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Antibiorésistance

Et si la résistance aux antimicrobiens provoquait une nouvelle pandémie ?


TNC le 15/03/2021 à 06:02
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Depuis une vingtaine d’années, l’antibiorésistance ne cesse de progresser, menaçant l’élevage mais également la santé humaine. Si la France et l’Union européenne ont pris un certain nombre de mesures de prévention, certains pays n’ont pas mis en place les mêmes garde-fous. Ainsi, l’émergence d’une maladie liée à une bactérie résistante pourrait bien être à l’origine d’une nouvelle pandémie, si des mesures coordonnées à l’échelle mondiale ne sont pas rapidement initiées.

Depuis 2000, la résistance aux antibiotiques d’agents pathogènes présents dans l’alimentation des animaux a été multipliée par trois. D’après un rapport commandé par le gouvernement britannique en 2016, et qui fait référence, l’antibiorésistance menace chaque année 10 millions de vies dans le monde. Actuellement, 700 000 personnes meurent chaque année, dont 55 000 en France, des suites d’infections générées par des agents microbiens résistants à tous les antibiotiques, et d’ici 2050, l’antibiorésistance pourrait tuer davantage que le cancer. La Banque mondiale considère par ailleurs que l’impact financier lié à l’antibiorésistance à l’horizon 2050 serait comparable à celui de la crise financière de 2008.

La probabilité est grande qu’une pandémie due à une bactérie humaine puisse émerger et contre laquelle nous n’aurons ni traitement, ni vaccin disponible 

Ces chiffres sont d’autant plus inquiétants à la lueur de la pandémie actuelle, qui donne un aperçu des conséquences sanitaires, mais également économiques et sociales de la propagation d’une maladie à l’échelle mondiale.

Or, « la probabilité est grande qu’une pandémie due à une bactérie humaine puisse émerger et contre laquelle nous n’aurons ni traitement, ni vaccin disponible », alerte Jean-Luc Angot, président de l’Académie vétérinaire de France et de la section « prospective, société, international » du CGAAER.

De la maîtrise de la maladie à la pandémie mondiale…

Dans un article du Déméter 2021, « Antibiorésistance animale, santé globale en péril », ce dernier évoque ainsi les différentes formes que pourraient prendre la propagation d’une maladie liée à une bactérie résistante aux antimicrobiens.

Le scénario le plus catastrophique serait, évidemment, celui d’une pandémie humaine liée à l’apparition d’une bactérie résistante issue du monde animal. Les conséquences seraient dramatiques, sur les plans sanitaire, économique et social. Il faut rappeler qu’aujourd’hui, 75 % des maladies humaines émergentes sont des zoonoses, 60 % des agents pathogènes pour l’être humain sont d’origine animale, et que 80 % de ces agents sont utilisables par le bioterrorisme…

Un deuxième scénario, qui serait quant à lui dévastateur pour l’élevage, est celui de l’apparition d’une épizootie animale, avec une bactérie résistante touchant une ou plusieurs espèces, mais sans transmission à l’homme. Les pertes économiques pour le secteur seraient extrêmement importantes, puisqu’il faut cumuler les pertes de production (pertes directes) avec les pertes indirectes liées à l’augmentation des coûts de production, aux entraves à la circulation… En France l’élevage représente 38,9 % de la valeur de la production agricole. Les maladies des animaux peuvent donc rapidement avoir de très lourdes conséquences économiques.

Les deux autres scénarios sont plus rassurants : maîtrise de la maladie grâce à sa détection précoce et à la réaction rapide permise par des dispositifs mis en place au préalable, et enfin absence d’apparition de la maladie grâce à la performance des mesures de prévention, ou à la disparition de l’antibiorésistance.

Quelles mesures stratégiques pour éviter la crise ?

Cependant, pour que ces deux derniers scénarios soient réalisables, la détection précoce et la réaction rapide sont des facteurs clés qui dépendent d’un certain nombre de mesures à mettre en place, à différents niveaux.

Sur le plan législatif, les pays doivent disposer d’une réglementation efficace, détaillant les mesures à mettre en œuvre y compris l’indemnisation des éleveurs concernés. Une gouvernance doit déjà être établie pour assurer la collaboration. Or aujourd’hui, 110 pays ne disposent d’aucune réglementation pertinente en matière de fabrication, de distribution, de contrôle et d’usage des médicaments vétérinaires.

Parallèlement, la biosécurité des élevages est à renforcer, tout comme la sécurisation des introductions sur le territoire national. Néanmoins, ce dernier point dépend d’une harmonisation des règles internationales, d’une coordination des actions et d’un échange rapide et généralisé des données.

D’autres dispositifs peuvent également être actionnés, comme la surveillance des faunes domestique et sauvage, ou le développement du recours à la vaccination. Enfin, cette lutte ne pourra pas se passer d’un effort de recherche important sur les alternatives aux antibiotiques, et le déploiement du concept One Health.