Congrès de l’OPG 2016 à Bourges

« Il faut d’urgence rééquilibrer le marché en faveur des oléoprotéagineux »


Politique et syndicats le 26/01/2016 à 18:25
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Pour l’Organisation des producteurs de grains, qui tenait son congrès annuel mardi 26 janvier 2016 à Bourges, les producteurs de grandes cultures paient le prix d’une politique d’exportation défendue coûte que coûte par la plupart des opérateurs de la filière céréalière. La branche « grandes cultures » de la Coordination rurale demande de revoir la politique en faveur de la production de protéines. Interview de son président Nicolas Jaquet.

Certains opérateurs de la filière « grandes cultures » entretiennent savamment un déséquilibre de l’offre entre céréales et oléoprotéagineux. Pourquoi ? Pour pouvoir continuer à exporter notre excédent en céréales et gagner de l’argent avec ce déséquilibre. Faire toujours plus de céréales, c’est être obligé de les vendre toujours plus loin et toujours moins cher, dans une logique de volumes et de prix bas. Avec cette stratégie, nous nous retrouvons avec un prix du blé tendre départ Rouen parmi les plus faibles au monde.

Les grands marchands de grains se nourrissent de cette situation, en faisant des marges à la fois sur l’exportation de céréales et sur l’importation de protéagineux. Tous ces gens-là s’opposent fermement au rééquilibrage pourtant indispensable des productions végétales en France. Le seul pour qui cette politique est très pénalisante, c’est le producteur.

Au départ, ce sont les exportateurs et importateurs qui ont profité de cette situation. Mais aujourd’hui, tous les acteurs, jusqu’aux organisations professionnelles et aux syndicats, qui défendent coûte que coûte la vocation exportatrice de la filière céréalière, participent à cela. La coopération par exemple est très impliquée dans l’exportation de céréales via les silos portuaires et les structures d’exportation.

Défendre à outrance, comme le fait l’AGPB, l’exportation de nos grains hors de l’Union européenne, c’est défendre un marché de prix bas. En vendant aujourd’hui beaucoup plus de grains aux pays tiers qu’au sein de l’Union européenne, nous avons peu à peu perdu notre marché historique au sein de l’Europe. Or le marché mondial est un marché avec des prix plus faibles. Et ce sont les producteurs qui subissent les conséquences de ces évolutions. Tout ceci contribue à l’affaiblissement et à la disparition de producteurs.

Certes, mais c’est largement insuffisant. En 2015, les surfaces en oléoprotéagineux ont augmenté de seulement 24 000 hectares. Ce n’est rien du tout. Des « plans protéines », il y en a eu 7 ou 8 en 20 ans. Ils n’ont jamais été efficaces. Tant que nous ne remettrons pas en cause les accords commerciaux sur les protéines végétales, le déséquilibre en France et en Europe perdurera. Il faut casser ce lobbying qui s’enrichit sur le dos des producteurs.

La France doit taper du poing sur la table à Bruxelles. Le libre-échange tue les paysans. Ce n’est pas en faisant une politique agricole « verte » qu’on maintiendra les paysans sur le territoire. Nos élus ont instauré une politique « verte » qui ne constitue absolument pas un remède aux difficultés que les producteurs subissent.

De plus en plus de producteurs m’expliquent que la situation est bien pire que celle de 2009. A l’OPG, nous ne demandons pas d’argent aux pouvoirs publics puisqu’on sait très bien qu’il n’y en a pas. Mais les agriculteurs n’ont plus d’argent. Renforcer encore les aides aux premiers hectares est une bêtise, car ce n’est pas en déshabillant Paul pour habiller Jacques qu’on va résoudre les problèmes. L’Europe et la France doivent revoir leur copie sur leur stratégie commerciale.

Si la prochaine réforme va encore davantage vers du verdissement ou tente uniquement de répondre à des enjeux sociétaux, elle sera encore une fois à côté de la plaque. La réforme défendue par Stéphane Le Foll a été une erreur énorme pour le secteur des grandes cultures. La situation des marchés le prouve aujourd’hui. C’est un échec total.

La prochaine réforme doit arriver à trouver le point d’inflexion de la crise agricole. Il faudra un jour un déclic pour inverser la tendance. Ça passe par une meilleure protection des producteurs.