d’inquiétudes. « On a forcément un peu peur mais on compte sur les syndicats et les élus pour nous soutenir et ne pas courir à la catastrophe », avoue Rémi James.

Certains réclament déjà de vrais changements comme un rééquilibrage des aides entre les piliers ou une revalorisation des premiers hectares, qui bénéficieraient aux fermes à taille humaine. « C’est indispensable si on veut maintenir des paysans dans les campagnes », maintient David Chamard. De même, les éleveurs viande du vaste réservoir d’herbe du Massif central montés en gamme pour valoriser leur production aimeraient voir leurs efforts mieux récompensés au niveau européen, d’autant que côté français les filières de transformation et distribution ne jouent pas le jeu à leurs yeux. « Ce n’est pas parce qu’on est vertueux environnementalement et qu’on produit de la viande de qualité qu’on est récompensé », souligne Rémi James.

Vu l’« énorme enjeu » du scrutin, tous assurent qu’ils iront voter le 26 mai. « Bruxelles c’est très loin, mais c’est une élection à ne pas négliger » souligne David Chamard, qui regrette la faible présence d’agriculteurs sur les listes électorales. « Sûrement l’élection la plus importante pour le monde agricole », insiste Michel Champeil, qui plaide lui aussi pour une Pac mettant « l’humain et le bien-être animal » au cœur du dispositif.