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Étude de FranceAgriMer

« En dix ans, la souveraineté alimentaire de la France ne s’est pas effondrée »


TNC le 26/05/2023 à 10:03
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Par rapport aux autres pays, le taux d’auto-approvisionnement en céréales de la France est jugé « excellent ». (©Pixel-Shot, AdobeStock)

FranceAgriMer s’est penché sur la notion à la mode de souveraineté alimentaire, tâchant de l’étudier pour trente productions françaises, à travers trois indicateurs : dépendance aux importations, taux d’auto-approvisionnement et capacité d’exportation. Parmi ses conclusions : « pas d’effondrement » de la souveraineté ces dix dernières années, plutôt une légère dégradation, qui cache des situations très contrastées selon les filières.

La souveraineté alimentaire française n’a pas dégringolé ces dernières années, constate FranceAgriMer au terme d’une étude menée en 2022 et présentée au Salon de l’agriculture en février dernier.

Pour cela, l’office agricole a ainsi défini la notion de souveraineté alimentaire : « la capacité d’autodétermination d’un État sur les systèmes alimentaires qui se déploient sur son territoire ».  « En gros, c’est la capacité qu’ils ont à maitriser à la fois l’acte productif, mais aussi les éléments de consommation, pour la nourriture des habitants », résume Pierre Claquin, à la tête de la direction Marchés, études et prospective de FranceAgriMer.

« La souveraineté alimentaire ne vise pas l’autarcie d’un pays, mais passe par une maîtrise suffisante de ses dépendances externes au commerce international », et c’est cette dimension en particulier qui a été étudiée, pour trente produits représentatifs de la diversité des filières françaises et au moyen de trois indicateurs.

D’abord la dépendance aux importations, peut-être la plus évidente, qui décrit l’importance du recours à l’import pour l’alimentation des Français (importations/consommation). Ensuite, le taux d’auto-approvisionnement, c’est-à-dire « la capacité apparente à assurer les utilisations domestiques par la production nationale » (production/consommation).

Et enfin, moins intuitive quand on pense souveraineté, la capacité d’exportation (exportations/(importations + production)), qui représente « une force du point de vue de la compétitivité et de la balance commerciale » mais aussi une dépendance aux marchés d’export et à une fragilité du point de vue de la souveraineté.

Une forte dépendance au commerce international

Résultats : à date, « on est en capacité apparente de couvrir la consommation nationale pour dix-sept produits ». Ce taux d’auto-approvisionnement est même supérieur à 110 % pour treize productions : orge, poudre de lait écrémé, blé tendre, poudre de lactosérum, sucre, blé dur, mais, pois, vins, fromage, tournesol, pomme de terre et yaourts. Il est en revanche inférieur à 75 % pour le soja, les ovins et les produits tropicaux.

Ce sont les produits laitiers, le vin, le sucre, la pomme de terre et le blé dur, dont on exporte très largement les grains mais qu’on importe sous forme de pâtes. Pour les autres céréales, « on est globalement très dépendants aux exportations mais peu aux importations » ; c’est logiquement l’inverse pour les produits tropicaux.

En dix ans, une « dégradation maîtrisée » de la souveraineté et des situations contrastées

Cet état des lieux n’est pas le résultat d’un effondrement de la souveraineté alimentaire ces dix dernières années, ce qui « vient nuancer les discours catastrophistes », note Pierre Claquin. Il évoque plutôt « une dégradation maitrisée, de l’ordre de 1 à 3 % selon les indicateurs » : légère baisse du taux d’approvisionnement, hausse limitée du taux d’importation, quasi-maintien de la capacité exportatrice.

Cette tendance globale cache des situations très contrastées : celle de la féverole s’est ainsi fortement dégradée, notamment à l’exportation. D’autres productions, qui étaient en situation plutôt défavorable, ont progressé : en dix ans, la dépendance française aux importations de soja et de viande ovine s’est ainsi améliorée.

« Être dépendant de la Chine, ce n’est pas comme être dépendant de l’Allemagne », ajoute Pierre Claquin : en termes de souveraineté alimentaire, toutes les dépendances ne se valent pas. Celle aux pays de l’UE a progressé au fil des ans, résultat de la proximité géographique et de décennies de marché unique.

La dépendance aux pays tiers, plus risquée, s’est accrue en dix ans pour les exportations. Elle ne « s’est pas aggravée » pour les importations mais apparaît « problématique » pour les oléagineux (colza, palme et soja).

Quand la concentration des partenaires freine la souveraineté

Il paraît aussi moins risqué d’être dépendant d’un portefeuille de partenaires (clients, fournisseurs) que d’un seul : « en cas de barrières à l’export ou à l’import, on sera moins embêté que si c’est très concentré ».

De fait, FranceAgriMer a mis en évidence une dépendance aux importations très concentrée sur un seul fournisseur, et en hausse : pour un tiers des produits analysés, notre principal pays fournisseur représente plus de 40 % de nos importations. C’est souvent un pays frontalier : Espagne, Pays-Bas, Belgique. Notre dépendance à l’export est beaucoup moins concentrée, ce qui apparaît comme un « élément positif ». 

Par ailleurs, comment la France se situe-t-elle par rapport aux autres pays en termes de souveraineté alimentaire ? S’il est difficile d’entrer dans le détail faute de données, les chiffres de la FAO permettent d’évaluer les taux d’auto-approvisionnement, témoignant de « l’excellence de la France » en céréales.

Sur les oléagineux, « on n’est pas au mieux mais on n’est pas les pires, les exportateurs nets étant assez peu nombreux dans le monde ». La France n’est « pas mauvaise sur les viandes et les produits laitiers, mais se situe dans le dernier tiers mondial pour les fruits et légumes ».

« Le diagnostic confirme que l’autosuffisance paraît hors d’atteinte pour l’ensemble des produits consommés en France », conclut enfin Pierre Claquin, évoquant les leviers qui permettraient de renforcer la souveraineté alimentaire : sécuriser ou relancer la production agricole, mais aussi diversifier et sécuriser nos flux d’importations et d’exportations, notamment.