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Pour renouveler les générations

« Cédants et jeunes agriculteurs, ouvrez vos chakras à l’innovation ! »


TNC le 08/04/2022 à 09:26
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Innover pour relever le défi du renouvellement des générations d'exploitants agricoles.(© Budimir Jevtic/Adobe Stock)

En plus de l'élection présidentielle, l'innovation est au cœur de l'actualité de Jeunes Agriculteurs. Le syndicat a sorti un livre blanc sur cette thématique et est partenaire de l'édition 2022 de Make IT Agri, concours où s'affrontent les inventions numériques, robotiques ou informatiques d'élèves ingénieurs. Car si les futurs installés innovent souvent, les cédants doivent le faire aussi pour réussir à transmettre leur ferme.

« Connaître les innovations stratégiques dans le secteur agricole et les écueils à éviter, avec une dimension prospective pour l’avenir de l’agriculture » est de plus en plus essentiel pour les agriculteurs, en phase d’installation ou récemment installés. Mais aussi pour ceux qui cherchent à céder leur exploitation, pour s’assurer qu’elle soit transmissible, sur le plan économique comme en termes de charge de travail, et suffisamment attractive pour les repreneurs. Ainsi, « l’innovation a un rôle primordial à jouer pour assurer le renouvellement des générations d’exploitants agricoles », selon Jeunes Agriculteurs.

C’est pourquoi le syndicat a rédigé un livre blanc sur cette thématique, via son fonds de dotation Terres Innovantes et avec des mécènes participant à son financement. « Une prise de hauteur de tous les acteurs de la chaîne agricole, de la production à la distribution, en passant par la transformation et les énergies, pour les inciter à innover de manière cohérente », met en avant Samuel Vandaele, président de JA. Car « l’innovation doit être structurante, inclusive, constructive et durable ».

Innover de l’installation à la transmission

« C’est un sujet, qui nous est cher, pour permettre aux jeunes agriculteurs de progresser dans leur métier et de relever le défi de la souveraineté alimentaire, poursuit-il. L’innovation, les producteurs doivent la porter toute leur vie. Ils doivent se former et se remettre en cause tout au long de leur carrière, afin de transmettre le patrimoine, les savoir-faire, les valeurs agricoles. »

Faire rêver les repreneurs !

« Certains producteurs aiment innover mais c’est tous les exploitants qu’il faut mettre en mode projet, pas seulement ces pionniers ou ceux qui s’installent !, insiste Jean-Baptiste Vervy, agriculteur dans la Marne, président de l’association #Cofarming et CEO de Wizifarm. Il faut que les agris se reposent la question de l’innovation à l’approche de la retraite, afin de préparer le terrain pour la génération qui arrive. Car ne pas innover, c’est comme lui dire que l’agriculture n’a pas d’avenir, ça ne donne pas envie de reprendre le flambeau, alors qu’il y tant de choses à faire ! Il faut faire rêver nos enfants et ceux des autres ! »

Relever les multiples défis de l’agriculture

L’innovation doit en effet aider le secteur agricole à relever les multiples défis auxquels il est confronté : « celui du renouvellement des générations mais aussi de l’amélioration du revenu des agriculteurs, sans laquelle ces derniers ne peuvent innover », pointe Sébastien Windsor, président des chambres d’agriculture France. Elle peut apporter des solutions pour « lutter contre le réchauffement climatique, limiter les fluctuations de marché, s’adapter aux attentes sociétales », complète Philippe Mauguin, président directeur général de l’Inrae. D’autres enjeux importants pour la filière, le plus compliqué étant « de répondre à tous en même temps », ce qui accroît encore la portée de l’innovation.

Sans revenu, impossible d’innover…

« Il suffit de regarder la place croissante qu’elle occupe au Salon de l’agriculture » en nombre de stands, de mètres carrés, d’événements proposés, ajoute-t-il. C’est d’ailleurs au dernier Sia que Jeunes Agriculteurs a présenté son livre blanc, en organisant une conférence spécifique sur l’innovation. « Préparer les transitions à venir, tout en résistant aux chocs actuels comme la pandémie ou la guerre en Ukraine : les jeunes, qui veulent se lancer en agriculture, se demandent comment ils vont y parvenir », reprend Sébastien Winsdor pour illustrer, de nouveau, l’importance de l’innovation au moment de l’installation. 

