Droit

Constructions en zone agricole, quelle réglementation ?


Laura Barrucan, Juriste Cabinet TERRÉSA, membre d’AGIRAGRI le 15/04/2020 à 09:23
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(©Pixabay)

Les zones agricoles sont par principe inconstructibles. Cependant, certaines constructions peuvent être autorisées. Les règles varient selon que la commune est dotée ou non d’un Plan Local d’Urbanisme (PLU).

Peuvent être autorisés en zone agricole [1] :
• les constructions et installations qui sont nécessaires à l’exploitation agricole,
• l’adaptation, l’extension des constructions existantes ou la construction de bâtiments nouveaux à usage d’habitation à l’intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole,
• les équipements collectifs dès lors qu’ils ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole,
• les constructions et installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles, lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production, dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole.

Toutefois, les contours de chacune de ces notions sont assez flous et sont laissés à la libre appréciation des juges en cas de contentieux. La jurisprudence nous permet donc de préciser ce qui peut être ou non construit en zone agricole.

Constructions de bâtiments et installations directement liées à l’exploitation

Que la commune soit dotée d’un PLU ou non, les constructions de bâtiments et installations directement liés à l’exploitation sont autorisés en zone agricole.

Cette notion recouvre notamment les bâtiments d’exploitation comme les hangars, les étables, granges, ainsi que les installations nécessaires à l’exploitation de l’activité : les silos, les serres…

A noter, le Conseil d’Etat a récemment considéré que l’installation d’une toiture photovoltaïque sur une serre (donc une installation directement liée à l’exploitation) ne change pas l’usage agricole de la serre [2].

Constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs

Par « équipements collectifs », il convient d’entendre « un service d’intérêt général correspondant à un besoin collectif de la population » [3]. Cela vise notamment les ouvrages destinés à la production d’énergies renouvelables qui seront ensuite vendues au public [4].

Toutefois, ces installations ne doivent pas être incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole. Elles doivent permettre le maintien d’une activité agricole significative [5].

Ces projets sont donc étudiés avec beaucoup d’attention. L’implantation de ces ouvrages est en effet privilégiée dans les zones U et AU (urbanisées et à urbaniser) et en dernier recours dans les zones A et N [6] (naturelles).

Constructions et installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles

Il s’agit ici des constructions et installations destinées à une activité dans le prolongement de l’activité agricole c’est-à-dire des opérations se situant « après le cycle biologique, en aval de la production, à condition toutefois que ces activités n’apparaissent pas distinctes ou autonomes vis-à-vis de l’acte de production en cause » [7].

La production transformée, conditionnée ou commercialisée doit conserver un lien avec l’activité productrice [8].

Par exemple, l’activité de maquignon ne constitue pas un acte de production agricole. Aussi, la construction d’un centre d’allotement par un maquignon ne s’inscrit pas dans le prolongement d’un acte de production et ne peut donc être autorisée en zone agricole [9].

Constructions de maisons d’habitation

Il n’est pas toujours possible pour un agriculteur de construire sa maison d’habitation sur une zone agricole.

En effet, pour ce type de construction, c’est l’activité même de l’exploitation qui va permettre de déterminer si la construction est ou non nécessaire à l’exploitation.

Par exemple, la construction d’une maison d’habitation n’a pas été considérée comme nécessaire à l’activité d’un pépiniériste spécialisé dans la production de plants pour la viticulture dès lors que cette activité et les conditions de son exercice ne nécessitaient pas une continuité de présence [10].

Même solution concernant un exploitant de cultures de fleurs, dès lors qu’il habite à 10 minutes de son exploitation et qu’il ne démontre pas qu’il ne peut exercer son activité dans les meilleures conditions sans loger sur place [11].

En revanche, a été jugée comme nécessaire à l’exploitation la construction d’une maison d’habitation destinée à loger l’exploitation d’un troupeau de bovins, dès lors que cet élevage nécessite une surveillance accrue durant la période de vêlage [12].

Dans tous les cas, l’administration en charge de l’instruction du dossier de demande de permis de construire sur un terrain situé en zone agricole doit se livrer à une analyse concrète du projet de construction de manière à apprécier au mieux le caractère nécessaire de ce dernier au vu des éléments justificatifs produits par le demandeur.

IMPORTANT :
Le bailleur qui laisse le preneur installer des aménagements, non conformes aux règles d’urbanisme, est pénalement responsable [13]. En l’espèce, le preneur avait installé des caravanes, maisons mobiles et containers.

[1] Art. L 111-1-2 et L 151-11 C. urbanisme
[2] CE, 12/07/2019, n° 422542
[3] CE, 18/10/2006, n° 275643
[4] CAA de Nantes, 23/10/2015, n° 14NT00587 pour les panneaux photovoltaïques
[5] CE, 8/02/2017, n° 395464
[6] RM Vallaud, n°10650, 7/01/2020, p. 72 rappel de la circulaire du 18 décembre 2009 relative au développement et au contrôle des centrales photovoltaïques au sol
[7] Cass. com, 11/04/1995, n° 93-16.064, 11 juillet 2002, n° 00-16.177
[8] RM Longeot, n° 12708, 19/12/2019, p. 6240
[9] Idem
[10] CAA Marseille 23/10/2009, n°07MA03434
[11] CAA Marseille 9/10/2009, n° 07MA02537
[12] CAA Bordeaux, 15/06/2006, n° 03BX02213
[13] Cass 3ème crim. 24/10/2017 n° 16-87.178

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