Annie Genevard défend sa stratégie et assure « entendre » les éleveurs
AFP le 16/12/2025 à 09:00
La ministre de l'Agriculture Annie Genevard a assuré lundi à Toulouse « entendre » la détresse des éleveurs, mais a défendu sa gestion de la dermatose nodulaire contagieuse (DNC), critiquée par une partie des agriculteurs et de la classe politique.
Après avoir assisté à la vaccination d’un troupeau en Haute-Garonne, la ministre a rejoint la préfecture de Toulouse pour une « réunion de crise » en fin d’après-midi. Là, elle a assuré avoir entendu les éleveurs et présenté comme un « infléchissement » du protocole sanitaire l’élargissement du périmètre de la vaccination annoncé vendredi. Dans le sud de la France, 600 000 à 1 million de bovins doivent être vaccinés, selon la ministre.
Une « cellule de dialogue scientifique » entre scientifiques et représentants des éleveurs d’Occitanie va être mise en place, pour examiner les revendications liées au protocole de gestion de la dermatose bovine notamment le sujet de l’abattage, a indiqué mardi la ministre de l’agriculture Annie Genevard. Elle a « demandé au préfet de région et à la présidente de la région Occitanie (…) des propositions pour composer ce petit groupe ». « Il faut qu’ils se parlent, qu’ils se comprennent, et que ces experts examinent le protocole qui leur est proposé en sachant que ce qui doit nous guider absolument c’est la sécurité sanitaire des troupeaux ». Cette instance aura pour mission d’examiner « au plus vite, et en toute indépendance, les propositions formulées en Occitanie, au regard de l’impératif de protection des cheptels », précise son ministère.
En dépit d’un nouveau cas de DNC détecté dimanche dans une petite ferme de l’Aude, où les dix bovins du foyer ont été euthanasiés, la ministre a souligné plus tôt lundi que tous les cas étaient désormais éradiqués et que la situation était « sous contrôle ».
Elle a rappelé les « trois piliers » de la stratégie sanitaire : l’abattage systématique dès la détection d’un cas, la vaccination et la restriction de mouvements, seuls à même de venir à bout de cette maladie animale très contagieuse, non transmissible à l’homme mais qui peut toucher très durement le cheptel.
Dans une région frondeuse où la colère s’est vite convertie en actions, la ministre s’est tenue loin des blocages sur le terrain.
Le ministère de l’Intérieur a recensé lundi 45 actions impliquant au moins 3 000 personnes à travers le pays, contre moins de 30 actions impliquant 1 000 personnes dimanche.
En Haute-Garonne aujourd’hui, aux côtés des éleveurs.
Ils sont inquiets, légitimement, et je veux leur redire mon soutien indéfectible.
Face à la maladie, la campagne vaccinale, qui est un chemin d’espoir contre la DNC, s’accélère et s’élargit en Occitanie. pic.twitter.com/2LPYfmsYZk
— Annie Genevard (@AnnieGenevard) December 15, 2025
« Zéro proposition »
À la pointe de la mobilisation, les syndicats Coordination rurale et Confédération paysanne convergent de façon inhabituelle pour réclamer la fin de l’abattage systématique et l’extension générale de la vaccination.
Interrogé par l’AFP au barrage de Carbonne sur l’A64, où était née la mobilisation agricole de janvier 2024, Jérôme Bayle, l’un des porte-voix de cette colère paysanne, a dit à l’AFP que la ministre venait avec « zéro proposition ».
Sur le barrage, pas de drapeau syndical mais une colère immense. Les manifestants s’apprêtent à passer leur quatrième nuit sur place. Nombre d’entre eux n’envisagent pas de lever le camp « si rien ne bouge ».
La crise n’est pas née dans le Sud-Ouest, qui n’est pas le coeur de l’élevage français, mais c’est ici que se cristallise la colère depuis deux ans, en réaction à la crise de la viticulture et aux crises sanitaires, alimentées par le changement climatique.
Sur la rocade d’Albi, dans le Tarn, une quinzaine d’agriculteurs étaient aussi déterminés. L’un d’eux, Sébastien Rey, éleveur,assure que si la ministre ne donne pas de réponse satisfaisante, Albi allait devenir « un dépotoir » lundi soir.
Plusieurs axes routiers ont aussi été bloqués lundi par des agriculteurs de la Coordination rurale en Gironde, en Dordogne et Haute-Vienne. Blocages aussi dans les Landes, où manifeste la Confédération paysanne.
À Tours, le centre-ville a pris des allures de camp retranché, avec dépôt de pneus et de fumier devant la préfecture, et de bennes de pommes de terre devant l’hôtel de ville. À Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais, quelque 70 tracteurs ont défilé dans les rues pour dire « stop au massacre » des bêtes.
Tout en reconnaissant le drame individuel que constitue l’abattage d’un troupeau, le gouvernement tente d’en appeler « à la science » et à la « responsabilité » pour préserver le cheptel bovin français.
« Consensus scientifique »
Lundi soir, Annie Genevard a appelé à dresser « un mur sanitaire » contre la DNC, en respectant à la lettre les interdictions de déplacement de bétail.
Elle a souligné que l’éradication des foyers était pour le moment la seule façon de lutter efficacement contre une maladie qui se propage grâce à un insecte piqueur, favorisé par la douceur automnale.
Lui aussi en déplacement en Haute-Garonne, le président du premier syndicat agricole FNSEA, Arnaud Rousseau, a appelé avant tout à « suivre le consensus scientifique », pour sortir le plus rapidement possible de cette crise.
La fédération Culture Viande, qui regroupe les entreprises d’abattage et découpe, a de son côté mis en garde contre les conséquences économiques d’une vaccination généralisée : la France perdrait alors son statut indemne et « il en résulterait une complexification accrue des conditions d’exportation ».
Mais face à la détresse des éleveurs et au risque d’un nouvel embrasement des campagnes, les critiques enflent sur la gestion de la crise chez des élus ruraux inquiets, comme au niveau national, du Rassemblement national à LFI.
Lundi, plus de 200 maires et élus locaux d’Ariège se sont rassemblés à Foix pour appeler l’État à dialoguer avec les agriculteurs afin de réévaluer le protocole de lutte contre la DNC.