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Grogne agricole

Concurrence déloyale : tomates marocaines ou sucre ukrainien érigés en symbole


AFP le 30/01/2024 à 09:44

Des tonnes de fruits et légumes déversés sur la chaussée dans la Drôme ou le Gard, des denrées importées sorties d'un supermarché dans le Lot-et-Garonne : la « concurrence déloyale » dénoncée par les agriculteurs français s'incarne notamment dans deux produits : la tomate marocaine et le sucre ukrainien.

La France importe désormais la moitié de ses légumes et 60 % de ses fruits. En dépit d’un « plan de souveraineté » annoncé il y a un an, maraîchers et arboriculteurs français subissent une rude concurrence du sud du bassin méditerranéen.

L’association de producteurs Tomates et Concombres de France a dénoncé lundi l’augmentation des importations de tomates marocaines vers la France en 2023, favorisées par un accord commercial entre l’Union européenne et le Maroc. « Sur la saison 2022-2023, 424.690 tonnes de tomates marocaines ont été importées en France, pour 394 740 tonnes en 2021-2022, soit une augmentation de 7,6 %. En valeur, cette augmentation est de plus de 168 millions d’euros, soit 27,5 % », affirme l’association.

Ces importations « sont très clairement tirées vers le haut par des enseignes de la grande distribution qui favorisent les offres « petits prix » au détriment de l’offre française », et aussi par « l’absence d’étiquetage clair » pour le consommateur, selon le groupe de producteurs.

Les agriculteurs dénoncent une concurrence déloyale, mais aussi des « aberrations » au niveau des contraintes environnementales et sociales : le Maroc est classé parmi les pays à « stress hydrique élevé » et alors que le pays traverse sa sixième année de sécheresse, l’irrigation aggrave la « surexploitation de la plupart des ressources en eaux souterraines ». Par ailleurs, l’association souligne que « c’est grâce au coût extrêmement bas de la main d’œuvre que les producteurs marocains parviennent à présenter sur les étals français des prix défiant toute concurrence ».

L’Ukraine pourrait exporter 700 000 t de sucre vers l’UE

La France est le premier producteur européen de sucre. Elle est « auto-suffisante et exporte la moitié de sa production, soit 1,8 million de tonnes de sucres », selon la Confédération générale des betteraviers (CGB), association spécialisée du syndicat majoritaire FNSEA. Les planteurs de betterave sucrière, mobilisés dans les actions de blocage de Paris, appellent d’urgence à « stopper les importations massives de sucre ukrainien ».

Depuis 2017, la fin des quotas sucriers en Europe et la succession de crises climatique, économique et sanitaire « ont entrainé la disparition de deux bassins de production betteravier (Calvados et Limagne) et la fermeture de cinq sucreries en France, soit une sur cinq », rappelle la CGB, qui estime que la production française de sucre et d’éthanol « continue à être menacée ».

Depuis 2022, dans un effort de solidarité après l’invasion russe, l’Union européenne a ouvert ses frontières au sucre ukrainien. « Alors que l’Ukraine exportait historiquement 20 000 tonnes de sucre vers l’UE, ces volumes sont passés à 400 000 tonnes en 2022/23 et pourraient dépasser 700 000 tonnes au cours de cette campagne », a affirmé lundi la CGB.

L’association demande la mise en place de « contingents limitant les importations de sucre ukrainien », qui n’était pas destiné qu’au marché européen, et « produit avec des normes largement inférieures à celles en vigueur » au sein de l’UE, rappelant que l’Europe subit déjà la rude concurrence du sucre (de canne) latino-américain, sans aucune clause relative « au mode de production (produits phytosanitaires, brûlage de la canne à sucre, etc.) ou au respect du droit du travail ».