Essentielle mais attaquée, la police de l’environnement fait son introspection


AFP le 20/06/2025 à 17:40

La police de l'environnement, chargée de lutter contre la pollution des eaux ou le trafic d'espèces protégées, se demande aujourd'hui comment elle est devenue le « bouc émissaire » ou la « victime expiatoire » durant la crise agricole.

« Si on est à ce point mis en exergue, c’est qu’on a raté quelque chose », admet Olivier Thibault, directeur général de l’Office de la biodiversité (OFB), établissement en première ligne des missions de police de l’environnement aux côtés d’autres acteurs (gendarmerie, agents des parcs nationaux, etc.). « Les gens qui font la police de l’environnement ont vécu une année difficile », rappelle-t-il.

Au plus fort de la crise agricole en 2024, l’OFB est devenu la cible de certains syndicats, conduisant à la dégradation d’établissements, à des insultes et intimidations envers des agents. L’un d’entre eux échappe même à la mort quand son véhicule est saboté.

La tension ne redescend pas et début 2025, le chef des députés LR Laurent Wauquiez demande à « supprimer » l’OFB. Le Premier ministre François Bayrou lui-même qualifie de « faute » certaines inspections d’agents auprès des agriculteurs, « une arme à la ceinture dans une ferme déjà mise à cran par la crise ».

Une perception de tensions en décalage avec la réalité, selon un rapport de l’administration rendu public en début d’année. Il ne recense depuis 2020 « que 180 situations relationnelles conflictuelles, pour un total d’environ 400 000 contrôles ».

« Bouc émissaire » 

« Il y a très peu de problèmes » mais « ils sont montés en épingle par des responsables de certains syndicats qui ne sont pas représentatifs du tout de la question agricole », regrette auprès de l’AFP Antoine Gatet, président de France nature environnement (FNE).

Le gouvernement finit par chercher à faire baisser la pression et présente au printemps 10 mesures de sortie de crise, dont le port discret de l’arme lors des contrôles administratifs dans les fermes. Mais aussi l’organisation d’un colloque, qui s’est tenu vendredi au Sénat.

« Il fallait trouver une victime expiatoire », analyse aujourd’hui Marc Fesneau, ancien ministre de l’Agriculture, qui revient à cette occasion sur la crise. L’OFB a fait les frais d’une « polarisation » liée aux inquiétudes des agriculteurs sur d’autres sujets comme la Pac, juge le désormais député.

« Ce n’était pas la volonté unique et simple de cibler l’OFB, c’était un emblème aussi de ce rejet des couches administratives et des contraintes administratives », admet Jean-Alain Divanac’h, de la FNSEA. « L’OFB a été utilisé comme une espèce de bouc émissaire », résume Olivier Thibault.

Les missions de l’OFB apparaissent pourtant dans l’ensemble consensuelle.

« Nous voulons tous pouvoir boire une eau non polluée, respirer un air sain et transmettre à nos enfants une nature vivante », affirme le sénateur (LR) Laurent Burgoa, administrateur de l’OFB.

« Morale collective »

Créé début 2020 avec la fusion de plusieurs établissements publics, l’Office français de la biodiversité (OFB) dispose de 1 700 inspecteurs sur le terrain qui participent à des missions de police administrative et judiciaire.

Leurs missions : respect des arrêtés sécheresse, lutte contre les pollutions, protection des espaces naturels, lutte contre le braconnage ou les trafics d’espèces protégées…

Selon un sondage commandé par l’OFB à Harris interactive, trois quarts des Français ont entendu parler de la police de l’environnement mais seulement 35 % voient précisément ce dont il s’agit. Une vaste majorité (93 %) souhaite qu’elle soit « plus présente sur le terrain ».

Aujourd’hui, après les élections des chambres d’agriculture en début d’année, la situation est globalement à l’« apaisement », se félicite Olivier Thibault.

La crise désormais passée, il s’interroge aussi plus largement sur la spécificité du droit de l’environnement, que l’OFB ne fait que mettre en oeuvre. « C’est un droit en devenir, qui continue à se construire et on voit qu’aujourd’hui ce n’est pas encore complètement ancré et entré dans la morale collective ».

« C’est extrêmement complexe, le droit de l’environnement, parce que c’est une matière nouvelle, vivante et qui en plus est profondément dynamique », ajoute l’eurodéputé centriste Pascal Canfin.