La Chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne dans le viseur de la Cour des comptes


AFP le 17/10/2025 à 10:55

Après avoir échappé à la prison ferme pour la construction illégale d'une retenue d'eau dans le Lot-et-Garonne, l'ancien président de la chambre d'agriculture locale, le trublion de la Coordination rurale Serge Bousquet-Cassagne, était jugé jeudi par la Cour des comptes, la procureure l'accusant de « clientélisme » dans sa gestion des fonds publics.

La Coordination rurale (CR) – deuxième force syndicale agricole – contrôle la Chambre d’agriculture du Lot-et-Garonne depuis 2001 et Serge Bousquet-Cassagne, proche de l’extrême droite et adepte des actions coup de poing, l’a présidée de 2013 jusqu’aux élections professionnelles de janvier dernier.

Ces établissements publics sont chargés par l’Etat de notamment conseiller et former les exploitants mais aussi de les représenter auprès des pouvoirs publics.

Comparaissaient également jeudi à Paris deux anciens vice-présidents de la chambre du Lot-et-Garonne, Patrick Franken et Christian Girardi, un ancien membre du bureau, Didier Perrel, et un comptable, Nicolas Bousquet-Cassagne, fils de l’ancien président.

Sept griefs leur étaient reprochés. D’abord, la construction illégale d’une retenue d’eau destinée à l’irrigation dans une région souvent sujette aux sécheresses, le lac de Caussade, à l’hiver 2018-2019, sans autorisation environnementale et ce, alors que cela « excédait » les missions de la chambre, pour un coût estimé à 1,3 million d’euros.

Ensuite l’absence d’appel d’offres et par conséquent un « avantage injustifié » attribué aux entreprises liées aux élus, mais aussi l’absence de la retenue d’eau dans les comptes de la chambre ainsi que le retard de paiement des amendes après des décisions de justice. Le préjudice total s’élève à plusieurs millions d’euros, selon la procureure.

« Extrême gravité »

Les griefs incluaient aussi l’attribution de près de 300 000 euros « d’aides illégales » aux éleveurs du département, en argent ou en nature, mais aussi le recrutement du fils de l’ancien président et des paiements par ce dernier alors qu’il n’y était pas autorisé.

La procureure a requis les amendes maximales, équivalant à six mois de rémunération, pour Patrick Franken et Serge Bousquet-Cassagne, qui n’ont pas fourni leurs avis d’imposition, laissant à la cour le soin de déterminer les montants. Les deux hommes avaient échappé lors du procès pénal en appel à de la prison ferme pour la construction du lac.

Pour Nicolas Bousquet-Cassagne, un plafond de 13 460 euros d’amende a été requis et pour Christian Girardi et Didier Perrel, la moitié de l’amende de Patrick Franken. La décision sera rendue dans quelques semaines.

Face à des faits d’une « extrême gravité », la procureure a appelé à ces « sanctions exemplaires », invoquant le « népotisme » des dirigeants, leurs « démarches clientélistes », leur volonté de « tromper la vigilance du contrôle de légalité » et de « servir leurs propres intérêts ».

« Très mal »

« Ce n’est ni le procès d’un syndicat agricole, ni celui du monde agricole (…) on peut défendre les agriculteurs sans se mettre hors la loi », a-t-elle assené, affirmant que les griefs représentaient des atteintes inédites dans l’histoire de la chambre.

La chambre du contentieux de la Cour des Comptes a remplacé la Cour de discipline budgétaire et financière depuis 2023 et a jugé une trentaine de dossiers concernant « des manquements graves à l’ordre public financier ». Elle est distincte des autres procédures judiciaires, notamment pénale, concernant le lac de Caussade. « Ca fait très mal », a répondu Serge Bousquet-Cassagne, disant avoir géré la chambre « en bon père de famille ».

« Vous pouvez nous accuser de tout mais pas de servir nos intérêts particuliers », a-t-il ajouté, un argument repris par son avocat, pour qui les dirigeants de la chambre n’ont fait que répondre au « désespoir » des agriculteurs en construisant la retenue d’eau.

« Nous n’avons rien caché (…) l’Etat aurait pu dire stop », a encore déclaré Serge Bousquet-Cassagne, accusant d’autres chambres de se servir allègrement dans les fonds publics.

Un rapport de la Cour des comptes a récemment étrillé les dérives de ces établissements.

La CR était jeudi au coeur d’une autre procédure : l’acquisition via une vente aux enchères d’une ferme mise en liquidation judiciaire, que le syndicat avait érigé en symbole des difficultés de transmission des terres agricoles. Pour la rétrocéder au petit-fils des propriétaires insolvables, la CR avait affiché sa volonté de dissuader d’autres candidats de se porter acquéreurs. Une enquête pour « entrave à la liberté des enchères » a été ouverte.