Face au changement climatique, repenser l’assolement pour gagner en rentabilité


TNC le 05/05/2025 à 18:07
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Dans les zones couvertes par la coopérative Arterris, le changement climatique contribue aux baisses de rendements et à la mise en péril de certaines exploitations. (© Pernelle voyage)

Confrontée aux impasses agronomiques et aux défis climatiques, la coopérative Arterris a misé sur l’outil d’aide à la décision d’Assolia pour optimiser ses assolements sur le long terme, et ainsi retrouver de la productivité et de la rentabilité.

« Comment dérisquer la transition agroécologique pour les agriculteurs ? » C’est autour de cette question qu’ont échangé Rémy Dangla, co-fondateur d’Assolia, et Marc Reymond, directeur Innovation chez Arterris, lors d’une conférence au Salon de l’agriculture. Ils ont livré leur retour d’expérience et exposé les apports concrets de la start-up à la coopérative.

« La première décision que prend un agriculteur chaque année, c’est son assolement. C’est à la fois le problème et la solution », souligne Rémy Dangla.  Et c’est de ce constat qu’est né l’outil Assolia. L’idée : « prendre des données de l’exploitation et aller explorer des bases de données agroéconomiques pour aller chercher les meilleures solutions d’assolement sur les trois à sept prochaines années », de façon à augmenter les rendements tout en réduisant les intrants.

Chez Arterris, qui couvre les régions Occitanie et Paca, c’est un problème bien concret qui a motivé l’adoption de l’outil : « Sur certaines zones comme le Lauragais, on constatait des impasses sur des rotations beaucoup trop courtes type blé dur/tournesol, qui posaient des problèmes », explique Marc Reymond : disparition des solutions chimiques et salissement accru impliquaient « des baisses de rendements d’année en année et une mise en péril des exploitations. »

Sur ceci se greffe le contexte climatique : « les exploitations subissent de plein fouet le changement du climat, avec notamment des sécheresses plus fréquentes qui impactent les rendements et la qualité, déplore-t-il. Des générations de coopérateurs ont investi sur des outils, avec derrière des filières bien installées mais en péril parce que la production et les surfaces baissent, comme le blé dur ».

Avec l’aide d’Assolia, l’objectif de la coopérative était d’optimiser les assolements pour « augmenter les rendements, donc remplir de nouveaux les silos, baisser les charges fixes, redonner de la rentabilité à l’outil de l’agriculteur et reverser ensuite des compléments de prix ». Le tout « en intégrant le changement du climat, de façon à changer nos pratiques et devenir résilients ».

« Réintroduire des légumineuses »

Arterris a renseigné la base d’Assolia avec les résultats de ses essais pratiques, et a ensuite pu tester et valider de nouvelles rotations, en réintroduisant par exemple le maïs, le colza ou des cultures intermédiaires à base de légumineuses. « Ça a permis d’optimiser les restitutions d’azote, donc de diminuer les apports en fertilisation minérale », se réjouit Marc Reymond.

Une dynamique vertueuse qui pourrait ouvrir la voie à la relocalisation de certaines productions. « On va réintroduire des légumineuses alors que pour l’instant, on est obligés d’en importer, poursuit-il. On a des filières déjà présentes et organisées, mais qui souffraient d’un manque de matière première ».

La coopérative et la start-up ont travaillé ensemble sur le pois chiche. Une culture qui « démontre l’intérêt de notre travail et la nécessité d’avoir un outil qui réfléchit à l’échelle de la rotation », plaide Rémy Dangla. Car peu rentable à court terme, le pois chiche devient intéressant à plus long terme au niveau des bénéfices agronomiques, grâce à ses reliquats azotés pour les cultures suivantes.

Pour fonctionner, Assolia a besoin de données, mais « on voulait être frugal », insiste son co-fondateur. L’outil récupère automatiquement des informations déjà existantes (outils de traçabilité, outils déclaratifs à la Pac), pour que l’agriculteur n’ait rien à saisir une seconde fois : parcellaire, précédents culturaux, types de sol…

Là, les équipes techniques de la coopérative jouent un rôle clé. « On a une équipe multiservices dédiée. En deux heures, on fait le paramétrage avec l’agriculteur », précise Marc Reymond.

« Chacun garde la propriété de sa donnée »

Côté propriété et sécurité, « la gestion des données est strictement encadrée, rassure Rémy Dangla. Je n’ai pas le droit de donner le paramétrage d’Arterris à une autre coop ! L’idée, c’est que chacun garde la propriété de sa donnée initiale, mais crée in fine de la valeur pour l’agriculteur ».

Le modèle économique d’Assolia repose sur des abonnements annuels calculés au nombre d’exploitations suivies. « Travailler avec les coopératives permet de massifier. On tirera un retour sur investissements quand on aura déployé la solution sur le terrain et prouvé la valeur pour tous les acteurs de la chaîne », indique-t-il.

Pour cela, l’équipe « cherche des volumes » et travaille à enrichir l’outil avec de nouvelles fonctionnalités, comme le module azote lancé en 2024 avec Terres Inovia, Sofiprotéol et Arterris, qui « optimise la gestion de l’azote au sein d’une rotation en prenant en compte les bénéfices agronomiques et économiques des reliquats azotés des cultures principales et couverts ».

La start-up espère avoir « bien maillé le territoire français » d’ici à fin 2025-début 2026, et entame en parallèle son expansion européenne avec la Roumanie : « ils ont subi deux années de très forte sécheresse et ont besoin de revoir leur assolement très maïsicole, d’introduire de nouvelles cultures pour casser certaines rotations, comme Arterris ».

À terme, l’objectif est aussi de créer des synergies avec d’autres outils numériques : « on pense que la valeur est dans l’agrégation de solutions (…). Au lieu de voir Assolia, Abelio, Hyperplan, Weenat, etc. sonner à la porte de l’agriculteur ou de la coopérative, l’idée sera d’avoir des offres communes et interopérables qui traitent tous les sujets ».