En France, la belle récolte de blé attendue cache une série de calamités


AFP le 11/07/2025 à 23:05
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(© Stéphane Leitenberger/Adobe Stock)

Après la récolte catastrophique de 2024, la moisson de blé s'annonce « plutôt bonne » en France, un « soulagement » face aux nombreux défis auxquels sont confrontés les agriculteurs dans le premier pays producteur de la céréale du pain en Europe.

Dans ses champs de la Marne, Benoît Piétrement a « à peine commencé à faucher un peu de colza » et s’apprête à « attaquer sur les blés ». « Je suis plutôt optimiste », déclare le président d’Intercéréales, qui regroupe les acteurs de la filière, de la production à la commercialisation en passant par la première transformation.

Les premiers échos de la moisson d’orge sont « encourageants » pour celle du blé qui lui succède. Les prévisions de récolte de la céréale reine oscillent entre 31 et 33 millions de tonnes, selon les maisons de courtage, dans la moyenne des dernières années. « Cela va permettre à tout le monde de souffler un peu après l’année terrible » de 2024, la pire récolte en 40 ans avec 25,8 millions de tonnes, relève Benoît Piétrement.

Pour les coopératives et organismes stockeurs, qui ont eu des surcoûts de tri et nettoyage des grains l’an dernier, « les volumes attendus cette année vont permettre d’écraser un peu les charges ».

En bas de l’échelle

Mais il avance aussi « quelques bémols », dit son inquiétude « pour les semis tardifs qui ont pris un coup de chaud avec la canicule » et surtout rappelle que la filière est « sur les genoux ».

Plusieurs raisons sont avancées : des prix en berne sur le marché, des charges en hausse, des conditions climatiques changeantes et des solutions d’adaptation plus lentes à venir que les défis à affronter.

Sur le marché européen, les cours peinent à se maintenir à 200 euros la tonne, face à la concurrence de la mer Noire et sous la pression d’une abondante récolte mondiale.

Face à des prix aujourd’hui « largement sous les coûts de production », les céréaliers « ne sont pas pressés de vendre » : « on a un vrai problème de rentabilité des cultures », souligne Gautier Le Molgat, PDG d’Argus Media France.

Si longtemps les gros céréaliers ont été considérés comme des nantis dans le monde paysan, ils ont désormais « le revenu moyen le plus faible de tous les secteurs agricoles », selon Eric Thirouin, président de l’association des producteurs de blé (AGPB).

Selon le dernier rapport de la Commission des comptes de l’agriculture, en 2023, le résultat courant avant impôt par actif non salarié d’une exploitation du secteur céréalier s’établit en moyenne à 11 970 euros.

C’est « un de leur plus faibles niveaux depuis 1990 », selon ce rapport, qui place les revenus des céréaliers derrière ceux des éleveurs de bovins viande ou de caprins, traditionnellement en bas de l’échelle.

« Ergot de seigle »

Après l’effondrement des rendements en 2024, 2025 a aussi vu les prix des engrais remonter, d’environ 30 % depuis un an selon l’interprofession. Celle-ci redoute une nouvelle flambée du cours des fertilisants après la décision européenne de taxer les engrais russes, qui représentent aujourd’hui un quart des importations européennes.

« Avec un blé à 200 euros la tonne, on s’en sortait mieux il y a cinq ou six ans parce qu’on n’avait pas des charges aussi élevées », explique Benoît Piétrement.

Il est soulagé de pouvoir « utiliser encore jusqu’à fin 2026 » le flufénacet, un herbicide reconnu comme un perturbateur endocrinien qui sera retiré du marché européen en décembre 2025, mais qu’un délai de grâce permet d’utiliser un an de plus.

« C’est important pour faire face à l’ergot de seigle, un puissant neurotoxique » émanant d’un champignon vénéneux mortel, « qui avait quasiment disparu depuis 50 ans et qu’on voit maintenant régulièrement dans les parcelles de blé », explique le céréalier.

Ce champignon, comme d’autres ravageurs du blé, est favorisé par le changement climatique, notamment par les périodes d’humidité alliées à de la douceur.

Demain, les aides aux agriculteurs « devront vraiment se focaliser sur la recherche et l’adaptation », estime le président d’Intercéréales.

La filière attend aussi du gouvernement un « travail diplomatique » pour vendre le blé français, dans une période difficile où un client historique comme l’Algérie a tourné le dos au marché hexagonal, mais où de « nouvelles opportunités » peuvent s’ouvrir en Arabie saoudite ou en Chine.