« Il n’est pas normal que les contrôles soient autant angoissants pour les agriculteurs »
TNC le 13/10/2023 à 18:18
Deux députés proposent, dans un rapport sur les contrôles des exploitations agricoles, une série de recommandations pour lutter contre une « inflation normative » et une judiciarisation des procédures. Les co-rapporteurs plaident notamment en faveur d’une harmonisation des réglementations, propice au retour d'un climat de confiance.
« Il n’est absolument pas normal ni admissible que les contrôles soient source à ce point d’angoisses pour nos agriculteurs. » C’est ainsi qu’Anne-Laure Blin et Eric Martineau, députés du groupe LR et du Mouvement Démocrate, ont présenté à l’Assemblée nationale le 11 octobre un rapport sur les contrôles administratifs pesant sur la profession agricole. Au terme d’un travail de 6 mois d’audition et de terrain, ils ont pu relever un sentiment d’insécurité de la profession face à la superposition de réglementations parfois jugées contradictoires. Les rapporteurs proposent dans ce contexte l’appui des pouvoirs publics afin d’apporter plus de cohérence dans les dispositifs de contrôle afin de lutter contre le mal-être agricole.
Lutter contre la judiciarisation des procédures
« Face aux mesures contradictoires entre des mesures agricoles et les mesures de protection de la biodiversité, il y a des grandes incohérences sur les choix de notre pays pour protéger nos agriculteurs. Nous avons fait des préconisations pour modifier la loi concernant notamment le droit à l’erreur. La loi ESSCOC de 2018 a ouvert un droit à l’erreur, mais dans le dispositif en vigueur, les agriculteurs ne peuvent pas l’invoquer », affirme la députée Anne-Laure Blin.
La judiciarisation des procédures liées à la question du droit de l’environnement contribue à l’exacerbation d’un mal-être agricole, selon les auditions réalisées par le groupe de travail pour cette mission d’information. Elle s’accompagne de contrôles inopinés parfois en raison de dénonciations pouvant s’étaler sur 15 jours annuellement et déboucher sur des auditions en gendarmerie ou des sanctions pénales.
Afin de lutter contre la prévalence des solutions judiciaires, et rétablir un climat de confiance, les députés préconisent ainsi un rééquilibrage des rapports entre l’administration et les agriculteurs. Les rapporteurs recommandent dans ce sens une plus grande sensibilisation des opérateurs de contrôle aux problématiques agricoles mais aussi un renforcement de l’accompagnement des chambres d’agriculture, en termes de conseils prodigués aux exploitants, mais aussi dans la « définition des objectifs des campagnes de contrôle dans les exploitations agricoles ».
Favoriser l’harmonisation des contrôles
« Il faut arrêter avec ce fonctionnement d’administration en silo et arriver à une harmonisation et un vrai cap déterminé par le politique. Nous avons préconisé qu’un certain nombre d’instances soient harmonisées et fusionnées sous l’autorité du préfet de manière à savoir où on va en matière de contrôle », poursuit le député LR. Il est notamment question des cellules Colden (comités opérationnels de lutte contre la délinquance environnementale) ou Codaf (comités opérationnels départementaux anti-fraude) pouvant avoir des missions analogues en matière de « police judiciaire de l’environnement » et entraîner une multiplication des contrôles.
« Aucune autre profession ne subit autant de vérifications de son activité. Le malaise est grand et le risque de suicide est très élevé par rapport au reste de la population. Avec ce rapport, nous avons souhaité renouer la confiance entre l’administration française et les agriculteurs et lutter contre un sentiment de déconnexion et une incompréhension de la ruralité », résume Anne-Laure Blin.
Les 19 recommandations du rapport sur les contrôles dans les exploitations agricoles
– Publier les stats anonymisées des contrôles inopinés et ou après dénonciation dans les exploitations agricoles à l’échelle nationale et départementale
– Œuvrer à la mise en cohérence et à la simplification du droit applicable aux exploitations agricoles
– Stabiliser l’état du droit applicable
– Veiller à une transposition rigoureuse des obligations et des règles du droit européen applicable aux exploitations agricoles/Évaluer le risque de surtransposition dans le cadre des études d’impact annexées au projet de loi
– Systématiser l’accompagnement par un tiers dans le cadre des contrôles dans les exploitations agricoles
– Établir des protocoles entre les paquets et les services de l’Etat sous l’autorité du préfet
– Mettre en place dans l’ordre interne le système d’alerte sans sanction financière autorisé par la programmation 2023-2027 de la Politique agricole commune (Pac)
– Assurer le plein exercice du droit de rectification des demandes d’aides et de paiement Pac pour la campagne 2023 ayant pu être affectés par les dysfonctionnements de Télépac
– Travailler à l’amélioration de l’ergonomie et des fonctionnalités des outils numériques utilisés pour l’établissement et le suivi des demandes d’aides et de paiement de la Pac
– Limiter le recours aux contractuels dans l’accomplissement des contrôles dans les exploitations agricoles
– S’assurer de la bonne connaissance du monde rural des agents chargés des contrôles
– Encourager la tenue régulière de journées pédagogiques consacrées aux contrôles dans les exploitations agricoles
– Adapter les conditions de port de l’arme de service des agents de l’Office français de la Biodiversité lors des contrôles
– Systématiser dans les programmes de l’enseignement agricole et le parcours d’installation des jeunes agriculteurs des modules de formation consacrés au déroulement et aux enjeux des contrôles
– Inscrire la préparation et l’accompagnement des agriculteurs aux opérations de contrôle parmi les missions générales des chambres d’agriculture
– Envisager un subventionnement partiel de l’aide à la mise en conformité des exploitations fournie par les chambres départementales d’agriculture sur le fondement de l’ordonnance 2019-59 du 30 janvier 2019
– Réunir les cellules de coordination Colden et Misen sous l’autorité du préfet pour une plus grande efficacité
– Organiser la consultation des chambres d’agriculture et des représentants des agriculteurs sur la définition des objectifs des campagnes de contrôle dans les exploitations agricoles
– Diffuser auprès des agriculteurs les enjeux des contrôles dans les exploitations agricoles