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Inflation alimentaire

A Paris, au marché de Belleville, une inflation qui assomme les plus pauvres


AFP le 04/03/2023 à 07:19

« Tout est cher, Messieurs, Mesdames, mais les bananes pas trop chères », harangue un vendeur du marché de Belleville, le marché populaire de l'Est parisien, où les arbitrages sur ce que l'on achète et mange sont de plus en plus douloureux.

« La viande, j’y ai renoncé. Même les œufs, qu’on trouvait avant à 2,5 euros la plaquette de 30 mais maintenant à 6 euros. Quand les petits-enfants venaient avant, on faisait des gâteaux, mais maintenant c’est mollo mollo », dit dans un sourire amer Tuly Soundorom, retraitée de 65 ans, un budget de 10 euros pour sa semaine de courses.

Tout le long du boulevard de la Villette, dans le froid qui n’arrange rien à l’humeur maussade, devant les stands de primeurs, de fruits secs, d’épices, de viande halal et de poisson, l’indignation des clients est constante devant les chiffres noirs qui s’affichent sur les balances de métal.

« Le poivron à 4 euros le kilo, c’est du jamais vu », dénonce Adjara Fofana, dame de cantine, qui profite des vacances scolaires pour parcourir le marché en long et en large, avant d’acheter chaque produit au stand où il sera le moins cher. La quadragénaire, mère de quatre enfants, a un budget de « 25 à 30 euros » pour une semaine de fruits et légumes. Et un chariot à moitié vide.

Elle repartira avec quelques « poivrons, tomates, cébettes, citrons, avocats ». Et, côté fruits, des bananes et clémentines, « qui partent très vite quand les enfants sont en congés ». Pour la viande, la famille Fofana ne mange que du poulet, acheté en début de mois pour environ « 60 euros ».

14,5 % sur un an

Dans un pays jusque-là relativement protégé de l’inflation, la hausse des prix renoue avec des niveaux inédits depuis les années 1980 : 6,2 % en février, avec une hausse des prix de l’alimentation de 14,5 % sur un an.

Et ces derniers devraient encore connaître une flambée dans les prochains mois, à la suite des négociations commerciales annuelles entre les supermarchés et leurs fournisseurs, achevées mercredi soir.

Les commerçants au détail des marchés, pas directement concernés par ces négociations, sont néanmoins eux aussi pris à la gorge quand vient le moment de prendre la craie et d’écrire un prix qu’ils jugent « honteux » sur l’ardoise.

« Les prix, c’est une catastrophe », grimace Amir Abou Saleh, 35 ans, vendeur de fruits et légumes exotiques, de l’avocat à l’igname en passant par le gingembre. Le vendeur se fournit à la halle de Rungis, mais préfère désormais négocier directement avec certains producteurs dans les Antilles pour faire venir par la Poste certains produits, comme les piments, et contrôler ses marges.

Sur d’autres produits, il a renoncé. Sur sa belle pile de clémentines vendues deux euros le kilo mais achetées 1,82 euro TTC, il dit ne faire quasiment aucune marge.

L’omelette, un luxe ?

« Les clients ont l’impression qu’on les vole. Certains clients comprennent, ceux qui suivent l’actualité ou qui savent lire ou écrire. Mais les autres, ici, sont perdus et ils voient juste qu’ils ne peuvent plus rien acheter avec leur petit panier », déplore-t-il.

Pour Lorena Abitbol, 25 ans, mère de trois enfants, le budget est fixe : un billet de 20 euros pour une semaine de fruits, légumes et fromage pour toute la famille. « Même si manger bien c’est important, avoir une assiette remplie c’est encore mieux », se donne comme ligne directrice la jeune femme, qui peste sur la tête des bananes « pas chères » certes, à 1,49 euro, mais « toutes petites ». « Mon astuce c’est d’acheter en quantité, le moins de périssable et de cuisiner et de congeler », dit celle qui en hiver mise surtout sur les soupes.

Le premier poste alimentaire sacrifié par la famille Abitbol est encore celui des protéines. « Les oeufs, on les achète en moins grande quantité, pourtant on a trois enfants en bas âge. Faire une omelette, c’est limite devenu un luxe ».