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Changement climatique

Précisions sur la nouvelle assurance récolte, en vigueur à partir du 1er janvier


AFP le 13/12/2022 à 10:34
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Que pensez-vous de la nouvelle assurance récolte, qui sera lancée dans trois semaines ? Dites-le-nous en commentaires sous l'article. (©Pixabay)

Un gel tardif assassin, une sécheresse interminable : face à des risques climatiques qui se banalisent, la réforme de l'assurance récolte, qui entrera en vigueur le 1er janvier, vise à mieux protéger les agriculteurs, dans un système plus équilibré entre État, assureurs et exploitants.

Alors qu’à peine 31% des surfaces agricoles françaises sont assurées, l’objectif est de « créer un réel choc dans la diffusion de l’assurance récolte », affirme le gouvernement, qui propose un dispositif ouvert à « tous les agriculteurs, assurés ou pas ». Ce nouveau système, défini par une loi promulguée en mars, « repose sur la solidarité nationale et le partage du risque entre l’État, les agriculteurs et les entreprises d’assurance », selon les ministères de l’économie et de l’agriculture.

En remplacement des dispositifs actuels, ce « régime universel d’indemnisation » compte trois étages : un premier niveau relève de l’agriculteur, qui assumera seul les pertes des « aléas courants » jusqu’à un seuil de franchise de 20 % (contre 30 % auparavant) ; un deuxième niveau, pour les « aléas significatifs », relève de l’assureur privé (prise en charge entre 20 et 50 % des pertes de récolte) ; et un troisième niveau mobilise des fonds publics pour répondre à des situations de catastrophe, y compris pour les agriculteurs non assurés.

Subvention publique des cotisations à 70 %

Le taux d’indemnisation prévu dans le cadre de la solidarité nationale sera de 90 % pour les assurés de toutes les cultures. Il sera moindre, et dégressif, pour les non assurés : de 45 % en 2023, 40 % en 2024 et 35 % en 2025. Un seuil de déclenchement de la solidarité nationale est fixé à 50 % de pertes pour les groupes « grandes cultures, cultures industrielles et légumes » et « viticulture », et à 30 % pour les autres productions, notamment l’arboriculture et les prairies.

Pour encourager les agriculteurs à s’assurer − aujourd’hui, 31 % des surfaces cultivées sont assurées, mais seulement 1,2 % pour les prairies et 3 % pour l’arboriculture − l’État a relevé le niveau de subvention publique des cotisations à 70 % (contre 65 % actuellement) et simplifié le système en imposant un guichet unique, qui sera géré par les assureurs. Les agriculteurs auront jusqu’au 31 mars pour choisir l’assureur qui sera leur référent : une démarche indispensable même pour les non-assurés s’ils veulent pouvoir toucher une indemnisation de l’État dans le cadre de la solidarité nationale.

Le calcul de la prime d’assurance, qui dépend de l’évaluation du capital assuré et donc des pertes de rendement, se fera sur la base des trois dernières années ou de la « moyenne olympique », qui prend en compte les cinq dernières années, en enlevant la pire et la meilleure.

Une réforme indispensable aux yeux de tous

Le syndicat agricole majoritaire FNSEA estime que l’assurance multirisques climatique relève désormais de « la bonne gestion d’entreprise ». Les assureurs sont soulagés de voir se dessiner « un financement équilibré » qui va leur permettre d’« arrêter de perdre de l’argent », selon un responsable de Groupama.

Chez les agriculteurs, le gel de 2021, qui a dévasté vignobles et arbres fruitiers, a servi de « déclencheur »: « On n’est plus face à un coup dur tous les 5-6 ans : c’est maintenant tous les ans. Après 2021, les exploitants ont pris conscience qu’ils ne pouvaient plus, seuls, faire face au dérèglement climatique », déclare à l’AFP Joël Limouzin, chargé de la gestion des risques naturels à la FNSEA.

Les agriculteurs dénonçaient depuis des années le système en place, qui associait deux dispositifs complémentaires : le régime de calamité agricole et l’assurance. Le régime public de calamité, en vigueur depuis les années 1960 et cofinancé par l’État et la profession, pouvait être déclenché après un épisode climatique sévère. « Mais il excluait les secteurs des grandes cultures et de la viticulture », qui ont ensuite été incités, à partir de 2005, à s’assurer en échange d’une prise en charge partielle des primes, explique Joël Limouzin, selon qui elles n’étaient pas pour autant bien couverts par l’assurance. « Le nouveau système s’adresse à tous, ce qui est important pour nous », ajoute-t-il.

Inquiétude des éleveurs

Pour les assureurs, il fallait revenir à un minimum d’équilibre, sans trop faire gonfler les primes pour rester attractifs. « La réforme répond bien à ces grands enjeux », estime Delphine Létendart, directrice assurance de Groupama, principal assureur des agriculteurs avec Pacifica (Crédit agricole). Elle salue l’engagement de l’État qui va permettre de « pérenniser le dispositif », avec dans le même temps, une indemnisation publique inférieure en cas de catastrophe naturelle pour les non-assurés par rapport aux assurés afin, elle l’espère, de les inciter à s’assurer.

L’assureur est placé au centre de ce nouveau régime, comme interlocuteur unique des exploitants pour toute déclaration de sinistre, que les surfaces soient assurées ou non. La loi prévoit la création d’un pool d’assureurs, ce qui permettra un partage de données par région et par culture, et une « mutualisation des risques », pour établir une prime d’assurance la plus juste possible, relève Delphine Létendart, , tout en maintenant une concurrence sur les tarifs entre entreprises.

L’État a donné (dans une ordonnance du 29 juillet) un délai de 18 mois aux assureurs pour s’organiser et imposera un dispositif si les assureurs ne se sont pas accordés d’ici là. « On espère arriver d’ici 2030 à 60 % d’assurés en grandes cultures et viticulture (contre 30 % aujourd’hui) et à 30 % en prairies et arboriculture » (moins de 4 %), indique Joël Limouzin, soulignant que « plus les gens adhèrent, moins les primes seront élevées ».

L’inquiétude est déjà là chez les éleveurs, qui contestent le mode d’évaluation par satellite des dégâts en prairie, suivant un indice de repousse de l’herbe; ils souhaitent pouvoir chiffrer plus précisément leurs pertes fourragères. En grande culture ou dans les vignes, la plupart des agriculteurs contactés par l’AFP s’inquiètent des tarifs et disent n’avoir pas encore assez d’éléments en main pour faire un choix. Dans le Gard, Jean-Luc Lapeyre, qui a perdu 50 % de ses vignes en 2022 et n’est pas assuré, estime qu’« il faudrait rendre l’assurance obligatoire pour faire vraiment baisser les primes ». Pour l’instant, il n’est « pas convaincu ». Les assureurs, eux, attendent les derniers arbitrages sur la réforme, avant de lancer de grandes campagnes d’information.