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Réduction du cheptel bovin

Éleveurs et syndicats fustigent les orientations du gouvernement pour l’élevage


TNC le 23/05/2023 à 16:45
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Les importations de viande bovine française ont déjà bondi de plus de 20 % en 2022. (© Pixabay - migoka)

Au lendemain de l’annonce du plan de réduction des gaz à effet de serre, les réactions fusent. La FNB, ainsi que la FNSEA, dénoncent le sacrifice de l’élevage bovin français sur l’autel du changement climatique. Sur les réseaux, les éleveurs s'indignent, demandant au gouvernement s'il souhaite encore véritablement maintenir des élevages en France.

« La baisse du cheptel bovin observée ces dernières années demeure limitée et, à rythme constant, ne permettra pas à la France d’atteindre les objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre qu’elle s’est elle-même fixée » peut-on lire dans le rapport de la Cour des comptes publié le 22 mai. Un positionnement qui suscite la colère des éleveurs, comme des syndicats. 

Pourtant, le troupeau bovin français est au plus bas. « Notre production ne cesse de diminuer ! Nous avons perdu près de 3 millions de vaches, soit quasiment 30 % de notre cheptel en 60 ans et cette décroissance ne cesse de s’accélérer : la perte s’élève à près d’un million de vaches sur les seules sept dernières années », rappelle la FNB dans une lettre ouverte à destination de la Première ministre. 

Les syndicats interpellent le gouvernement

Pour le syndicat des éleveurs de bovins viande, la coupe est pleine. Après avoir dénoncé la promo du ministre de l’économie Bruno Le Maire en faveur d’une marque de « viande végétale » la semaine dernière, la FNB dénonce les orientations prises par Élisabeth Borne concernant l’élevage bovin.

« Nos vaches ne disparaîtraient pas assez vite des paysages français ? La France devrait donc faire de la suppression de nos troupeaux et de nos prairies son principal levier pour atteindre ses objectifs climatiques ? », questionne le syndicat.

Quel est votre plan ? 

« Si nous vous écrivons aujourd’hui, c’est pour connaître votre « plan ». Nous voulons savoir ce que vous planifiez, vraiment, pour l’avenir de notre secteur. La France d’après-2030 que vous avez la responsabilité d’imaginer misera-t-elle encore sur son élevage bovin, pour produire tout en entretenant les paysages et animant l’activité économique et culturelle sur les territoires ruraux ? Ou, dans la droite lignée des propos de Bruno Le Maire ou des recommandations de la Cour des comptes, votre France d’après-2030 fera au contraire le pari d’une économie « verte » mais sans prairie, basée sur un régime alimentaire sans viande bovine ou, dans l’hypothèse beaucoup plus probable où vous ne réussiriez pas à bouleverser les habitudes alimentaires des Français, sur un recours massif aux viandes d’importation ? »

Une vraie blessure pour les éleveurs.

Interrogée par l’AFP, la FNSEA soutient le positionnement du syndicat des éleveurs bovins. Pour Arnaud Rousseau, les producteurs ressentent la recommandation de la Cour des comptes comme une « vraie blessure ». « On est particulièrement agacés du procès qui est fait à l’élevage français », poursuit le président du syndicat. « Lire que votre activité doit cesser ou largement diminuer, c’est très compliqué pour des éleveurs ».

Produire moins pour importer plus ?

Le syndicat majoritaire souhaite défendre un « élevage corrélé au marché, aux besoins de consommation et à ce stade, on a peu ou pas de baisse », poursuit Arnaud Rousseau. Dans le même temps, la production nationale de viande rouge a déjà baissé du fait d’arrêts d’activité.

Un positionnement partagé par nombre d’éleveurs. Dans une vidéo, D. Cornil, éleveur de vaches laitières, réagit vivement aux préconisations de la juridiction. Avec ses bovins en arrière-plan, il interpelle le gouvernement. « Si j’ai bien compris, vous voulez supprimer la moitié de mon troupeau, celui qui valorise les prairies et les haies, pour au final importer plus ? », s’indigne l’agriculteur. « La moitié du poulet mangé en France est déjà importé, vous voulez qu’il se passe la même chose pour les bovins ? ».

