Néonicotinoïdes : des transitions en cours et à soutenir, selon un rapport


AFP le 29/10/2025 à 09:15
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La filière betterave souffre d'une transition inachevée avec l'interdiction des néonicotinoïdes, constate un rapport de l'Inrae. (© Adobe Stock)

Betterave, noisette, cerise... ces filières menacées par des pucerons et autres punaises développent toutes des traitements alternatifs aux pesticides néonicotinoïdes, aujourd'hui interdits, et cette transition encore inachevée doit être soutenue, souligne l'Inrae dans un rapport commandé par le gouvernement en plein débat sur la loi Duplomb.

La ministre de l’Agriculture Annie Genevard avait mandaté en mai l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) pour « identifier les situations dans lesquelles » il n’y aurait pas ou insuffisamment d’alternatives chimiques ou non chimiques à ces néonicotinoïdes, interdits en France depuis 2018.

Cette mission a été menée dans un contexte de débats houleux autour de la loi Duplomb, qui prévoyait la réintroduction de l’un d’eux, l’acétamipride, seul encore autorisé dans l’UE. Cet article a finalement été censuré par le Conseil constitutionnel.

Soutenue par le gouvernement, la réintroduction de l’acétamipride était réclamée par la FNSEA et la Coordination rurale (2e syndicat) notamment pour les producteurs de betteraves sucrières et de noisette, qui se disaient menacés de disparition.

Dans leur rapport, remis mardi à la ministre, les experts de l’Inrae « constatent que les filières betterave, pomme, cerise, noisette et figue sont fragilisées par le manque de solutions opérationnelles et disponibles pour la protection contre certains ravageurs, mais à des degrés divers et sans se trouver dans la même urgence temporelle ».

Le rapport relève en particulier les difficultés de la noisette, dont la filière est en situation critique devant les pertes de récoltes.

Pour ce fruit, en attendant que des traitements nouveaux, incluant de la lutte biologique, soient opérationnels, « la lutte chimique reste le seul levier efficace, mais qui repose sur un usage déraisonnable des (insecticides) pyréthrinoïdes. C’est ce qui conduit la filière à demander une dérogation pour l’utilisation de l’acétamipride pendant une période transitoire », souligne le rapport, qui se garde cependant de se prononcer sur cette substance.

« La saisine de la ministre ne demandait pas aux experts de répondre à quels produits, à quelles filières il faut donner l’accès à l’acétamipride et à quels autres il ne faut pas le faire », a expliqué à la presse le PDG de l’Inrae, Philippe Mauguin.

« Si vous êtes observateur, professionnel, parlementaire, vous pouvez déduire que de toutes les filières qui ont été étudiées, (la noisette) est celle qui aurait probablement le plus d’arguments pour demander une telle dérogation. Mais ça relève d’un débat qui est un débat politique, » dit-il, relevant aussi qu’un retour dérogatoire de cette molécule, par la loi, prendrait du temps pour se concrétiser sur le terrain.

Concernant la betterave, le rapport note aussi que l’acétamipride pulvérisé sur les feuilles est « un peu moins efficace » que le pesticide (non néonicotinoïde) Movento actuellement autorisé.

« Transformations essentielles »

Globalement, ces filières sont « toutes engagées dans une démarche active de développement d’itinéraires de protection alternatifs, sous la pression de la réglementation et des retraits de matières actives mais avec le soutien de la recherche et (…) des pouvoirs publics », note le bilan, produit par 15 chercheurs après des échanges avec les parties prenantes.

« Des transformations essentielles sont en cours » combinant pour chaque filière des solutions variées, ajoute-t-il, mais « cette transition n’est pas achevée et l’enjeu est de la réussir en maintenant la compétitivité » des producteurs.

« Ces transformations doivent être soutenues et finalisées »: accompagner, y compris réglementairement, une prévention systématique (par exemple pour la betterave supprimer dans les champs les résidus de récolte, foyers de virus), faciliter le développement du biocontrôle (micro-organismes, phéromones…) et les homologations, suivre les progressions des ravageurs…

En attendant, les producteurs, par exemple de cerises, doivent avoir plus de visibilité sur les dérogations auxquelles sont soumis de nombreux produits phytosanitaires conventionnels dont ils ont besoin, ajoute le rapport.

En août, le Conseil constitutionnel avait censuré la réintroduction de l’acétamipride prévue par la loi Duplomb, la jugeant insuffisamment encadrée.

La décision rappelait que les néonicotinoïdes « ont des incidences sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux » et « induisent des risques pour la santé humaine ».

Réagissant à cette décision, la ministre avait souligné qu’elle ne laisserait pas les filières menacées « de disparition » sans « solution ».

Le sénateur (LR) Laurent Duplomb a de son côté fait savoir qu’il travaillait à une éventuelle nouvelle proposition de loi.