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Reportage chez Aurélie Barada (47)

Stévia bio : diversifier l’assolement, sans sucrer les revenus


TNC le 28/09/2020 à 08:19
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Originaire du Paraguay, la stévia semble bien s'acclimater au sud-ouest de la France. Une dizaine de producteurs rassemblés et le transformateur Oviatis ont lancé une nouvelle filière bio pour cette culture à fort pouvoir sucrant en Nouvelle-Aquitaine. On compte aujourd'hui 15 ha et l'objectif est d'atteindre les 300 ha d'ici 2030. Retrouvez le témoignage d'Aurélie Barada, l'une des premières productrices à s'être engagée dans la filière.

À l’EARL de Gaffier, « on aime bien se gratter la tête avec de nouvelles cultures », indique Aurélie Barada en souriant. Après les courges, les pommes à jus… l’agricultrice, installée avec ses parents à Puymirol (Lot-et-Garonne), est l’une des premières à s’être lancée dans la culture de stévia bio en 2018, avec 1,25 ha. Elle a pu bénéficier des travaux de recherche et développement initiés depuis 2013 par Philippe Boutié, fondateur d’Oviatis, qui a cru au potentiel de la culture dans le Sud-Ouest.

Quelques infos sur l’EARL Gaffier :
– SAU : 66 ha en agriculture biologique
– Productions : pommiers pour jus, courges, céréales, luzerne et stévia
– Aurélie Barada et ses parents, recours à la MO saisonnière (notamment pour le désherbage manuel des courges et de la stévia)

Axée aujourd’hui sur la transformation et la valorisation de la stévia bio, l’entreprise a ainsi contribué à l’amélioration et la sélection variétale, l’optimisation de l’itinéraire cultural et au développement de la filière dans la région avec différents partenaires. Aurélie Barada peut également compter sur l’association Sweetvia, qui rassemble la dizaine de producteurs de stévia bio implantés dans le Lot-et-Garonne, le Gers et les Pyrénées-Atlantiques et dont elle est aujourd’hui présidente.

Voir aussi : [Reportage] Agriculture biologique – X. Martignon (58), toujours à la recherche de « nouveaux challenges techniques »

Une marge nette d’environ 10 000 €/ha

Outre le challenge technique, la marge économique est également intéressante ! Aurélie Barada estime une marge nette d’environ 10 000 €/ha/an, en comptant un salaire à 20 €/h, pour cette culture semi-pérenne. Elle est implantée pour, au minimum, cinq années avec une densité entre 40 000 et 60 000 plants/ha (suivant l’équipement des agriculteurs).

L’an dernier, la culture a nécessité 5 tours d’eau chez Aurélie Barada. « Cette année, on est passés un peu plus souvent, mais en plus petite quantité », témoigne l’agricultrice.  (©TNC)

À noter : la culture de stévia nécessite le recours à l’irrigation. « Dans le secteur, on ne peut pas faire de culture rémunératrice sans eau, note le père d’Aurélie Barada, d’où l’importance des retenues collinaires créées il y a 30 ans ».

Lire : Mieux gérer la ressource en eau – Choix des variétés, rotations, nouvelles cultures… quel levier actionner ?

Principal point d’attention : la gestion des adventices

Parmi les menaces de la culture, on peut citer « la septoriose, favorisée par l’humidité, et un champignon du sol, qui s’attrape au collet de la plante et la fait flétrir », mais aussi les limaces grises, le ver gris et les sangliers. Néanmoins la gestion des adventices constitue le principal point d’attention des agriculteurs , avec du désherbage mécanique (binage) et aussi manuel. De mi-juin à fin-août, Aurélie Barada embauche sept étudiants pour les aider au désherbage de la stévia et des courges, à raison de trois demi-journées par semaine. « Des robots pourraient à l’avenir nous alléger le travail. Certains constructeurs y travaillent, notamment Naïo Technologies. »

Si la première année demande une seule récolte, deux récoltes sont nécessaires les années suivantes, en juillet et en septembre généralement. « Il convient de récolter la stévia juste avant qu’elle ne fleurisse, sinon elle perd de son pouvoir sucrant. » Pour cette étape, les agriculteurs utilisent une effeuilleuse. À deux personnes, le débit de chantier est d’environ 4-5 h/ha. « Il nous reste encore quelques adaptations à faire sur la machine, pour moins brutaliser les feuilles de stevia », ajoute le père d’Aurélie Barrada.

Cette effeuilleuse fonctionne comme les machines de récolte des haricots verts, utilisées en Grande-Bretagne. (©TNC)

De la stévia bio cultivée et transformée dans le Sud-Ouest

Une fois récoltées, les feuilles de stévia doivent être séchées rapidement afin de préserver au maximum leur qualité. « Cette étape de séchage est pour le moment gérée par Oviatis, mais devrait être reprise à terme par l’association Sweetvia quand la filière sera complètement structurée », confie Aurélie Barada. Oviatis s’occupe ensuite de la transformation et de la valorisation des feuilles de stévia. Pour cela, l’entreprise s’est appuyée sur l’Agropole d’Agen (Lot-et-Garonne), pour mettre au point les procédés de transformation et pour chercher des financements. Créée en 1989, c’est la seule technopole européenne spécialisée en agroalimentaire, à proposer sur un même lieu toutes les conditions pour créer, développer et implanter des projets agroalimentaires. Avec cinq salariés, Oviatis dispose ainsi aujourd’hui de bureaux, d’un atelier de séchage, de transformation et de conditionnement au sein de l’Agropole.

À gauche, les feuilles de stévia séchées et à droite, les produits transformés par Oviatis et commercialisés sous la marque Biovia. (©TNC)

Cultivée et transformée dans le Sud-Ouest, zéro calorie, zéro indice glycémique… les atouts de la stévia bio produite par les producteurs Sweetvia sont nombreux. Oviatis s’appuie sur ces arguments pour commercialiser la poudre de feuilles séchées et les « infusettes » pour boissons chaudes et froides, sous la marque  Biovia dans les magasins spécialisés : une poudre de feuilles de stévia séchées et des « infusettes » pour boissons chaudes et froides. Et en attendant que la réglementation évolue, l’entreprise travaille également sur le process d’un extrait liquide de stévia, produit sans aucun solvant chimique et pouvant être utilisé dans les produits alimentaires bio… De multiples débouchés pourraient ainsi s’ouvrir, pour cette filière plein d’avenir.