Accéder au contenu principal
Entre agriculteurs et distributeurs

Des négociations toujours difficiles sauf pour la filière laitière


AFP le 01/03/2019 à 15:20

La loi alimentation avait suscité l'espoir des agriculteurs mais les négociations tarifaires entre distributeurs, industriels et producteurs qui s'achèvent ce vendredi ont encore été crispantes, à l'exception de la filière laitière beaucoup plus optimiste.

« Une omerta autour du box des négociations » : pour Patrick Bénézit, secrétaire général adjoint du premier syndicat agricole de France, la FNSEA, les accords signés à quelques heures de la fin des discussions à minuit manquent encore de transparence, en particulier dans la viande et les céréales. Après le vote de la loi issue des États généraux de l’alimentation (EGA), qui promettait plus de transparence pour une meilleure rémunération des producteurs, certains acteurs de la distribution ont envoyé des signaux positifs. Les contrats sur la revalorisation du prix de lait ont ainsi déferlé, par exemple du groupe agroalimentaire Savencia avec Intermarché, Lactalis avec Carrefour, Super U et Lidl, Danone avec Leclerc et Sodiaal avec Lidl. « Les contrats ont globalement été signés très rapidement, notamment dans le secteur laitier », confirme à l’AFP, Dominique Chargé, président de Coop de France. « Objectivement ce n’est pas génial, mais ça s’est mieux déroulé que par le passé ».

Pas toujours de bons contrats

« Lors des EGA, on était tous d’accord – y compris les distributeurs sauf un – pour recréer de la valeur, aujourd’hui ce n’est plus le cas », regrette auprès de l’AFP, Catherine Chapalain, directrice générale de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania). « On a des retours, de la part des producteurs, d’ambiance sous tension, notamment dans les céréales et la viande, avec des dossiers qui se signent dans des conditions assez difficiles », explique Dominique Chargé de Coop de France. Patrick Bénézit souligne également des exigences de montées en gamme, notamment dans le bio, sans suivi d’augmentation des prix de la part de certaines enseignes. Plusieurs sources, sous couvert d’anonymat, épinglent Carrefour, qui n’a pas souhaité s’exprimer.

Pour le porte-parole d’un grand nom de la distribution, qui veut rester anonyme, il s’agit de suivre le cours des matières premières, point de départ de toute négociation au sein du groupe. L’adaptation des prix à la hausse concernera ainsi principalement le lait et la viande, ainsi que les dérivés de pommes de terre. Avec quatre grandes centrales d’achat présentes en France pour 18 000 entreprises de l’agroalimentaire, un déréférencement (c’est-à-dire l’arrêt de la commercialisation d’une gamme de produits) d’une de ces centrales représente une baisse de 20 à 25 % de son chiffre d’affaires. Le sujet des négociations est donc devenu tabou dans la profession, par peur des représailles financières. Qui dit contrat signé, ne dit pas forcément bon accord, rappelle Catherine Chapalain. « Il y a des entreprises qui n’ont pas d’autre choix que de signer pour sécuriser leur chiffre d’affaires », ajoute-t-elle.

« Ruissellement » non contraignant

Le directeur des achats de Lidl France, Michel Biéro maintient qu’il n’est pas question de signer un contrat « sans une totale transparence de la part des industriels ». « Il y a certainement des industriels de marque avec lesquels il n’y aura pas d’accord et je n’ai pas de problème avec ça », conclut-il. « Dans les contrats qui nous ont été présentés, on n’a que très rarement la part reversée au producteur qui est mentionnée », confirme à l’AFP le délégué général de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD), Jacques Creyssel. Pour Guy Hermouet, qui suit les négociations commerciales pour le secteur de la viande pour Interbev, beaucoup de choses sont mises en place pour « favoriser la transparence (par exemple le calcul du coût de revient, NDLR), mais tout cela portera ses fruits dans plusieurs années ». Les représentants des éleveurs et des coopératives agricoles craignent un détournement de la manne financière issue du relèvement du seuil de revente à perte (SRP) au profit du consommateur pour maintenir le pouvoir d’achat et au détriment de l’éleveur.