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Echanges de produits agricoles

La France juge insuffisant l’accord européen sur les importations ukrainiennes


AFP le 20/03/2024 à 11:10
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Le texte prévoit un frein d'urgence pour la volaille, les œufs et le sucre, ainsi que l'avoine, le maïs, les gruaux, mais pas le blé. (© Adobe Stock)

L'UE s'est accordée mercredi pour plafonner certaines importations agricoles ukrainiennes exemptées de droits de douane -œufs, volailles, sucre, mais aussi avoine, maïs et miel-, répondant à un motif de colère du secteur, mais sans toutefois inclure le blé dans ce mécanisme. Marc Fesneau a jugé mercredi « pas suffisantes » les mesures prévues par cet accord européen, souhaitant notamment « inclure plus de céréales ». (Article mis à jour à 13h40)

L’accord conclu dans la nuit entre les Etats de l’UE et le Parlement européen reconduit certes pour une année supplémentaire, à partir de juin, l’exemption générale de droits de douane accordée depuis 2022 à l’Ukraine pour soutenir Kiev après l’invasion russe. Mais cette fois, l’UE l’assortit de « mécanismes de sauvegarde » ciblant des produits « particulièrement sensibles », dont certaines céréales mais pas le blé et l’orge comme le réclamaient les eurodéputés.

Le texte « prévoit un frein d’urgence pour la volaille, les œufs et le sucre », ainsi que « l’avoine, le maïs, les gruaux (préparation de grains dégermés, NDLR) et le miel », précise le Parlement européen dans un communiqué.

Les importations dédouanées de ces produits seront ainsi de facto plafonnées aux niveaux moyens importés par l’UE en 2022 et 2023, niveaux au-delà desquels des droits de douane seront automatiquement réimposés.

« Pour nous, l’accord n’est pas encore comme celui que nous souhaitions. […] Il y a un certain nombre d’avancées, mais elles ne sont pas suffisantes », a résumé Marc Fesneau au micro de Franceinfo. La France souhaite notamment « inclure plus de céréales », « il y a un sujet sur le blé en particulier ». « L’agression russe a désorganisé les marchés, tout cela pèse sur les cours », a estimé le ministre.

« On a besoin de solidarité, mais pas au prix d’une déstabilisation parce que ça se retournerait contre les Ukrainiens. Il faut trouver ce point d’équilibre, nécessaire, et en même temps la nécessité que les marchés soient stabilisés au niveau européen », a ajouté Marc Fesneau. « Le travail va se poursuivre, puisqu’il y a encore des votes dans les commissions, on n’est pas du tout au final », a-t-il encore déclaré.

De son côté, le ministre chargé du Commerce extérieur Franck Riester a apporté mercredi son soutien à la filière céréalière française, « deuxième filière exportatrice du secteur agroalimentaire, avec 10 milliards d’euros d’excédent de balance commerciale en 2023 », lors d’une matinée d’échanges organisée par le secteur autour de la « menace russe » pour les grains français.

« Le blé français ne peut pas être la variable d’ajustement du soutien à l’économie de l’Ukraine », a-t-il affirmé, tout en rappelant la responsabilité première de la Russie dans la chute des prix et la « déstabilisation » du marché européen.

Les agriculteurs européens accusent l’afflux de produits ukrainiens de plomber les prix locaux, notamment dans les pays riverains, et de relever d’une concurrence « déloyale », faute de satisfaire à certaines normes (taille des élevages, produits phytosanitaires…) Alors que, même en guerre, l’Ukraine conserve d’immenses capacités de production agricole, le dossier alimente la colère du secteur à travers l’UE, en particulier en Pologne, où les cultivateurs mécontents bloquent ces dernières semaines des passages frontaliers avec l’Ukraine et l’Allemagne.

« Engagement ferme »

Les eurodéputés avaient voté massivement jeudi dernier pour réclamer d’étendre ce plafonnement aux céréales (blé, orge, avoine, maïs) ainsi qu’au miel. Les eurodéputés souhaitaient aussi calculer la période de référence sur la moyenne de trois années (2021-2023). Les organisations agricoles critiquent le fait que le plafonnement corresponde aux volumes très élevés des deux dernières années à l’origine de la crise.

« Sans changement de l’année de référence et sans inclusion directe du blé, (l’accord) ne répond pas aux préoccupations des producteurs et reste donc inacceptable », a réagi Christiane Lambert, dirigeante du Copa-Cogeca, l’organisation des syndicats agricoles majoritaires européens.

Dans d’ultimes négociations, « les eurodéputés ont obtenu de la Commission l’engagement ferme d’agir en cas d’augmentation des importations ukrainiennes de blé », sur la base d’une surveillance régulière, précise le Parlement.

Et Bruxelles sera tenu d’agir « plus rapidement, dans un délai de 14 jours au lieu de 21 jours (comme prévu initialement) si les seuils de déclenchement des mécanismes de sauvegarde sont atteints ».

« Parallèlement, le travail est engagé pour permettre aux produits agricoles ukrainiens de retrouver leurs marchés d’origine » en Afrique et au Moyen-Orient, afin qu’ils ne restent pas bloqués en Europe, avait insisté mardi une source gouvernementale française.

« Atténuer la pression »

« L’accord renforce l’engagement continu de l’UE aux côtés de l’Ukraine » et dans le même temps « renforce les mesures de sauvegarde qui atténueraient la pression sur les agriculteurs de l’UE s’ils étaient submergés par une augmentation soudaine des importations », a réagi l’eurodéputée lettone Sandra Kalniete (PPE, droite), rapporteure du texte.

Cette libéralisation des droits de douane « continuera de permettre à l’Ukraine de générer ses propres revenus à partir de ses exportations vers l’UE, essentiels pour soutenir son économie dans des circonstances extrêmement difficiles », a rappelé le Conseil de l’UE dans un communiqué distinct.

L’accord doit désormais être entériné formellement par les Vingt-Sept comme par les eurodéputés, lors de leur séance plénière de fin avril. Il entrera en vigueur le 6 juin, après l’expiration de l’exemption de droits de douane actuellement en vigueur.