1 agriculteur sur 5 tous les 8 ans : comment attirer vers la formation continue ?
TNC le 27/03/2025 à 05:06
Or, près des 2/3 des exploitant(e) s agricoles « souhaitent développer et faire évoluer leurs pratiques et leurs savoir-faire », selon une étude de Vivéa. Un paradoxe qui s’explique parce que l’accès à la formation demeure le principal frein : manque de temps et éloignement arrivant en tête. Parmi les résultats, des propositions pour que les producteurs se forment plus facilement et plus régulièrement.
Vivéa veut mieux appréhender et améliorer l’accès à la formation continue des agriculteurs, en particulier en productions végétales. Début 2024, l’organisme spécialisé dans ce domaine (et fonds d’assurance formation mutualisé des actifs non-salariés agricoles) a lancé une étude pour « examiner les pratiques, les motivations et les obstacles » en la matière (1), dont les résultats ont été présentés au Salon de l’agriculture.
Différences régionales
Près des 2/3 d’entre eux « souhaitent développer et faire évoluer leurs pratiques et savoir-faire professionnels », notamment « les moins de 50 ans » (entre 73 et 77 % selon les classes d’âge contre 52 % pour les cinquantenaires et plus) : 65 % en productions végétales (61 % en céréales et cultures industrielles) et 61 % en animales, principalement en Centre-Val de Loire (75 %) et Île-de-France (71 %), puis Bretagne (68 %) et Bourgogne-Franche-Comté (66 %) (59 à 65 % dans les autres régions, les pourcentages minimaux concernant le Grand-Est, les Hauts-de-France, Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Auvergne-Rhône-Alpes et Pays de la Loire).
(1) Celle-ci a été menée en avril et mai dernier, par les cabinets CMI et Harris Interactive — Toluna, auprès de 3 500 chef (fe) s d’entreprise agricole (3 000 répondants en ligne et 500 par téléphone). Elle s’appuie sur 10 ateliers de travail, organisés en régions, impliquant toutes les délégations Vivéa et près de 70 acteurs (agriculteurs, organismes de formation, fédérations…). L’objectif étant de rendre compte de « la diversité des territoires et des filières ». 58 % des producteurs sondés sont en filière végétale, dont 24 % en céréales, et 42 % en élevage.
Monter en compétence techniquement
Preuve d’un besoin et d’une volonté de monter en compétence, surtout au niveau technique (choix des itinéraires, utilisations des produits phytos, outils d’aide à la décision, ect.). La première motivation pour 76 % des enquêtés et 84 % des céréaliers, devant le développement des activités (nouveaux équipements, entrepreneuriat, commercialisation, communication, ect.) – 68 % quelle que soit la filière – et la gestion d’entreprise (ressources humaines, management, comptabilité, sécurité, santé, etc.) : 57 % (55 % dans le végétal).
La formation professionnelle et le conseil de proximité sont les principaux moyens qu’ils utilisent (entre 40 et 50 % pour les trois motifs cités précédemment), le second davantage que le premier d’ailleurs (+ 10 %) pour la technique et le développement des activités, loin devant le recours à un consultant, les revues spécialisées, internet (entre 8 et 22 %).
Recours au conseil de proximité.
Pour de l’aide ou des conseils, 46 % des personnes interrogées sollicitent famille ou collègues, 40 % le web ou des ressources bibliographiques, 37 % la chambre d’agriculture, 31 % la coopérative, 23 % le fonds d’assurance formation Vivéa, 21 % un réseau, association ou groupe de développement, 18 % un groupe technique (Ceta, Geda, GIEE…), 15 % un formateur ou consultant indépendant, 14 % leur syndicat, 13 % un institut technique agricole (Arvalis…), 3 % l’opérateur de compétence Ocapiat.
Les agriculteurs et agricultrices du sud font davantage appel à Vivéa que dans le reste de notre pays : 25 à 30 % en Paca, Occitanie et Aura versus 22 à 24 % en Île-de-France, Nouvelle-Aquitaine et BFC, et 17 à 21 % ailleurs. De même en élevage (25 %) qu’en productions végétales (21 %), particulièrement en céréales et cultures industrielles (18 %, le score le plus bas). Aucune différence significative en revanche en fonction de l’âge.
