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Désherbage du maïs

Trois agriculteurs, trois stratégies


Traitements phytosanitaires le 02/02/2018 à 18:25
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Entre l’arrivée de nouvelles adventices, la réapparition d’espèces disparues, l’interdiction de plusieurs produits phares du désherbage, la législation qui ne cesse de changer, chacun tente de s’adapter. Certains créent leurs propres outils.

Après un cursus d’ingénieur à UniLaSalle Beauvais, Marielle Dubois a repris l’entreprise familiale de 530 ha, dont 260 de maïs. Elle atteint 120 q/ha de rendement moyen en conduite irriguée. La préparation du sol reste classique : labour et semis. En post-semis, elle effectue un premier désherbage avec Dual Gold, pour éliminer les principales adventices présentes : panic, sétaire, digitaire, mouron des oiseaux, géranium et morelle. Lorsque le maïs est à 3-4 feuilles, elle utilise Callisto et Pampa. Elle refait un passage à 6 feuilles en ciblant les mauvaises herbes persistantes. Lors de la campagne 2017, elle a ajouté à son mélange habituel du Casper et du Peak contre les dicotylédones difficiles, comme la renouée des oiseaux ou le liseron des haies.

Elle explique : « Je ne fais pas de désherbage mécanique, de peur de blesser les jeunes tiges de maïs. En effet, mes parcelles argilo-calcaires et argilo-limoneuses contiennent de nombreux cailloux. Biner coûte cher en temps et main-d’œuvre sans parler de l’équipement avec guidage RTK, très onéreux. Je suis à 100 €/ha en traitement chimique, ce qui peut paraître élevé. Mais lorsque les collègues annoncent 60 €/ha, ils n’incluent pas le coût de la mécanisation. En outre, le binage ne résout pas les problèmes de chiendent ou de liseron. Au contraire, il multiplie la présence de ces vivaces en coupant les rhizomes. »

Pour désherber chimiquement, Marielle s’appuie sur les données de sa coopérative, d’Arvalis et de la presse agricole. Chaque année, il y a de nouvelles réglementations. L’utilisation de Casper et de Peak, une fois tous les trois ans, induit des contraintes supplémentaires. Depuis l’interdiction de l’atrazine, des flores qui avaient disparu reviennent en force, sans parler de l’apparition de l’ambroisie dans le Berry. Le coût du désherbage augmente et la législation se complexifie. L’agricultrice aimerait que les producteurs étrangers soient soumis aux mêmes règles qu’en France. Selon elle, l’avenir passe par l’optimisation de la densité de semis en fonction du type de sol cartographié.

Mathieu Chaline cultive seul 120 ha de maïs en Sologne, sur des sols sableux et limoneux. Il travaille avec son père et son oncle pour optimiser le matériel sur une surface de 300 ha, dont 280 irrigables. Il alterne blé/maïs et pour nettoyer certaines parcelles, il pratique une rotation sur cinq ans et observe de bons résultats sur chénopode, renouée des oiseaux, liseron, panic, érodium, mouron et chiendent, ce dernier étant le plus difficile à éradiquer.

Après la récolte, Mathieu déchaume à 5 cm (mulchage) afin de favoriser la repousse des mauvaises herbes. Au printemps, il déchaume à nouveau puis effectue un désherbage en prélevée avec Dual Gold ou Aliseo Gold. Lorsque le maïs est au stade 2-3 feuilles, il fait un tour dans les parcelles avec un technicien indépendant, pour identifier les adventices toujours présentes. Un désherbage ciblé est alors réalisé en post-levée. Quand la plante atteint 6-8 feuilles, l’exploitant utilise une vieille bineuse Maunas, sur laquelle il a adapté une cuve pour engrais liquide afin de biner en même temps que d’appliquer l’engrais.

Grâce à ces pratiques, il obtient un rendement de 110 à 115 q/ha en culture irriguée et de 90-100 q/ha sans irrigation, ce qui le place au-dessus des 86 q de moyenne affichés par la Chambre d’agriculture du Cher, pour un coût de désherbage oscillant entre 60 et 70 €/ha. Dans ses champs, il n’a pas vu de nouvelles espèces d’adventices. La seule réelle difficulté reste le chiendent. C’est pourquoi, cette campagne, il a déchaumé juste après la récolte. Même s’il n’est pas un adepte du tout chimique par idéologie, il utilise parfois du glyphosate, en localisé seulement.

Vincent Nivet et Julien Jansen gèrent le domaine de Coudray, propriété agricole de 285 ha devenue bio en 1993. Dans un assolement plutôt diversifié (blé, triticale, pois, féverole, lentilles, seigle…), ils consacrent 25 ha irrigués au maïs. Avec un rendement de 90 q/ha, ils s’approchent de la production conventionnelle, la Chambre d’agriculture annonçant 96 q/ha dans les terrains argilo-calcaires de la Champagne berrichonne.

Pour se débarrasser des mauvaises herbes – chénopode, moutarde des champs, amarante, etc. – ils commencent par deux à trois faux semis en avril, suivis d’un premier binage, une semaine après le semis de mai. Pour réaliser ces interventions avec un seul outil, ils ont modifié une vieille bineuse, en soudant notamment une tôle protège-plants entre chaque élément bineur (trois dents en patte d’oie).

« Il existe d’excellents matériels, mais si on opte pour un guidage GPS ou photo-électrique, le prix grimpe vite à 40 000 €, fait remarquer Julien. Notre bineuse donne les mêmes résultats qu’un système GPS, sans l’investissement toutefois. » Quand le maïs parvient à 3-4 feuilles, 15 jours plus tard, il effectue le deuxième binage après avoir enlevé les protège-plants. Alors, en même temps qu’il déterre les adventices, il butte le rang.

Enfin, lorsque le maïs arrive à la hauteur du genou, il procède au dernier et troisième binage/buttage. « Le premier binage est primordial. S’il est bien fait, 80 % des adventices sont détruites. Cette année, j’ai dû désherber thermiquement 3 ha. Cette technique est efficace : les mauvaises sont brûlées et comme j’attends le stade 8 feuilles, la croissance du maïs n’est pas affectée. Seules quelques feuilles noircissent. »