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Fonds UE

Des « failles » dans la traque des conflits d’intérêts selon un rapport


AFP le 13/03/2023 à 18:19

Les efforts pour repérer et empêcher les conflits d'intérêts dans la distribution des fonds européens de la Politique agricole commune (Pac) et de la politique de cohésion restent très insuffisants, a estimé lundi la Cour des comptes de l'UE.

« Tant la Commission européenne que les États membres ont déployé des efforts pour lutter contre les conflits d’intérêts, mais des failles persistent », en particulier pour détecter et signaler les situations à risque, observe un rapport de l’institution basée au Luxembourg.

La Pac et la politique de cohésion (financement de projets pour réduire les écarts de richesse entre régions) constituent les deux plus gros postes du budget de l’Union européenne, avec respectivement 56 milliards et 64 milliards d’euros de fonds distribués en 2021.

Leur gestion est partagée entre Bruxelles et les Etats, avec pour devoir d’éviter « tout conflit d’intérêts découlant d’affinités politiques ou nationales, d’intérêts économiques ou de tout intérêt personnel direct ou indirect » (liens familiaux, professionnels, commerciaux…) susceptible de fausser l’attribution des fonds.

Le rapport cite le cas d’un fonctionnaire roumain approuvant des aides pour une firme dont il était actionnaire, et celui d’un employé du gouvernement luxembourgeois communiquant des données à son épouse agricultrice pour qu’elle sollicite certaines aides. L’ex-Premier ministre tchèque Andrej Babis avait lui aussi été soupçonné de conflit d’intérêts entre ses fonctions politiques et sa carrière d’entrepreneur milliardaire.

« Les déclarations sur l’honneur sont la méthode la plus utilisée pour prévenir ces conflits d’intérêts, mais on ne peut pas toujours s’y fier », observent les auditeurs, notant que les informations peuvent s’avérer « difficiles à recouper » en raison de règles sur la protection des données.

Surtout, dans les pays audités (Allemagne, Hongrie, Malte et Roumanie), ces déclarations ne sont pas systématiquement vérifiées ni même obligatoires pour les membres du gouvernement. La pratique du « pantouflage » (passage d’une responsabilité publique au secteur privé) devrait être surveillée « de manière plus active », juge aussi le rapport.

Autre souci : dans les marchés publics, les autorités nationales « ne réagissent pas toujours à certains signaux d’alerte, comme l’accumulation de procédures sans réelle mise en concurrence ». Ainsi, en 2017, la moitié des appels d’offres publics en Roumanie n’attiraient qu’une offre unique.

Plus généralement, le rapport déplore l’absence de transparence : les sites internet nationaux ou régionaux « ne contiennent actuellement aucune information sur les bénéficiaires finaux (des fonds européens) derrière les personnes morales, ce qui limite le contrôle public ».

La Commission européenne a indiqué lundi « accepter les recommandations » de la Cour des comptes, tout en défendant ses efforts « pour améliorer la collecte et l’interopérabilité des données des États membres sur les bénéficiaires de financements de l’UE ». Après un renforcement des règles de l’UE sur les conflits d’intérêt en 2018, « nous avons proposé en mai 2022 une révision allant plus loin en termes de transparence sur les bénéficiaires des fonds, y compris leurs bénéficiaires effectifs », a fait valoir un porte-parole de l’exécutif européen.