Une bonne image
Comment la formation professionnelle agricole est-elle perçue ? 60 % des exploitant(e) s en ont une « bonne image » et 20 % une « mauvaise », avec une meilleure perception chez les plus jeunes (63 % < 35 ans ; 59 % > 50 ans), et en productions animales (63 %) comparé à végétales (58 %). 65 % des céréaliers et producteurs de cultures industrielles en ont une opinion positive. Plus les agriculteurs se forment de façon régulière, plus leur jugement est favorable : à près de 80 % pour une fréquence pluriannuelle à 50 % tous les 6-8 ans, et 30 % en dessous.
Pour 80 % : un investissement qui en vaut la peine.
Globalement, ceux du quart nord/est de la France perçoivent et connaissent mieux la formation continue, à l’exception de l’Île-de-France, où moins de 80 % en ont une « bonne connaissance » et moins de 57 % une « bonne image », comme la Bretagne et Paca. Quelle que soit la filière, 80 % jugent que c’est « un investissement qui en vaut la peine ». 80 % estiment que ces formations permettent de « rester connecté aux réalités du métier » (80 %), 72 % qu’elles sont « de bonne qualité » et 66 % « accessibles sur leur territoire ».
60 % considèrent ne pas être assez informés sur l’offre et les financements disponibles, 55 % toutefois que les catalogues sont « suffisamment riches et divers pour répondre à l’ensemble des besoins » de la profession. Selon 50 % par contre, « les modalités pratiques ne sont pas compatibles avec le métier d’agriculteur » en termes de période, durée, organisation…
Mais un problème d’accès
Le frein le plus important cependant est l’accès aux formations continues en agriculture. Un exploitant(e) sur cinq en suit moins d’une tous les huit ans, 60 % malgré tout au moins une fois tous les trois ans, dont 17 % plusieurs fois chaque année et 21 % une fois par an. Les plus âgés sont davantage concernés : 26 % au-delà de 50 ans contre 18-19 % en deçà. Idem pour les filières végétales par rapport à l’élevage : 24 et 21 % respectivement (21 % en céréales et cultures industrielles). Le phénomène est prégnant en Provence-Alpes-Côte-d’Azur, Nouvelle-Aquitaine, Centre-Val de Loire et Île-de-France, contrairement à Auvergne-Rhône-Alpes, aux Hauts-de-France et à l’Occitanie où il semble moindre.
Modalités pratiques non adaptées au métier.
Si la dernière formation visait, à 70 %, à « acquérir des connaissances et savoir-faire, ou anticiper un projet », chez les plus jeunes et ceux qui se forment plusieurs fois par an entre autres, ce qui va dans le sens de ce qui a été dit plus haut, pour 30 % (34 % en productions végétales, 41 % en céréales/cultures industrielles, 35 % chez les plus de 50 ans), il s’agissait d’une obligation réglementaire, ou pour s’adapter aux nouvelles technologies…
40 % n’éprouvent pas le besoin de se former.
Parmi les raisons évoquées par les répondants pour ne pas ou peu recourir à la formation continue, vient en tête le manque de temps à 43 % (41 % en végétal, 47 % en élevage), notamment parce qu’elles ont lieu pendant les pics d’activité. Ensuite, plus surprenant, 40 % « n’éprouvent pas le besoin » de se former (48 % en céréales/cultures industrielles). Pour 30 %, c’est l’éloignement qui pose problème et pour 29 %, elles ne sont pas adaptées. On retrouvent « les modalités pratiques qui ne conviennent pas » (durée, organisation, format, etc.) pour 27 % et le coût trop élevé par rapport aux moyens financiers pour 21 %. Autres difficultés : identifier ses besoins et obtenir des renseignements sur les formations proposées.
Adapter le contenu et la forme aux problématiques du quotidien des producteurs
Quelles solutions face à ces constats ? 78 % prônent bien sûr une adaptation des formations à leurs attentes, à « leurs problématiques du quotidien ». 75 % suggèrent qu’elles se déroulent « en situation réelle », sur une exploitation. 55 % cherchent à en retirer des « bénéfices immédiats » et que leur utilité soit demontrée. 69 % souhaiteraient être plus autonomes et indépendants des conseils extérieurs (comptable, conseiller, commercial, etc.).
Utilité démontrée et bénéfices immédiats.
57 % aimeraient un suivi personnalisé, y compris après la formation, et être en contact direct, régulièrement, avec les organismes qui en délivrent ; et 52 % être accompagnés dans leurs choix. Se faire remplacer plus facilement serait un levier incitatif pour 51 %, de même que d’employer plus largement le digital ou mettre à disposition des kits pour se former tout seul, chez soi, au moment le plus approprié.