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Filières

Agriculteurs et pêcheurs au « pied du mur énergétique »


AFP le 22/10/2022 à 08:34

Comment stocker les récoltes ou conserver du poisson quand les coûts de l'énergie flambent ? Agriculteurs et pêcheurs appellent l'Etat à l'aide, face au « risque d'effondrement » de filières essentielles et stratégiques.

« Que pouvons-nous dire aux agriculteurs qui nous interrogent chaque jour sur ce qu’ils doivent faire de propositions de tarifs parfois multipliés par dix, empêchant tout espoir de revenu et de pérennité économique ? », demande la FNSEA (syndicat majoritaire).

Les filières pommes de terre, fruits et légumes se disent « au pied du mur énergétique face à l’explosion du coût de stockage de leurs récoltes, lié aux prix de contrats électriques stratosphériques proposés actuellement ».

Pour conserver carottes, pommes ou kiwis, les exploitants doivent maintenir des systèmes de ventilation et des températures comprises entre 0° et 8°C. « En passant en moyenne de 50-60 MWh à 550-600 MWh, les surcoûts sur les produits stockés engendrés par cette explosion du prix ne sont à ce jour, ni couverts par les prix de contrat, ni par les prix du marché », déplorent ces filières.

« Bouclier tarifaire »

Et le pire est à venir : nombre de producteurs devront renouveler l’an prochain leurs contrats d’électricité. Avec les nouvelles offres proposées par les fournisseurs, le coût moyen du stockage des pommes et poires passerait en 2023 « de 0,02 à 0,1 euro le kilo, soit 400 % » d’augmentation, alertent les producteurs.

Aussi, la FNSEA « demande instamment qu’un bouclier tarifaire s’applique aux exploitations agricoles ». Actuellement, les petites entreprises ne sont toujours pas éligibles aux aides d’urgence du gouvernement quand leurs dépenses énergétiques n’atteignent pas 3 % de leur chiffre d’affaires 2021. Le syndicat met en garde contre « une nouvelle crise aux conséquences incontrôlables pour la sécurité alimentaire ». Et souligne, alors que la guerre en Ukraine pèse toujours sur le commerce agricole mondial, que « le contexte de tension énergétique ne doit pas faire oublier le caractère stratégique de l’alimentation ».

À la tête de l’Union du mareyage français, qui regroupe 400 entreprises et 10 700 salariés, Peter Samson n’en finit pas de lister les urgences: certains de ces professionnels, qui achètent en gros poissons et crustacés frais, les préparent et les revendent, sont au bord de la faillite.

Fragilisé par la crise du Covid, puis celle du Brexit, le mareyage ne pourra supporter le choc énergétique sans aide, assure-t-il à l’AFP. « Aux tarifs d’aujourd’hui, une PME bretonne qui avait en 2021 une facture de 200 000 euros d’électricité passerait à 800 000 euros », dit-il.

Insoutenable pour une filière où la chaîne du froid, des criées aux étals, pèse lourd sur la facture. « On ne s’en sort qu’en faisant du volume, or là, les débarquements de poissons ont baissé, notamment à cause du prix du gazole et des quotas de soles dans le golfe de Gascogne », explique-t-il. « Un risque d’effondrement n’est plus un scénario catastrophique mais bien le scénario attendu dans les prochaines semaines si aucune solution de soutien n’est rapidement trouvée », a souligné vendredi Olivier Le Nézet, président du comité national des pêches (CNPMEM) dans un communiqué.

Souveraineté alimentaire et emploi

Des champs à la mer, tous appellent l’Etat à considérer ces secteurs comme prioritaires, au nom de la souveraineté alimentaire mais aussi de l’emploi : près de 100 000 dans la filière pêche, de l’aquaculture aux grossistes, et quelque 400 000 pour les agriculteurs, sans compter les emplois indirects.

A moyen terme, les pêcheurs appellent à des solutions « pour limiter la dépendance énergétique » de leur secteur, notamment en engageant « la décarbonation » d’une flotte vieillissante et des infrastructures portuaires.

En attendant, le comité national des pêches demande des aides « pour réduire le prix du carburant de 35 centimes pour tous les pêcheurs », après l’expiration le 30 septembre d’une aide du même montant pour le gazole des bateaux.

Et alors que le secrétaire d’Etat chargé de la Mer Hervé Berville a demandé, pour l’instant en vain, un effort particulier à la grande distribution pour financer un mécanisme de solidarité au sein de la filière, le comité rappelle l’urgence d’un tel dispositif, chiffrant les besoins « de 70 à 150 millions d’euros en fonction du périmètre et du niveau de soutien ».