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Taxes sur le fromage, Ceta et sécheresse

« Est-ce qu’on veut encore des paysans ? »


AFP le 04/10/2019 à 14:11
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Dans les allées du Sommet de l'élevage, qui réunit des milliers d'agriculteurs depuis mercredi près de Clermont-Ferrand, beaucoup se demandent « est-ce qu'on veut encore des paysans en France ? ».

Même si elles ne les touchent qu’à la marge, les taxes sur le vin et le fromage français annoncées par les Etats-Unis jeudi ont été ressenties comme un coup de grâce par des éleveurs français aux abois.

Affaiblis par la sécheresse implacable de l’été et bousculés par les attaques sur leur utilisation de pesticides, même les plus libéraux d’entre eux se sentent piégés dans la mondialisation, qu’ils nomment désormais « distorsion de concurrence ».

Avec l’accord commercial Ceta, ils redoutent de voir arriver en France des milliers de tonnes de viande canadienne, issue de bétail et de cultures qui ont bénéficié de produits interdits dans l’UE comme le redoutable atrazine ou les insecticides néonicotinoïdes, indique Patrick Benezit du syndicat majoritaire FNSEA.

Parallèlement, les taxes de Trump vont freiner ou empêcher le développement des ventes aux Etats-Unis de produits agricoles du terroir comme les vins et les fromages français, pourtant en plein essor outre-atlantique.

Vêtus de t-shirt jaunes portant l’inscription « notre métier mérite le respect » une cinquantaine de membres du syndicat Coordination rurale ont manifesté jeudi leur mal-être dans les allées du salon. Sur leurs pancartes noires, les maux dont souffrent les éleveurs se détachent en lettres blanches : « suicides », « endettement », « sécheresse », « loup », « Ceta », « Mercosur », « retraites », « ZNT », « prix », « végans ».

« Entre Trump et la chute des cours du lait, notre métier d’éleveur laitier n’attire plus, car il comporte trop d’incertitudes. Comment faire des investissements à 10 ou 15 ans et ne pas savoir si le lait va nous être payé, il n’y a aucun instrument permettant d’amortir une installation et l’élevage familial disparaît », explique Thierry Roquefeuil, éleveur et président de l’interprofession laitière.

Delphine Freyssinier, éleveuse de vaches à viande Salers dans les Monts du Cantal ne sait même pas comment elle va payer le foin qu’elle devra acheter pour ses animaux cet hiver. « Soit un emprunt à court terme, soit je vends des vaches » dit-elle.

Dans le syndicat Confédération paysanne, la sécheresse qui a fait des départements du Puy-de-Dôme et de l’Allier son épicentre cette année, semble avoir plombé tout espoir : « Quand on est bout du rouleau, on est résigné » lâche Philippe Falvard, porte-parole du syndicat dans le Puy-de-Dôme, à l’AFP.

Paraphrasant Jacques Chirac, adepte des salons de l’agriculture, la présidente du syndicat majoritaire FNSEA, Christiane Lambert s’écrie « notre agriculture brûle et nous regardons ailleurs », en se désolant de la tendance lourde à l’importation de produits alimentaires, y compris venant d’autres pays européens, en France.

« Diabolisés »

« Nous souffrons de distorsions de concurrence, car les surtranspositions sanitaires et environnementales des directives européennes alourdissent nos charges, et nous ne pouvons pas investir. Or, nous avons identifié des leviers pour relancer la compétitivité que nous allons présenter au président de la République », explique Christiane Lambert qui « refuse de rester dans la spirale du déclin ».

Pour faire pression sur les pouvoirs publics, la FNSEA a présenté au salon un agenda « d’actions » culminant mi-novembre avec un grand rassemblement à Strasbourg, et comportant notamment des blocages et des opérations escargot mardi 8 octobre sur les routes « dans toute la France ». « La formule que l’on entend le plus dans ce salon est « est-ce qu’on veut encore des paysans ? », dit Christiane Lambert. « Nous sommes sans cesse diabolisés, on nous refuse l’irrigation, nous subissons des intrusions de bâtiments agricoles, et nous avons désormais en face de nous 63 millions de conseillers agricoles qui se croient capables de nous dire comment travailler en critiquant notre utilisation de produits phytosanitaires, une irrationalité complète s’est installée, on ne peut plus travailler à cause d’une société urbaine qui ne connait pas le vivant », a-t-elle lancé. « On a besoin de produire l’alimentation, si nous ne le faisons pas, elle viendra d’ailleurs ».

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