Diminution du cheptel bovin Français !!! Quelle riche idée, une idée qui favorisera les importations, qui demandera plus d’engrais azoté chimique car moins d’organique (fumier, lisier, compost…)
Bref encore une mauvaise idée mais qui plaît au pseudo écolo ???? pic.twitter.com/zWID4MPAun

— Cornil D ???????? (@farmers3b) May 23, 2023

Même constat pour Antoine Thibault, éleveur de vaches laitières en Normandie : « Nos chers amis concurrents vont se réjouir de pouvoir augmenter leur cheptel pour nous. Avec un peu d’habileté, on pourra même leur fourguer 2-3 Rafales et 10 Airbus ; ceux-là ne pollueront jamais. » Surtout que « comme chacun sait, le méthane, c’est comme les nuages radioactifs, ça s’arrête à la frontière », ironise l’agriculteur dans un thread.

Quid de la recherche sur les émissions de méthane ?

La FNSEA rappelle que la réduction des cheptels n’est pas la seule voie pour limiter les émissions de GES. L’élevage français peut réduire ses émissions via l’innovation − des additifs dans la ration des vaches promettent de réduire la production de méthane − et sans avoir besoin de pousser des producteurs à arrêter. La « pyramide des âges » présage naturellement d’un moindre nombre d’éleveurs et donc de têtes de bétail.

Une remarque appuyée par Antoine Thibault, qui regrette également que la Cour des compte n’intègre pas les nombreux efforts réalisés par les agriculteurs pour réduire leurs émissions de carbone. « Au sein de notre filière, cette réduction est en cours et ça marche ! », insiste l’éleveur. D’autant que « la durée de présence du méthane dans l’atmosphère est d’environ 15 ans, contre 200 pour le CO2 de nos voitures, avions, chauffage, centrales… ». 

Ce qui m’agace dans l’histoire c’est que oui, végétaliser notre alimention fait partie des enjeux d’aujourd’hui mais néanmoins au sein de notre filière, les réductions d’émissions carbone sont en cours et ça marche !

— Antoine Thibault (@AgriSkippy) May 22, 2023

Quid des prairies ?

« Vous le savez, madame la Première Ministre : nos vaches, en France, sont encore nourries principalement avec de l’herbe. (…) C’est justement parce que nos vaches mangent de l’herbe que la France compte encore ces millions d’hectares de prairies qui font la beauté et l’attractivité de nos paysages ruraux », rappelle la FNB. Or « personne ne conservera des prairies si on n’a pas de vaches à mettre dessus », ajoute Arnaud Rousseau.

Je ne vais pas reconvertir ma prairie en green de golf.

Et l’argument est également défendu par nombre d’éleveurs. « Diminuer le nombre d’élevages bovins : super idée. Mais qu’est-ce qu’on va faire de nos prairies ?  », s’énerve Bruno sur Twitter. « On veut nous aider à nous reconvertir ? Mais qu’est-ce qu’on fait si on a que des prairies ? On fait quoi ? Des locations pour des parcours de golf ? Ah mieux, on met les terrains à disposition pour des rave parties ?! »

Salut salut ?? @BrunoLeMaire ?? pic.twitter.com/2VMZpVn3aB

— Bruno ??Salut Salut (@BruCardot) May 23, 2023

Car comme le souligne Benoît Rouillé, responsable projet à l’Institut de l’élevage, le cheptel bovin français est essentiel à l’entretien des prairies, et au maintien de la biodiversité. « En France, 41% de la surface agricole utile est composée de prairies. Ces 11,5 millions d’hectares sont valorisés exclusivement par les ruminants, dont les bovins. » 

La biodiversité dans les zones d’élevage bovin présente une diversité insoupçonnée :
– 13 espèces de chauve-souris / 29 en ????
– 13 espèces de bourdons / 20 en ????
– jusqu’à 70 espèces d’oiseaux / exploitation
– 1,1 t de vers de terre / ha de prairie

— Benoît Rouillé (@B_Rouille) May 23, 2023