Entre Sunlait et Savencia, le rapport de forces met les discussions à l’arrêt

Suite à l'arrêt de la cour d'appel de Caen, qui a invalidé le jugement en première instance dans l'affaire Sunlait/Savencia, la situation est au point mort entre les deux protagonistes. Dialogue interrompu, chantage... les éleveurs ont manifesté aujourd'hui devant des usines de Savencia pour tenter d'attirer l'attention des pouvoirs publics.

Une situation totalement bloquée. Entre les producteurs adhérents de Sunlait et la laiterie Savencia, le dialogue est rompu. Le contrat cadre actuel, qui lie ces deux organisations, arrive à échéance le 8 mars prochain et, pour l’heure, Savencia refuse d’en signer un pour lui succéder. Les propositions faites de part et d’autre ont été rejetées. Potentiellement, le lait des 1 000 producteurs adhérents à Sunlait pourrait donc ne plus être collecté dès le 9 mars.

1000 producteurs risquent un arrêt de collecte

« Savencia fait pression sur les producteurs pour qu’ils quittent Sunlait », explique Denis Berranger, vice-président de l’association des producteurs. Celui-ci explique que Savencia démarche un à un les producteurs en les menaçant de ne plus collecter leur lait s’ils restent chez Sunlait. Un chantage insupportable, pour Denis Berranger. « Ce n’est pas à Savencia de décider avec qui elle discute, s’indigne-t-il. Ce sont les adhérents qui le font. Après tout, on n’imaginerait pas une entreprise refuser de discuter avec un syndicat. »

L’intérêt de Savencia, dans cette tentative de décourager les producteurs Sunlait, serait de les voir rejoindre une autre organisation avec laquelle il y aurait déjà un accord et pas de contentieux. « Sunlait a trop dérangé », résume Denis Berranger.

Pour rappel, Sunlait avait assigné Savencia en justice pour non-respect de la formule de détermination du prix de base, contractualisée en juin 2018. Le 30 août 2022, le tribunal de Coutances avait condamné Savencia à verser 26 millions d’euros à Sunlait. Ce jugement a ensuite été infirmé par la cour d’appel de Caen, le 5 décembre dernier. Aujourd’hui, il reste trois jours à Sunlait pour décider de se pourvoir ou non en cassation. C’est dire si les prochains jours seront déterminants.

600 millions de litres annuels

Pour les 1 000 producteurs de Sunlait, difficile de changer de client. Cela signifierait emmener avec eux les 600 millions de litres de lait produits chaque année. Aucun industriel ne peut absorber un tel volume en une seule fois. « Et nous ne sommes pas là pour faire prendre des risques à nos adhérents », souligne Denis Berranger. Celui-ci annonce cependant l’intention de Sunlait de retirer progressivement des volumes à Savencia.

Dans ce bras de fer, les enjeux sont grands pour les producteurs. « Ce que nous voulons, ce n’est pas seulement un prix du lait pour mars, insiste Denis Berranger, mais un partenariat et un accord sur le long terme ».

Pour y parvenir, Sunlait a demandé l’intervention de la médiation des relations commerciales agricoles. Mais Savencia a refusé. Etape suivante : le 15 février prochain, le litige doit être présenté devant le Comité de règlement des différends commerciaux agricoles (CRDCA), une instance qui a été mise en place par la loi Egalim.

En attendant, ce jeudi 8 février, les éleveurs de Sunlait ont manifesté à Saint Brice en Coglès (Ille-et-Vilaine) et Jurançon (Pyrénées-Atlantiques) devant les usines Savencia qui fabriquent les marques Cœur de lion et Saint Albray. L’objectif est d’alerter les pouvoirs publics pour les amener à s’intéresser au dossier. « Ils doivent comprendre l’ampleur du problème », précise Denis Berranger. Il est aussi de parvenir à rencontrer la direction de Savencia. Le chemin risque d’être encore long pour pacifier les relations entre les deux organisations.

Près de 250 éleveurs bretons de l’OP Ouest-Lait de ⁦@Savencia_groupe⁩ réunis en AG cet après-midi devant la laiterie de Saint-Brice en Cogles (35) protestent contre « le non respect d’Egalim » par l’industriel. Leur lait ne serait plus collecter en mars ! ⁦@MFesneau⁩ pic.twitter.com/0DksC7FS0O

— Eric de LA CHESNAIS (@plumedeschamps) February 8, 2024