« 7-8 ans après m’être installée en agriculture, je n’en pouvais déjà plus »


TNC le 05/08/2025 à 05:15
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« Nous sommes responsables d’êtres humains, il ne faut pas les "abîmer" », argue la jeune agricultrice, en parlant de ses salariés. (© Amandine Toulzat)

Agricultrice dans le Gard, Amandine Toulza était au bord du burn-out. Mais elle a réagi à temps : avec l’aide d’une coach, elle a « appris à gérer le stress, à déléguer et à ne pas en avoir honte ». Elle a compris qu’elle devait se préserver, elle et ses salariés. Elle leur propose des séances de coaching pour améliorer leurs gestes, postures, et décompresser.

Elle était pourtant sensibilisée depuis toute petite « au corps qui souffre », ayant vu sa mère porter de lourdes charges, des sacs de lait en poudre pour les veaux notamment. « Mes parents, polyculteurs-éleveurs, m’ont toujours dit que le métier d’agriculteur était dur. Mon père a eu de sérieux problèmes de dos et ma mère a dû travailler double pour maintenir la ferme à flot. »

« Je me souviendrai toujours du jour où elle m’a confié, regardant une photo d’elle à 20 ans : « Oh mon Dieu, je me suis oubliée… » », raconte Amandine Toulza que cela n’a pourtant pas dissuadée de s’installer en agriculture il y a 14 ans. Ses parents ont tenté de la faire changer d’avis, en vain. « Protège-toi » ne cessent-ils de lui répéter depuis, comme une prémonition. Sept-huit ans après son installation agricole dans le Gard, elle est au bord du burn-out.

« J’étais au four et au moulin ! »

« Je n’en pouvais déjà plus physiquement et mentalement, se souvient-elle. Nous n’étions que deux, avec mon mari, pour tout assumer : la conduite des cultures, les tâches administratives, la partie commerciale, etc. J’étais au four et au moulin ! » La jeune femme a compris qu’elle devait prendre soin de son physique et son mental. Elle s’est entourée de spécialistes, d’un coach entre autres, et s’est initiée aux médecines douces.

« J’ai appris à gérer mon stress, à déléguer, et à ne pas en avoir honte. Mais ça ne se fait pas du jour au lendemain. » Ses « équipes » – l’exploitation emploie 7 ETP à l’année et jusqu’à 40 en pleine saison – l’ont aussi bien épaulée. Il faut dire qu’elle a mené avec eux une réflexion sur le bien-être au travail. Elle a d’abord revu le Duerp (document unique d’évaluation des risques professionnels) avec la MSA avec laquelle elle a cherché des pistes d’amélioration.

« Nous y allons trop en force »

La jeune agricultrice organise régulièrement sur la ferme des journées de sensibilisation aux TMS (troubles musculo-squelettiques) et fait venir une coach en prévention santé. Des séances de réveil musculaire sont proposées aux salariés, puis un accompagnement plus poussé pour les aider à préserver leur corps – « car on travaille avec » insiste Amandine – via la respiration, les postures, l’alimentation, l’hydratation, le sommeil, l’activité physique, les habitudes que l’on a chez soi.

Nous croyons faire du sport, mais pas du tout !

« Nous, les agriculteurs, sommes toujours en mouvement mais nous sommes tendus, nous y allons en force. Nous soulevons pas mal de poids, mais pas de la bonne manière, et certaines tâches sont répétitives. Ce n’est pas du sport, qui agit sur les muscles profonds et détend ! » D’ailleurs, les exploitants agricoles n’en font pas tellement, les jeunes générations peut-être davantage. Ils pensent ne pas en avoir besoin parce qu’ils marchent beaucoup, portent plein de trucs. « En fait, nos gestes sont brusques et nous nous tordons dans tous les sens. »

« Nous sommes responsables d’êtres humains »

La place croissante des femmes dans les exploitations agricoles fait évoluer les mentalités comme l’illustre le témoignage d’Amandine Toulza. C’est elle en effet qui a commencé à réfléchir aux conditions de travail, pour réduire la pénibilité et mieux prendre en compte les attentes des salariés qui, au début, ne l’ont pas vu d’un très bon œil. Sa ténacité a payé. « Aujourd’hui, ils sont là pour ce côté humain. » « Attention à ne pas se laisser bouffer non plus et à prendre de la distance », prévient-elle.

Manager est une sacrée responsabilité : « nous sommes responsables d’êtres humains, il ne faut pas les « abîmer » », insiste-t-elle avant d’ajouter : « Le management est le travail de toute une carrière. » Elle exhorte à éviter les clichés sur les conditions de travail en agriculture : « Il y a certes des abus, mais ils sont loin d’être majoritaires. »

Témoignage recueilli lors de la conférence « Je veux améliorer mes conditions de travail et celles de mes salariés » au Sia’pro lors du Salon de l’agriculture 2025.