Accéder au contenu principal
Union européenne

Entrée de l’Ukraine dans l’UE : sur le volet agricole, « 1 + 1 ne font pas deux »


TNC le 09/07/2024 à 05:00
DrapeauxUEUkraine

Les négociations pour l'adhésion de l'Ukraine à l'Union européenne ont officiellement commencé le 25 juin. (© Pavlo Vakhrushev, AdobeStock)

Promesse d’une force productive et exportatrice accrue mais aussi risque de déstabilisation des filières européennes et nécessité de prendre en compte le coût de la reconstruction et l’harmonisation des standards de production : pour l’analyste Arthur Portier, le dossier de l’entrée de l’Ukraine dans l’UE pose bien des questions sur le volet agricole : « oui, il y a des opportunités, mais il faudra réaliser des ajustements colossaux ».

Il est de plus en plus question de l’entrée de l’Ukraine dans l’Union européenne. Quels en seraient les enjeux sur le plan agricole ? Début juin, à l’occasion de la sortie de l’ouvrage collectif Géopolitique des céréales, l’analyste Arthur Portier (Argus media France/Agritel) donnait quelques pistes de réflexion sur le sujet.

« La question d’une entrée de l’Ukraine est plutôt logique avec le processus initié depuis le début du conflit et l’aide fournie au pays. Maintenant, d’un point de vue agricole, il faudra redéfinir notre stratégie européenne, c’est un fait », résume-t-il : « oui, il y a des opportunités, mais il faudra réaliser des ajustements colossaux » et « véritablement redessiner la feuille de route de cette « Ukraine européenne » ou de cette « Union ukrainienne » ».

Sans vouloir parler « de véritable dichotomie sur la façon de produire » en Ukraine d’une part et en UE d’autre part, il rappelle que « beaucoup d’agriculteurs français et européens protestent sur la façon de produire des Ukrainiens » : « ils n’ont pas les mêmes matières actives, ils ont des autorisations que nous n’avons pas… ».

À l’inverse, « quand on demande aux agriculteurs ukrainiens s’ils sont enclins à entrer dans l’Union européenne sur le volet agricole, vous serez surpris mais la réponse est véritablement non pour une part prépondérante d’entre eux ! ». Car pour eux, la vocation exportatrice du pays s’oppose à la vision européenne de l’agriculture.

Une UE plus forte sur le plan agricole ?

« Le poids de l’Ukraine est important » : si on additionne l’Ukraine pré-conflit et l’UE, cette « Ukraine européenne » représenterait 170 Mt de production annuelle de blé, soit une hausse de 25 % par rapport à la production européenne actuelle.

Quant aux exportations, « si on se sert des outils logistiques et de la production ukrainienne, on arriverait à 50 Mt d’exports de blé tendre, c’est 60 % de plus que ce que l’UE exporte cette année et c’est l’équivalent des exports de la Russie, premier exportateur mondial de blé tendre. On se créerait véritablement une place prépondérante dans les marchés ! ».

Mais 1 + 1 ne font pas deux sur les sujets agricoles : si demain l’Ukraine entrait dans l’UE, ça déstabiliserait certaines filières européennes (en témoigne la déstabilisation qui s’est opérée après la création des couloirs de solidarité terrestres et fluviaux entre Ukraine et UE au lendemain de la guerre) et pourrait en diminuer la production. À l’heure où on se parle, « 1 + 1 font plutôt 1,5 ».

S’il est aujourd’hui « très difficile de spéculer sur l’issue de ce conflit et de l’adhésion de seulement certains territoires de l’Ukraine et pas d’autres », c’est donc surtout « la vision à donner au volet agricole entre les deux unions » qui primera selon lui.

« Il faudra repenser la stratégie pour que ce soit une véritable force — de production et logistique – : il y aura des ajustements à faire et le coût de la reconstruction n’est vraiment pas à mettre de côté ».

Et pour cela, il faut prendre en compte les autres acteurs : « les premiers à avoir dépêché des spécialistes en Ukraine au début du conflit, ce sont les Américains ! ». Ces derniers n’ont pas attendu le temps de la reconstruction pour envoyer des supports tactiques, aujourd’hui « proches de Zelensky » et « avec déjà une vision sur la reconstruction et les challenges à venir ».