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Sésame contaminé

Des parlementaires veulent durcir les contrôles à l’importation


AFP le 17/02/2021 à 17:40

[Article mis à jour le 18/02/2021 à 10h36] Chocolat, purée, houmous... De nombreux produits à base de graines de sésame en provenance d'Inde sont retirés des rayons car ils contiennent de l'oxyde d'éthylène, classé cancérogène. Une « alerte qui doit servir de leçon », selon des parlementaires, qui appellent à durcir les contrôles à l'importation.

On est sur une ampleur (…) inédite puisque plus de 100 pays sont concernés dans le monde et 20 pays au niveau européen », a dénoncé Laurent Duplomb, sénateur LR de la Haute-Loire et auteur d’un rapport sur le sujet, lors d’une conférence de presse.

L’affaire remonte au 9 septembre 2020, quand « un opérateur italien détecte que des graines de sésame importées d’Inde comportent des résidus d’oxyde d’éthylène, une substance active » interdite pour les usages alimentaires dans l’Union européenne depuis 1991, détaille le rapport du sénateur. Une fois l’alerte lancée, des contrôles effectués sur ces résidus font état de teneurs « très largement supérieures » à la limite maximale de résidus (LMR) de 0,05 autorisée au niveau européen, allant jusqu’à 186 détaille le document. C’est 3 700 fois plus que le plafond autorisé, insiste Laurent Duplomb, assurant toutefois qu’aucun cas d’intoxication n’a été relayé à ce jour.

Comment expliquer la présence de cette molécule dans les graines de sésame ? Le rapport évoque plusieurs hypothèses, comme celle « d’un traitement préventif par fumigation » afin de réduire d’autres risques tels la présence de salmonelles. Ou encore l’usage du produit en tant que pesticide durant la production.

Plus de 1 000 rappels

Biscuits, houmous, baguettes, salades, burger, farine, huiles, purée, biscottes ou encore chocolat… À ce jour, quelque 1 040 références de produits grand public – conventionnels ou bio – ont été rappelés, explique un porte-parole de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) à l’AFP.

« En France, on contrôle la totalité des lots de graine de sésame qui viennent d’Inde pour vérifier qu’elles ne sont pas contaminées à l’oxyde d’éthylène, et dès qu’elles le sont, les lots ne circulent pas sur le marché », affirme-t-il. Ce travail de traçabilité « prend un peu de temps », ce qui explique qu’« on a des retraits et rappels qui peuvent s’échelonner dans le temps, et on en a encore tous les jours », selon lui.

« Pourquoi les fabricants qui s’approvisionnaient chez des fournisseurs en Inde n’ont pas décidé simplement de retirer tout ce qu’ils avaient sur le marché par principe de précaution, en attendant de pouvoir faire des contrôles ? » s’interroge auprès de l’AFP Fabienne Loiseau, journaliste au magazine 60 millions de consommateurs qui a enquêté sur le sujet. « C’est un scandale par l’ampleur du phénomène, c’est plusieurs centaines de tonnes qui sont concernées », affirme-t-elle. « On est sur une vraie forme de naïveté au niveau européen et au niveau français » vis-à-vis de nos partenaires commerciaux, regrette pour sa part le sénateur Duplomb.

D’autres produits concernés ?

Pour diminuer les risques d’importer des produits potentiellement dangereux, le sénateur recommande notamment de durcir les contrôles européens, « avec peut-être la création d’une DGCRRF européenne » pour augmenter les contrôles aléatoires. Autres propositions : renforcer les contrôles nationaux, en augmentant par exemple les moyens de la DGCCRF, ou encore privilégier les approvisionnements européens.

Aujourd’hui, le problème n’est pas limité aux seules graines de sésame. « On a commencé à voir arriver il y a quelques semaines des rappels de produits qui ne contenaient pas de sésame mais qui pourtant étaient testés positifs à l’oxyde d’éthylène », affirme Fabienne Loiseau. « On a commencé à voir apparaître du psyllium, qui est du plantin, dans des compléments alimentaires ou encore dans des farines sans gluten », énumère-t-elle. Mais aussi dans de l’amarante issue de l’agriculture biologique, des mélanges d’épices indiens ou encore des échalotes séchées, précise le rapport parlementaire, laissant craindre des alertes à venir sur d’autres produits « comme les herbes et épices ».

Pour Laurent Duplomb, « ce n’est pas tout d’interdire (…) Plus on est voué à des importations, plus on se doit de contrôler si on veut continuer d’interdire aussi fortement certaines molécules ou certaines formes de production ».