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Vote à Bruxelles

Glyphosate : l’abstention de la France critiquée


AFP le 16/11/2023 à 17:08

Partisans ou farouches critiques du glyphosate, plusieurs organismes reprochent jeudi à la France son « manque de courage » pour s'être abstenue lors d'un vote à Bruxelles, laissant à la Commission européenne la décision de renouveler l'autorisation du désherbant pour 10 ans. (Article mis à jour à 19h18)

Fidèle au précepte répété inlassablement par le ministre de l’agriculture depuis plusieurs mois, « pas d’interdiction sans solution », le gouvernement n’a pas voté contre la proposition de la Commission. Paris avait bien demandé à la Commission d’inclure plusieurs mesures visant à restreindre l’usage de l’herbicide, en premier lieu une interdiction pour les usages où il existe des alternatives. Mais elles n’ont pas été retenues. Le gouvernement dit « regretter » le rejet de ses propositions, mais n’est pas allé jusqu’à voter contre la réhomologation du glyphosate.

Tous les votes n’étant pas encore publics, il n’est pas possible de déterminer à ce stade si la seule voix de la France aurait pu faire pencher la balance dans un sens ou dans l’autre. En l’absence de majorité qualifiée, soit 15 États sur 27, et représentant au moins 65 % de la population européenne, c’est en tout cas la Commission qui a tranché.

Le syndicat agricole majoritaire, la FNSEA, se réjouit du dénouement. Mais l’organisation estime que la Commission « a suppléé à l’incapacité et à l’absence de courage politique des États membres pour trouver une majorité qualifiée sur un dossier que de trop nombreux acteurs politiques et associatifs ont voulu transformer en marqueur de la transition écologique ».

Un vote contre « aurait été mal vécu chez les agriculteurs »

Emmanuel Macron s’était notamment engagé, en 2017, à sortir du glyphosate dans les trois ans ; il avait reconnu en 2022 avoir commis « l’erreur » de croire la France capable de se passer seule de ce désherbant. « Tout le monde est bien conscient aujourd’hui qu’il n’y a pas d’alternative crédible », remarque Hervé Lapie, secrétaire général de la FNSEA.

« La majorité des États-membres a voté pour l’autorisation tandis que la France a continué à vouloir mettre des contraintes supplémentaires sur l’agriculture », regrette-t-il auprès de l’AFP. Si Paris avait voté contre la réhomologation du glyphosate, , dit-il aussi.

Pour la députée européenne LR Anne Sander, il aurait été « irresponsable » d’interdire totalement le glyphosate. Mais alors que la France plaidait pour un renouvellement de 7 ans, et non de 10, « le gouvernement a tardé à se mobiliser pour trouver une majorité au sein des États membres afin de la défendre », déplore-t-elle.

« Lâcheté et hypocrisie »

Chez les détracteurs du glyphosate, la déception est aussi de mise. Pour la Confédération paysanne par exemple, « voter contre aurait eu le mérite de la cohérence avec l’annonce du président de la République en 2017 de faire « sortir la France du glyphosate » ».

« Réautoriser le glyphosate est une erreur monumentale », estime le troisième syndicat agricole, qui lutte contre un modèle intensif. « C’est ignorer la réalité qui veut que les paysan·nes sont les premières victimes des pesticides » et « c’est repousser toujours plus loin les changements dans les exploitations agricoles », déplore entre autres la Confédération paysanne.

Le député européen socialiste Christophe Clergeau dénonce de son côté « la lâcheté et l’hypocrisie de la France sur le glyphosate ». Emmanuel Macron « signe un chèque en blanc à la Commission pour une reconduction de 10 ans sans plan de sortie », écrit-il dans un communiqué transmis à l’AFP.

« L’abstention de la France à ce vote et son manque de courage ne sont pas acceptables », estime de son côté l’ONG Greenpace en affirmant que la Commission européenne « préfère se ranger du côté des lobbys de l’agrochimie plutôt que de suivre les avis scientifiques, d’appliquer le principe de précaution et d’assumer l’interdiction de ce pesticide ».

« Nouvelle victoire des lobbies » taclent les écologistes

Grief similaire chez les associations foodwatch, WeMove Europe et Générations futures, pour qui le glyphosate est en passe d’être prolongé de 10 ans « parce que les États membres, dont la France, ont manqué de courage pour s’y opposer ».

« Nouvelle victoire des lobbies à Bruxelles. Malgré les alertes répétées des scientifiques sur les risques sanitaires et environnementaux du glyphosate, son autorisation a été renouvelée pour 10 ans dans l’UE. La France s’est abstenue. La honte Christophe Bechu », a réagi sur le site X (ex-Twitter) la cheffe d’EELV Marine Tondelier, en s’adressant au ministre de la transition écologique. « Le gouvernement aurait pu envoyer un signal fort en votant contre. Il s’est abstenu. Leur responsabilité est entière », a insisté la tête de liste des écologistes aux prochaines élections européennes, Marie Toussaint.

« De renoncement en renoncement, d’hypocrisie en trahison, Emmanuel Macron ne s’est pas opposé » à cette décision, a également déploré le patron du PS Olivier Faure. La France « a en quelque sorte donné son accord pour que le glyphosate puisse continuer de nous empoisonner », a déclaré la présidente des députés insoumis, Mathilde Panot, lors d’une conférence de presse à l’Assemblée nationale, jugeant que le chef de l’État donnait « des permis de tuer aux entreprises, à Bayer-Monsanto en l’occurrence ».

Sur France bleu, le secrétaire national du parti communiste, Fabien Roussel, a vu dans la décision européenne « la démonstration qu’on a besoin de rompre avec cette Europe anti-démocratique et ultralibérale ».