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Planification écologique

Quel visage pour l’agriculture en 2030 ?


AFP le 10/09/2023 à 10:05
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L'objectif à 2030 est de baisser les émissions de GES de l'élevage de 5 Mt, des grandes cultures de 6 Mt.

Quelle agriculture en 2030 ? Pour respecter les objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre, la France devra moins labourer, consommer moins d'engrais azotés et plus de légumineuses, planter des haies et développer les biocarburants.

Le chef d’orchestre de la planification écologique pour le gouvernement, Antoine Pellion, et Sébastien Windsor, le président des Chambres d’agriculture, listent dans un entretien avec l’AFP les principaux objectifs et leviers d’ici 2030 pour décarboner un secteur qui représente 19 % des émissions françaises.

Objectif terre « neutre »

Les objectifs pour l’agriculture sont « la baisse des émissions de gaz à effet de serre, mais aussi l’adaptation au changement climatique (face à des épisodes plus longs ou violents de sécheresse, gel ou inondation), la préservation de la biodiversité, la gestion durable des ressources (eau, terres) » et une meilleure alimentation, détaille M. Pellion.

Aux émissions directes du secteur, estimées en 2021 à 81 millions de tonnes de CO2 équivalent (Mt CO2e) réparties entre élevage, engrais et engins agricole, s’ajoutent les émissions indirectes – 33 Mt CO2e -, essentiellement dues à la fabrication des intrants, la déforestation importée et l’industrie agroalimentaire.

« On cherche très concrètement à baisser les émissions de l’élevage de 5 Mt, des grandes cultures de 6 Mt, du machinisme agricole de 2 Mt » et à parvenir à la « neutralité » des sols agricoles qui jusque-là « relarguaient des gaz à effet de serre chaque année à hauteur de 5 Mt », dit-il.

Pas question de produire moins, mais plutôt d’engager des changements profonds. Antoine Pellion décrit « un monde en croissance, mais une croissance qui doit être soutenable ».

Le rôle des Chambres d’agriculture sera d’accompagner le monde paysan dans cette transition, tout en relevant un « double challenge », souligne Sébastien Windsor: le défi démographique avec le départ à la retraite de la moitié des chefs d’exploitations en dix ans, et celui de la formation.

Repenser la fertilisation

L’objectif est de baisser de 30 % la consommation d’azote minéral – principal ingrédient des fertilisants de synthèse et gros émetteur de gaz à effet de serre -, de parvenir à 21 % d’agriculture biologique pour les grandes cultures (contre 6 % aujourd’hui), de baisser de 40 % les émissions de la production d’engrais en France.

« Ce qu’on met sur la table », précise Antoine Pellion, « ce n’est pas une suppression de l’usage des engrais azotés ». Il s’agit de voir « quelle trajectoire permet de combiner » baisse des émissions et fertilisation suffisante des sols. La solution passe par le développement des légumineuses (qui fixent l’azote dans le sol), l’amélioration du dosage et de l’application des engrais, la sélection variétale, l’innovation.

Un élevage moins émetteur

Le plan table sur une réduction de 50 % du soja importé dans les rations animales – au profit du colza cultivé en France – et sur une augmentation des cultures fourragères – herbe, trèfle ou luzerne. Par exemple, remplacer du tourteau de soja par du colza permettrait à la fois de limiter les importations, et d’amplifier la production de colza qui servira aussi à la fabrication de biocarburant, relève M. Windsor.

Le plan gouvernemental relève par ailleurs une « baisse tendancielle » des cheptels bovins estimée à 12 % d’ici 2030.

Si M. Pellion souligne qu’on a « besoin de l’élevage », le plan du gouvernement précise que 20 Mt d’émissions (locales et importées) seraient évitées « si la moitié des grands consommateurs de viande réduisent leur quantité journalière ».

Plus stocker dans les sols

Les leviers sont connus : moins retourner les prairies permanentes, planter des haies, doubler les surfaces de couverts intermédiaires entre deux cultures (féverole, avoine, moutarde…), encourager l’agroforesterie.

Augmenter la biomasse, c’est-à-dire la production agricole et forestière qui stocke du carbone, implique de respecter un équilibre entre les usages : « Augmenter les couverts végétaux permettra de faire plus de méthanisation – et de biogaz – avec une production qui ne fait pas concurrence à l’alimentation animale », indique Antoine Pellion.

Sortir des énergies fossiles

Le principal levier est le développement des biocarburants, notamment le B100, à base d’huile de colza. Le gouvernement vise un seuil d’incorporation de biocarburants de 12 % (contre 7 % actuellement) et un gain d’efficacité énergétique au travers de la rénovation des bâtiments agricoles, ainsi qu’en favorisant l’agrivoltaïsme.