Moins de phytos et garantie d’un champ sain : le pari « gagnant » d’un céréalier


AFP le 04/07/2025 à 11:42
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Alors qu'il fait généralement trois traitements fongicides sur ses parcelles, Alexandre Grenot a traité 75 % de ses champs une seule fois, et 25 % deux fois. (© TNC)

À quelques semaines de la récolte, ses 105 hectares de blé tendre ont « un bel aspect » : le pari semble gagné pour Alexandre Grenot, en Charente-Maritime, qui a réduit ses traitements pesticides à condition de partager les risques financiers avec sa coopérative.

Céréalier à Thénac, au sud-est de Rochefort, il exploite 618 hectares avec son cousin. Héritier de plusieurs générations d’agriculteurs, il est, à 43 ans, le premier d’entre eux à s’engager dans une transition agroécologique largement dictée par le changement climatique. C’est la possibilité du « partage du risque » qui l’a convaincu d’aller aussi loin dans ses changements de pratiques.

« Généralement, quoi qu’il arrive, je fais trois traitements fongicides sur ces parcelles, comme tout le monde », dit-il. Et ce pour se prémunir du risque de maladies comme les rouilles, septorioses ou fusarioses qui peuvent entraîner des baisses de rendement de plus de 40 %.

Cette année, la France étant peu touchée par les maladies fongiques, 75 % de ses champs ont été traités une seule fois, 25 % l’ont été deux fois. Aucun n’a reçu les trois traitements traditionnels. « Même un seul traitement en moins, ce n’est pas rien. C’est très positif, ça ne m’amuse pas de mettre des produits phytosanitaires », assure le céréalier.

Ces « bons résultats », Alexandre Grenot les doit à un service proposé par la coopérative agricole Océalia, ancrée dans huit départements de Nouvelle-Aquitaine. Dans l’optique de « renforcer la transition écologique », elle a développé en 2024 une nouvelle approche, qui consiste à proposer « un contrat basé sur une garantie de résultats et non uniquement sur l’achat de produits ».

Garantir une « rentabilité pour l’agriculteur »

Cela s’appelle « l’économie de la fonctionnalité et de la coopération (EFC) » : après une première phase expérimentale en 2020, Océalia a proposé ce contrat à ses coopérateurs producteurs de blé, avec l’idée de pousser au changement de pratiques tout en garantissant une « rentabilité pour l’agriculteur ».

« Nous nous engageons à ce que la culture soit saine, exempte de maladies. Et si l’objectif n’est pas atteint, l’agriculteur est indemnisé », explique Matthieu Denier, directeur agrofournitures chez Océalia. Le contrat garantit à l’agriculteur « au moins 80 % de feuilles vertes après floraison », signe de la bonne santé de la culture. Si ce n’est pas le cas, il peut recevoir jusqu’à 150 euros par hectare.

Alexandre Grenot, lui, n’a pas eu recours à l’indemnisation. « Ça a été efficace, c’est du gagnant-gagnant », estime l’exploitant. Il envisage à terme d’inscrire plus de surfaces dans cette démarche, qui n’existe pour l’heure que pour le blé tendre et l’orge d’hiver.

La coopérative achète elle-même ce service au groupe chimique allemand BASF, qui commercialise semences et pesticides. « Il faut réduire l’utilisation des intrants », dont les engrais et pesticides de synthèse qui ont un impact négatif sur le climat ou la biodiversité, « tout en maintenant la productivité »: « Il fallait donc innover », explique Nicolas Orjubin, responsable régional de cette offre chez BASF.

« Solution clé en main »

Le géant de la chimie propose notamment des outils numériques d’aide à la décision – qui analysent toutes les données collectées au champ – pour calibrer le plus justement les traitements considérés comme indispensables à la pousse des plantes et à leur qualité nutritionnelle. Océalia revend cette « solution clé en main » au cultivateur, qui bénéficie d’une veille de l’état sanitaire des cultures assurée par les conseillers d’exploitations de la coopérative.

Au bout de la chaîne, l’agriculteur reçoit des consignes de traitement (produits, dosages, fréquence…) et s’engage à les appliquer. Ce partage du risque « libère l’exploitant d’une partie de la pression, qu’elle soit agronomique ou économique », affirme Océalia.

Interrogé sur l’intérêt économique pour BASF d’une telle initiative, qui in fine réduit les volumes vendus de pesticides, le groupe répond réaliser « des marges » sur la commercialisation de cette nouvelle offre. « Et c’est nous qui versons l’indemnité à l’exploitant si nécessaire », précise un responsable.

Le même genre d’offre a été lancé cette année par Bayer, autre géant de l’agrochimie, avec l’objectif similaire de « sécuriser » le revenu à l’hectare. En Nouvelle-Aquitaine, Océalia a engagé 11 000 hectares en EFC pour la campagne 2024-2025, soit 15 % de la surface de blé tendre de ses adhérents. Moins de 2 % ont eu recours à l’indemnisation.