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Renouvellement des générations

Adapter l’accès au foncier aux attentes nouvelles et aux hors cadres familiaux


TNC le 05/03/2024 à 14:51
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Bruno Keller (SPPR), Emmanuel Hyest (FNSafer), Coline Sovran (Terre de Liens) et Pierre Meyer (Jeunes Agriculteurs). (© TNC)

Si l’agriculture a besoin d’attirer au-delà de ses cercles habituels, les porteurs de projets non issus du monde agricole peinent, davantage que les autres, à s’installer sur les exploitations. Les difficultés d’accès au foncier expliquent en partie ce phénomène.

Chaque année, six personnes sur dix qui se rendent au point accueil installation ne sont pas issues du milieu agricole, pourtant les installations hors cadre ne représentent qu’un tiers des installations annuelles, explique Coline Sovran, chargée de plaidoyer chez Terre de Liens. Cette déperdition est d’autant plus dommageable que, face au nécessaire renouvellement des générations, l’agriculture a besoin de nouveaux profils.

Il faut installer des agriculteurs de tout âge, y compris en reconversion professionnelle » et dans toutes les filières car si le maraîchage attire plus, « on a besoin aussi de gens dans l’élevage, en grandes cultures, la dynamique doit s’enclencher davantage », rappelle Pierre Meyer, membre du conseil d’administration de Jeunes agriculteurs. Comment, alors, mieux répondre aux attentes des jeunes générations ? Le 28 février, au Salon de l’agriculture, la FNSafer a tenté de répondre à la question à l’occasion d’une table-ronde consacrée au sujet.

Des fermes et des parcours peu adaptés aux nouveaux profils

Pour Coline Sovran, les parcours d’installation ne sont pas adaptés à ces nouveaux profils en milieu de carrière, ou en reconversion. Les nouveaux installés de plus de 40 ans n’ont pas droit aux aides, et même en dessous de cet âge, « un tiers des installations ne touchent pas la DJA », ajoute-t-elle. Par ailleurs, les fermes ont beaucoup évolué au cours des dernières décennies, devenant de plus en plus grandes, de plus en plus mécanisées, et ne sont plus en adéquation avec les aspirations des nouveaux porteurs de projets qui privilégient le bio, les circuits courts, poursuit-elle.

Et ces exploitations dépassent également, en général, le budget des hors cadre familiaux. « En moyenne, il faut aujourd’hui 500 000 euros pour reprendre une ferme, dont 200 000 euros uniquement pour le foncier. L’accès à la terre est un obstacle majeur à l’installation », insiste Coline Sovran, déplorant en parallèle une transmission des fermes à l’extérieur de la famille encore mal pensée. Aujourd’hui, un tiers des agriculteurs de plus de 60 ans n’ont pas identifié de repreneur.

Sécuriser le foncier, sans être propriétaire

Pour Pierre Meyer, il est important de rappeler « qu’être propriétaire de son foncier n’est pas une fin en soi », surtout lorsque l’on s’installe. Ce qui est important, c’est de posséder l’outil de production, et de sécuriser le foncier sur lequel on travaille, ce que fait notamment le statut du fermage. « Le bail est le premier outil pour s’installer », estime le jeune agriculteur.

Pour Terre de Liens, qui vient de publier un rapport sur le portage du foncier, il est en effet impératif de favoriser le portage de foncier, « une vraie solution, qui donne la capacité de rentrer et de sortir plus facilement du métier », explique Coline Sovran.  

Les Safer jouent à ce niveau un rôle important, stockant parfois les terres en attendant qu’un projet d’installation se concrétise, ou en attribuant des terres à des bailleurs (chaque année, entre 20 à 25 % des surfaces qui passent entre leurs mains).

Mais il existe d’autres façons efficaces de porter le foncier en protégeant également les terres de la spéculation : les groupements de foncier agricole mutuel, ou les foncières -comme Terres de Liens.

Cependant, « il faut donner envie aux propriétaires d’acheter le foncier, et de le transmettre », ajoute Emmanuel Hyest, président de la FNSafer, regrettant un manque de moyens législatifs à ce niveau. Ce point est d’autant plus important que « les premiers intervenants sur le foncier en France sont les propriétaires physiques », précise-t-il. Or si ces derniers peuvent se montrer attachés à la vocation agricole des terres, la rentabilité reste prioritaire, explique d’ailleurs Bruno Keller, président du syndicat de la propriété privée rurale.

Pour le président de la FNSafer, « le portage du foncier et l’exploitation agricole sont les deux piliers de l’agriculture française depuis l’après-guerre », mais « la rentabilité reste nécessaire pour pérenniser le modèle, et ce n’est pas un gros mot », conclut-il.