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Ministre de l'agriculture

Julien Denormandie, solide sur ses dossiers, prudent en politique


AFP le 06/07/2020 à 20:20
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Julien Denormandie (©Wikipedia Commons)

Nouveau ministre de l'Agriculture, Julien Denormandie s'occupait jusqu'alors du logement dont il est devenu un spécialiste reconnu. Face à un monde agricole en crise, ce fidèle d'Emmanuel Macron, qui s'est jusqu'ici peu hasardé en dehors de sa ligne de nage, aura de nombreux chantiers urgents à traiter.

« Ce n’est pas mon rôle », répondait-il déjà souvent lorsqu’il était invité à s’exprimer pendant la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron voici trois ans. À l’époque, Julien Denormandie est un inconnu politique. Passé par plusieurs cabinets à Bercy sous la présidence de François Hollande, il rejoint la campagne d’Emmanuel Macron dès son lancement fin 2016, alors qu’il connaît déjà le futur chef de l’Etat depuis plusieurs années. Paradoxalement, l’élection d’Emmanuel Macron devait marquer la fin du jeu politique pour Julien Denormandie qui comptait rejoindre le privé, chez l’assureur Axa. 

Mais dans les premières semaines du quinquennat, en juin 2017, le voici rattrapé pour s’occuper du logement, d’abord comme secrétaire d’État. Une grosse année plus tard, il devient ministre. Cet ingénieur au visage juvénile – il ne fait pas les 40 ans qu’il fêtera en août – est à l’origine totalement étranger à l’univers du logement et de l’immobilier. Les débuts sont durs. À l’automne 2017, il se fait huer à Strasbourg par le monde HLM, auquel le gouvernement vient d’imposer d’importantes économies financières. Mais « aujourd’hui, c’est un ministre capable de débattre techniquement », déclare à l’AFP Yannick Borde, président de Procivis, une organisation liée au logement social.

Fidèle porte-parole

De fait, Julien Denormandie a largement gagné le respect du monde du logement pour son travail et sa maîtrise des dossiers. Mais cette image a un pendant moins favorable : le secteur doute régulièrement de sa capacité à peser, en particulier face à Bercy. « Un ministre, c’est aussi une machine à gagner les arbitrages », juge auprès de l’AFP Jacques Chanut, ancien président de la puissante Fédération française du bâtiment (FFB). « C’est par là, sûrement, que le bilan paraît moins positif. »

Est-il si maigre ? Julien Denormandie a tout de même su agir pour réduire finalement de plusieurs centaines de millions d’euros les économies imposées au logement social. Quant aux propriétaires privés, ils ont surtout vu son nom s’ajouter aux multiples dispositifs fiscaux portés par de précédents ministres pour encourager à la location. Après le « Pinel » ou le « Robien », le « Denormandie » a néanmoins sa propre couleur car il vise à encourager la réhabilitation des logements plutôt que la construction.

« Je veux être le ministre de la rénovation » : c’est, de fait, le credo sans cesse répété par Julien Denormandie, bien loin de s’aventurer à de grandes prises de risques politiques. Régulièrement invité à la radio ou la télévision, il porte fidèlement la parole gouvernementale. À l’été 2018, c’est même le premier membre du gouvernement à réagir à l’affaire Benalla, premier gros orage du quinquennat Macron. Mais, à moins de parler de logement, Julien Denormandie va rarement au-delà des éléments de langage de l’exécutif, à une grande exception près.

À l’été 2019, il réagit à des propos tenus lors de l’université d’été mélenchoniste de la France Insoumise. Le philosophe Henri Pena-Ruiz y affirmait le droit d’être « islamophobe », un terme à prendre comme le fait d’être critique de l’islam en tant que religion et non comme le fait de rejeter les musulmans. « Non, « on n’a pas le droit d’être islamophobe » », tweete alors Julien Denormandie. Le ministre est immédiatement contredit par sa collègue Marlène Schiappa et vivement critiqué par certains députés de la majorité qui voient dans sa position l’équivalent d’un délit de blasphème. Depuis, Julien Denormandie n’a pas refait d’éclat.

À l’Agriculture, Julien Denormandie devra déminer des sujets délicats : le monde agricole est plus que jamais en crise, notamment du côté des éleveurs, et la loi Alimentation, censée redonner du revenu aux agriculteurs, n’a pas eu d’effets sensibles à ce jour. Autre dossier brûlant, du côté de la mer, celui du Brexit et du maintien de l’accès aux eaux britanniques pour les pêcheurs français qui y puisent 30 % de leurs revenus.