Elevage intensif et durabilité sont-ils forcément opposés ?
TNC le 24/06/2025 à 15:39
Souvent cible de critiques sociétales, l’élevage intensif est accusé de générer des émissions de gaz à effet de serre, d’entretenir une dépendance aux intrants, de contribuer à l’antibiorésistance, de menacer la biodiversité, bref : d’être incompatible avec la durabilité. Doit-on pour autant tirer un trait sur ce type d’élevage en France ?
C’est la question que s’est posée l’Académie d’Agriculture de France dans son rapport, « l’élevage intensif peut-il être durable ? », publié en avril 2025.
« Intensif », un terme qui recouvre des réalités très diverses
Le débat mérite, tout d’abord, une clarification du vocabulaire, car si « intensif » désigne initialement des systèmes de production très dépendants aux intrants exogènes à l’exploitation agricole, le terme recouvre aujourd’hui des réalités très diverses en fonction des espèces, des territoires, des techniques employées, précise l’Académie d’agriculture.
Le rapport se concentre donc, de son côté, sur « la durabilité d’exploitations spécialisées (ou d’ateliers spécialisés au sein d’une ferme pratiquant plusieurs productions) et intensives avec un recours important aux intrants externes pour l’alimentation des troupeaux dépassant le plus souvent les capacités de leur territoire à la produire et à recycler les nutriments (N et P) contenus dans les déjections animales ». Ces exploitations sont au moins soumises à la réglementation ICPE, avec le plus souvent des animaux en bâtiment.
Des services, mais aussi des limites
Bien que décrié pour ses aménités négatives, l’élevage intensif rend des services, rappelle l’Académie d’agriculture : production à coût modéré, maintien de territoires et filières dynamiques, maîtrise sanitaire…
Pour autant, ce mode d’élevage est également confronté à plusieurs limites, comme la vulnérabilité économique, la dépendance aux intrants, une spécialisation excessive, et des impacts connus sur l’environnement et le bien-être animal, ce qui rend leur évolution inévitable. C’est d’autant plus nécessaire, rappelle l’Académie d’agriculture, que « l’élevage français souffre. La production régresse, le nombre d’éleveurs ou de candidats à l’installation également, et les importations augmentent alors que nous disposons de l’un des plus importants potentiels de production d’Europe ».
« Penser l’élevage dans son environnement »
Pour remédier aux externalités négatives de l’élevage intensif, le rapport de l’Académie d’agriculture propose une « approche systémique » et invite à « penser l’élevage dans son environnement, au sein d’agroécosystèmes locaux, intégrant biodiversité, qualité de l’air et de l’eau et stockage de carbone ».
Une recommandation qui se décline à travers plusieurs propositions : relocaliser les productions (moins de transports), mais également associer une désintensification et une déspécialisation de certains territoires. En raison de la forte spécialisation de l’élevage intensif, ce mode de production a en effet perdu « son rôle écologique de recycleur », souligne l’Académie d’agriculture.
Pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, l’institution met en avant la sélection génétique, l’alimentation et la gestion des effluents.
Enfin, côté consommateur, si davantage de dialogue et de transparence semble nécessaire entre l’amont et l’aval, le rapport met également en avant la nécessité de réduire la consommation de viande chez plus gros consommateurs, au profit d’une viande issue de modes de production qualitatifs. L’Académie précise néanmoins, qu’en parallèle, une protection vis-à-vis des importations moins-disantes sera indispensable.