« Je croyais que j’étais superman… La machine a basculé sur moi »


TNC le 13/08/2025 à 05:29
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Depuis, Sébastien Neveux veille à la sécurité sur son exploitation agricole. De gauche à droite : ses saisonniers Martin et Sovan. (© Sébastien Neveux)

Victime d'un grave accident, Sébastien Neveux, agriculteur dans l'Yonne, a compris qu'il voulait en faire trop, trop vite. Depuis, il est plus vigilant quant à sa sécurité et celle de ses salariés.

« Pour réussir, les agriculteurs doivent travailler comme des forcenés, lance Sébastien Neveux, producteur de grandes cultures dans l’Yonne depuis 2019, en EARL avec un associé. Le travail en agriculture est une valeur importante. Ce qui pousse parfois à l’excès. « Moi-même, je me laisse prendre au jeu : je ne suis pas bien si je ne suis pas débordé. Compliqué de sortir ensuite de cette spirale un peu idiote. »

L’humain sert souvent de variable d’ajustement par rapport à l’économique. Or, fait-il remarquer, « nos produits sont insuffisamment valorisés, nous ne récoltons pas le fruit de notre travail ». Vouloir en faire trop, trop vite, jusqu’à se mettre en danger, Sébastien Neveux en a fait malheureusement l’expérience. En 2024, il a été victime d’un accident agricole dont il porte encore les séquelles après un long séjour à l’hôpital.

Le travail, valeur trop importante en agriculture ?

« J’ai cru, comme souvent dans ce milieu professionnel, que j’étais superman, que je pourrais retenir une machine qui allait basculer. Elle a basculé sur moi », raconte-t-il. Cet événement lui a fait prendre conscience qu’il devait être plus vigilant, se ménager, et veiller davantage à la sécurité de ses salariés agricoles, à leur confort de travail, physique comme psychologique.

Il s’assure qu’ils utilisent les EPI (équipements de protection individuelle) – les chaussures de sécurité, entre autres, sont « obligatoires » martèle l’agriculteur – et leur interdit de monter sur des outils de levage. Une vigilance particulière s’impose pendant la moisson, période d’activité intense avec de fortes amplitudes horaires, en particulier lorsqu’on embauche des saisonniers, apprentis et stagiaires.

« Au mieux, casser le matos ; au pire, se tuer »

« Mon exploitation se situe dans une zone de déprise agricole et économique, très peu peuplée. Ces derniers habitent parfois à 20 voire 40 km. Qu’ils les parcourent entre minuit et deux heures du matin, après avoir moissonné depuis la fin de matinée ou le début d’après-midi, n’est pas raisonnable. Je fais en sorte de pouvoir les loger. »

Plusieurs tendances l’inquiètent chez les jeunes. Ils sont toujours les yeux rivés sur leur portable et les réseaux sociaux. Quelques-uns regardent même des séries au volant d’engins agricoles. « Ils aiment le matériel et ont envie que tout le monde le sache. Ils se filment avec leur smartphone. C’est à qui a le plus gros tracteur et roule le plus vite. »

« En plus de l’endommager – il coûte quand même 200 000 € et l’outil derrière entre 30 000 et 100 000 € –, ils risquent de causer un accident, dont les conséquences peuvent être graves pour eux-mêmes et les autres usagers », alerte Sébastien Neveux. Les tratoristes ne peuvent-ils pas brouiller les machines et les brider, suggère-t-il ?

Brouiller et brider les tracteurs

Le céréalier n’y va pas par quatre chemins : « Une vitesse de 40-50 km/h est déjà trop rapide. Un tracteur pèse 12 t et une remorque remplie 30 t. À cette allure, l’ensemble ne passe pas un rond-point. » Quant à rendre le permis obligatoire pour conduire des engins agricoles, « les propositions formulées en ce sens ont généré un tollé ». Lui y est favorable et est « sûr qu’on y viendra tôt ou tard ».

La protection des salariés fait partie des devoirs des employeurs, appuie-t-il, avec une approche individuelle et collective, tenant compte de la personnalité, des aspirations et des contraintes de chacun, et de leurs comportements et relations avec les autres. Respecter leur individualité, autrement dit qu’ils soient uniques, revient à ne pas demander la même chose à tous, ni de la même façon.

« Leur mode de fonctionnement diffère, nous ne sommes pas en train de gérer un lot de cochons !, illustre l’exploitant. Essentiel pour créer une bonne ambiance, ou du moins éviter de favoriser les mauvaises ondes. Des éléments perturbateurs, qu’ils le soient consciemment ou non, il y en a toujours. « Je l’ai vécu plusieurs fois, se rappelle-t-il. Ils ne sont pas totalement dans la ligne qu’on souhaite. Il faut prendre le temps de les recadrer car cela peut détériorer l’atmosphère, l’efficacité du travail et les performances de l’entreprise. »

Témoignage recueilli lors de la conférence « Je veux améliorer mes conditions de travail et celles de mes salariés » au Sia’pro lors du Salon de l’agriculture 2025.