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Gaëtan Arnaud (Haute-Loire)

« Devenu paraplégique en pleine installation, je me suis lancé 14 ans plus tard ! »


TNC le 08/02/2024 à 17:43
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Gaëtan Arnaud agriculteur en situation de handicap avec son père et son fils (© © TNC)

Gaëtan Arnaud allait rejoindre son père sur la ferme familiale quand il a eu son accident de moto. Il avait même commencé son parcours d’installation. Paraplégique, il s’éloigne un temps de l’agriculture et de la région. Au bout de 14 ans, il décide de revenir s’installer sur l’exploitation.

Il y a 23 ans, ce n’est pas un accident agricole mais de moto qui a rendu Gaëtan Arnaud paraplégique. À 24 ans, il était en plein stage six mois, préalable à son installation en Gaec avec son père, éleveur de vaches laitières à Espalem en Haute-Loire.

Comme Michel Chevalier, agriculteur en situation de handicap dans le Morbihan, amputé lui de son avant-bras gauche à cause de la vis sans fin d’un silo, il a repris très vite son activité professionnelle, en août, après quatre mois de rééducation. Courant juin, venu au salon Autonomic de Paris pour se renseigner sur le handicap et trouver un fauteuil, il était tombé par hasard sur un système de siège de transfert pour monter en tracteur.

« Au départ, m’installer me semblait compliqué »

« En quelques semaines, il était commandé à la société Handi Équipement et installé, par un collègue, sur l’exploitation, raconte-t-il. Ainsi, j’ai pu conduire à nouveau et retrouver un peu d’autonomie au travail. » Pour autant, s’installer sur la ferme familialelui paraît compliqué et il éprouve le besoin de s’éloigner de l’agriculture et de la région. Très sportif, mais ne pouvant plus pratiquer le rugby, il rejoint une équipe de basket fauteuil dans le sud de la France.

« Au bout d’une dizaine d’années, après être revenu jouer dans l’équipe du Puy-en-Velay, tout près de l’exploitation, et surtout la naissance de mes enfants, j’ai eu envie de reprendre, témoigne-t-il. Le sport m’a permis de m’en sortir, d’être plus autonome et m’apporte beaucoup aujourd’hui encore au niveau rencontres et ouverture. Mais je voulais étendre mon horizon pour transmettre d’autres valeurs à mes enfants. Je souhaitais aussi faire perdurer l’exploitation, dans la famille depuis 1923, pour peut-être leur passer le flambeau un jour. »

Trois générations dans et devant le tracteur. Sur la photo aussi, le système de siège de transfert permettant à l’agriculteur de monter dans la cabine. (© Gaëtan Arnaud)

Réorienter l’exploitation vers les cultures

Gaëtan est installé depuis sept ans maintenant. Compte tenu de son handicap, il a choisi d’arrêter l’élevage laitier et cultive une soixantaine d’hectares : 35 ha de céréales et 25 ha d’herbe (vente de foin et d’enrubannage). « La pénibilité physique de la traite est déjà une contrainte pour quelqu’un de valide alors en fauteuil… J’en connais qui le font, mais ils sont en société ou s’appuient sur le service de remplacement », justifie-t-il. « À la fin, la rentabilité est conservée malgré l’arrêt de la production laitière. Ce n’est cependant pas suffisant pour vivre, sans l’activité sportive à côté », reconnaît l’agriculteur.

Se montrer ingénieux, anticiper.

En plus des deux tracteurs adaptés avec siège de transfert, l’ancienne étable entravée a été réaménagée pour pouvoir atteler les matériels à plat. Pour l’attelage/dételage, il utilise le système disponible sur de nombreux modèles, dont les exploitants non handicapés se servent peu. « Globalement, les tâches deviennent plus difficiles, il faut se montrer ingénieux et anticiper davantage », fait remarquer Gaëtan comme le dit également Michel Chevalier dans son témoignage. Il cite l’exemple de la clé à choc, sur batterie rechargeable, qui évite d’avoir à se déplacer pour la brancher/débrancher avec un enrouleur. Ou encore le fait de faire attention à l’endroit où l’on dételle/attelle le matériel, afin de ne pas être gêné par de l’herbe ou des trous.

« Il y a pire »

L’agriculteur sollicite aussi régulièrement l’aide de ses enfants, sa femme, son père, et ses voisins exploitants pour l’aider dans cette tâche. « Une fois au volant, le confort en cabine et les automatismes facilitent bien les choses », met-il en avant. Côté financement, « rien à redire », le système de transfert de siège a été pris en charge à 100 %. Mais de même que Michel Chevalier, le producteur déplore le temps nécessaire pour monter puis instruire le dossier. « Les cinq mois prévus sont déjà longs mais il en a fallu neuf car il manquait toujours des pièces et les contacts ne pouvaient avoir lieu que par mail. »

Gaëtan éprouve un ressenti similaire à Michel : « Le handicap n’est pas un problème en soi, il y a des situations bien pires, par exemple lorsque les difficultés économiques sur l’exploitation sont telles qu’elles poussent au suicide. L’agriculture est un secteur dur en général. Lorsqu’on a un handicap, il faut juste être encore plus motivé au regard de l’investissement personnel à fournir. L’essentiel est d’être heureux dans sa vie pro et perso. » Pour lui, c’est cela qu’il faut promouvoir. Pour preuve : suite à des articles de presse, Gaëtan a été contacté par plusieurs jeunes paraplégiques avec un projet d’installation en agriculture.