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Coordination rurale

La CR alerte sur le risque de « désagriculturation » de la France


TNC le 31/01/2023 à 09:30
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Sophie Lenaerts, Véronique Le Floc'h et Patrick Legras, lors de la conférence de presse de la Coordination rurale le 30 janvier. (©TNC)

Élue fin 2022, la nouvelle présidence de la Coordination rurale s’inscrit dans la lignée de ce qu'a défendu jusqu’alors le syndicat, à savoir des prix rémunérateurs au lieu d’un recours systématique aux aides, et appelle à une réaction politique forte pour préserver la souveraineté alimentaire, alors que les orientations actuelles ne sont pas de nature à enrayer un « agricide », c’est-à-dire une baisse continue du nombre d’agriculteurs entrainant in fine, une diminution significative de la production agricole.

Nouvellement élue à la tête de la Coordination rurale, Véronique Le Floc’h a présenté le 30 janvier ses vœux à la presse et les grandes lignes qui seront défendues par le syndicat dans les mois à venir, aux côtés de Sophie Lenaerts (première vice-présidente) et de Patrick Legras (membre du comité directeur). Il s’agit, avant tout, de maintenir des exploitations viables et transmissibles, ce qui passe avant tout par une remise en cause de toutes les politiques agricoles.

Des politiques agricoles qui ne protègent pas les agriculteurs

« Il faut refonder la Pac et toutes les politiques agricoles en général : sans réforme profonde, c’est la désagriculturation de la France qui se poursuivra, avec une baisse des installations faute de prix et, faute d’installations, une baisse de production, et la CR veut lutter contre ça en garantissant un revenu aux producteurs », explique la nouvelle présidente. Car si le gouvernement semble désormais vouloir défendre la souveraineté alimentaire, dans les faits, les politiques s’avèrent insuffisantes, détaille-t-elle.

Ainsi, si la France défend un modèle familial composé de petites et moyennes exploitations, la financiarisation de l’agriculture se poursuit à travers le rachat de parts sociales. De même, la loi Égalim ne permet pas de contrebalancer l’alignement des prix sur les marchés mondiaux, des marchés « déconnectés de nos coûts de production, alors que ces coûts sont en France bien supérieurs du fait de la qualité exigée », rappelle Véronique Le Floc’h.

Une Pac qui ne remplit pas ses objectifs

Politique commune, prix bas aux consommateurs, protection des agriculteurs, dans le contexte actuel, « la Pac n’a rempli aucun de ses objectifs, et l’Europe pousse son agriculture au vent du libre-échange », dénonce de son côté Sophie Lenaerts, qui déplore une baisse de budget quand des pays comme les Etats-Unis ont doublé les moyens dédiés au Farm Bill. La solution, pour la CR, reste « l’exception agriculturelle », défendue depuis des années par le syndicat. De la même façon qu’il existe une exception pour la culture, il faudrait ainsi sortir des accords de l’OMC tout ce qui relève de la production alimentaire.

La CR voit cependant deux opportunités d’améliorer la situation, à travers l’examen à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2021-2027, et l’évaluation de la Pac. Pour la Coordination rurale, au-delà d’une augmentation de budget, il faudrait concentrer l’argent sur la production, et financer les mesures environnementales par le ministère de la transition écologique. « Faute de cap stratégique commun, les aides de l’Etat fléchées vers l’agriculture sont de l’argent gaspillé, nous pouvons faire mieux, avec une meilleure protection aux frontières, un meilleur équilibre dans l’espace européen, sinon on aura une désagriculturation en plus de la désindustrialisation », explique Véronique Le Floc’h.

Betteraves, fécule : des filières laissées sans solution

Sans compter les décisions politiques qui laissent certaines filières sans accompagnement, comme récemment l’interdiction des néonicotinoïdes sans dérogation. Si le gouvernement a promis des aides pour les planteurs privés de solutions, « à la CR, on pense que l’argent public est précieux et qu’il doit être utilisé avec parcimonie », explique Patrick Legras, qui préfèrerait que l’on privilégie la recherche de solutions techniques. D’autant que pour le syndicat, le coût des indemnisations aujourd’hui, sera de trois à quatre fois supérieur à celui de 2020, compte tenu notamment du prix plus élevé des betteraves. Alors que des planteurs se sont engagés avant que la décision d’interdiction soit connue, le syndicat demande à ce qu’ils puissent, s’ils le souhaitent, faire marche arrière. Mais pour soutenir la production, il faudrait également « un système plus performant », avec des coopératives qui parviennent à donner les mêmes prix que les groupes privés, ajoute Patrick Legras.  

Une problématique de prix que l’on retrouve dans le secteur de la pomme de terre féculière. Alors que l’interprofession demande des aides pour inciter à la production, les industriels auraient les moyens de payer plus cher, estime la Coordination rurale, qui appelle, là aussi, à revoir un système qui reste « sous la tutelle des industriels ».

Renouvellement des générations et réforme des retraites

La question de la rémunération est d’autant plus cruciale que, dans la lignée de la guerre en Ukraine, les charges explosent dans toutes les productions. « On a perdu 70 000 agriculteurs entre 2010 et 2020 », rappelle Véronique Le Floc’h, et les conditions ne sont pas réunies pour remplacer la moitié des agriculteurs qui partira à la retraite d’ici 2030. Et « le métier ne fera plus rêver non plus », ajoute Sophie Lenaerts, évoquant pour les éleveurs laitiers un travail « tous les jours sans exception », sans revenu, avec une augmentation des contrôles et contraintes.

Travailler plus, on ne peut plus !

Et la réforme des retraites n’est pas de nature à améliorer la situation, estime le syndicat, dont une partie sera mobilisée aux côtés des grévistes ce 31 janvier. « Il y a deux catégories de profil en fin de carrière : ceux qui sont spécialisés en grandes cultures ne voient pas d’avantage à partir en retraite et choisissent la délégation, ce qui freine les installations, et les éleveurs usés, qui ne rêvent que d’arrêter et de transmettre, mais qui font face à une absence de candidats soit car leurs outils n’ont pas pu être entretenus, soit parce qu’ils ont été trop développés et qu’ils sont trop importants pour être repris par des jeunes », explique la présidente de la Coordination rurale. « On ne peut pas être d’accord avec la réforme des retraites : travailler plus, on ne peut plus. Il nous faut d’abord soit partir soit transmettre pour solutionner le problème des installations », insiste Véronique Le Floc’h. Des représentants du syndicat sont d’ailleurs mobilisés ce 31 janvier pour s’opposer à la réforme.