Une culture à acquérir dès la formation

Ainsi, pour les différents intervenants, « l’acculturation à l’innovation et aux nouvelles technologies doit commencer dès la formation ». « Il faut apprendre aux futurs agriculteurs qu’ils devront innover en permanence, que les solutions de demain seront différentes de celles que les formateurs leur détaillent aujourd’hui », souligne Jean-Baptiste Vervy. 

Les innovations ne doivent pas rester au placard !

Toutefois, il ne s’agit pas d’innover pour innover. Déjà qu’il y a un foisonnement d’innovations et de start-up dans le secteur agricole, et qu’il n’est pas facile de s’y retrouver ! Le risque aussi, selon l’agriculteur marnais : « Qu’un certain nombre reste au placard ! Alors que beaucoup d’argent et d’énergie ont été dépensés… » Il importe donc qu’elles correspondent aux besoins des agriculteurs. « Il faut partir de leur analyse pour construire un projet et ensuite seulement rechercher une innovation, recommande Sébastien Windsor. Si elle n’est motivée que par une subvention, elle ne durera pas. »

Faire remonter les besoins du terrain,
diffuser les nouveautés aux « bottes » des exploitants

Même si le financement demeure capital. « Il devra être partagé par l’ensemble des acteurs et provenir de différentes sources : fonds publics, entreprises, mécènes mais aussi financement participatif », explique Samuel Vandaele. D’autant, qu’en agriculture, « l’échelle de temps est longue », un an minimum, puisqu’il faut au moins une campagne culturale ou laitière pour observer les effets d’une innovation, fait remarquer Jean-Baptiste Vervy. « La réglementation est aussi parfois bloquante. Il faut lever ces freins, comme on a su le faire pour les vaccins contre la Covid. »

Des labos dans les fermes car les agris sont de vrais Saint-Thomas.

Une fois conçues, encore faut-il que les innovations soient connues des agriculteurs et acceptées. « Il faut les amener dans les territoires, au pied des producteurs, en respectant bien toutes les étapes pour disposer de tests et de références, à l’échelle nationale et locale, précise Sébastien Windsor. Les agriculteurs sont de vrais Saint-Thomas, ils ont tendance à croire que ce qu’ils voient. Pour leur prouver que les technologies fonctionnent, pourquoi pas créer de vrais labos dans les fermes, avec des exploitants engagés à part entière dans les projets ? Et des stores pour rassembler les innovations et les mettre à disposition d’utilisateurs potentiels ? Cela fait partie des missions de service public des chambres d’agriculture. »

« Jouer collectif et plus participatif »

« Cela nous donnerait la possibilité de tester nos innovations grandeur nature, de les confronter à la réalité du terrain », confirme Laurent Gerreiro, président du directoire de RAGT. Quitte à « ce qu’elles soient critiquées parce qu’elles ne répondent pas aux objectifs fixés ». « Une stratégie grâce à laquelle nous pourrions orienter plus facilement la recherche, fixer un cahier des charges plus précis à nos sélectionneurs. » En matière de recherche, Philippe Mauguin exhorte à ce qu’elle soit « plus participative et associe les acteurs concernés dès la phase de conception », faisant référence à celles menées par l’Inrae, sur le bien-être animal dans l’Ouest et qui implique toute la chaîne jusqu’à la grande distribution, comme sur l’approvisionnement local dans la restauration collective à Dijon en association avec les collectivités locales.

« Il faut jouer collectif, accélérer la collaboration avec la recherche fondamentale et les startups, par exemple en partageant davantage les nombreuses données disponibles en agriculture, renchérissent d’une même voix Sébastien Windsor et Jean-Baptiste Vervy, qui estime, en outre, que « pour faciliter l’acceptation des innovations, l’acculturation est aussi primordiale que la conception ». « Quant aux organisations agricoles, elles doivent parfois être un peu bousculées. » Pour « innover plus vite » également, il faudrait apporter un minimum de connaissances agricoles aux différents acteurs, suggère Jean-Baptiste Vervy. 

Pour conclure, la clé de réussite réside dans « une approche globale de l’innovation au sein des exploitations et la multi-performance des solutions développées », préconise Sébastien Windsor. « Ce ne sont pas que des propositions écrites sur du papier. Derrière, des projets concrets seront portés par Terres Innovantes », enchaîne Samuel Vandaele. Les jeunes agriculteurs et les cédants « n’ont plus qu’à ouvrir leurs chakras pour être perméables aux innovations », autrement dit « aux différentes façons de produire, gérer leur exploitation et voir le métier d’agriculteur », conseille pour finir Jean-Baptiste Vervy.