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Energies renouvelables

Main basse sur le photovoltaïque agricole ?


TNC le 16/02/2021 à 08:45
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Avec les objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), le photovoltaïque agricole est amené à se développer de façon accrue dans les prochaines années. Une situation dont certains grands groupes pourraient tirer profit, privant les agriculteurs de la valeur ajoutée. Face à ce risque, l’APEHA incite la profession agricole à se saisir du sujet et à favoriser les entreprises qui acceptent d’associer les agriculteurs au capital des projets, à hauteur de la minorité de blocage.

Dans le monde agricole, la production d’énergie photovoltaïque est en plein essor, portée par les objectifs ambitieux de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) : alors que la puissance installée est aujourd’hui de 10 GW, un objectif de 35 à 44 GW est prévu pour 2028, soit une multiplication par quatre en sept ans. Conscients de cette opportunité, de grands groupes proposent actuellement, de façon massive, la construction de bâtiments gratuits aux agriculteurs, pour garder l’exploitation de panneaux photovoltaïques installés dessus.

Or, « s’il y a une offensive commerciale, ce n’est pas sans raison : avant de signer pour un bâtiment dit gratuit, réfléchissez si vous ne pouvez pas porter vous-mêmes le projet, car là, vous donnez l’intégralité de la valeur ajoutée à un grand groupe », prévient Pascal Chaussec, agriculteur et président de l’APEHA (Agriculteurs Producteurs d’Electricité Photovoltaïque Associés), polyculteur-éleveur dans le Finistère.

Un bâtiment « gratuit » : quelles conséquences ?

Pour Pascal Chaussec, si ces propositions trouvent un écho favorable auprès des agriculteurs, c’est avant tout parce que « l’agriculture est en voie de paupérisation ». Il faut cependant bien avoir en tête ce qu’implique le contrat : il s’agit souvent d’un bail emphytéotique sur 30 ans, ce qui est long. Avant de signer, mieux vaut « bien faire relire le contrat par un avocat ou un juriste, étant donné la longueur de l’engagement », indique-t-il.

Le bâtiment gratuit est construit a minima, il ne faut pas se faire d’illusions

Et par ailleurs, il faut également être conscient que le bâtiment proposé ne correspondra pas forcément aux besoins de l’agriculteur : en matière de qualité, de taille, de confort… « L’entreprise est là pour se faire un maximum d’argent, le bâtiment est donc construit a minima, il ne faut pas se faire d’illusions », prévient Pascal Chaussec. Sans compter qu’il y a certains faux frais, comme le raccordement. Et au final, « toute la valeur ajoutée est prise par la société qui a vendu le bâtiment », rappelle-t-il.

Le photovoltaïque : un revenu précis et sécurisé

Pourtant, « ramenée à l’heure de travail, c’est sûrement l’activité la plus rentable sur l’exploitation, le solaire fonctionnera toujours. C’est un capital qui travaille », ajoute-t-il. « Le photovoltaïque génère un revenu précis, sécurisé ».  

Récupérer la valeur ajoutée au profit des agriculteurs

Dans un contexte économique difficile pour l’agriculture, c’est bien l’importance de l’investissement initial qui freine de nombreux projets, au bénéfice des grands groupes qui font ensuite peu de cas de l’activité agricole et du développement du territoire.  

Pour éviter cette mainmise, les agriculteurs producteurs d’électricité photovoltaïque proposent de créer un fond d’investissement porté majoritairement par des agriculteurs mais également avec des collectivités et des particuliers riverains aux projets. « L’objectif est de détenir au minimum 34 % du capital du projet afin d’atteindre la minorité de blocage et exercer un réel pouvoir sur les projets », explique Pascal Chaussec.

« On vise 4,5 à 5 % de rentabilité. Ce fonds d’investissement permettra même de rentrer dans le capital de projets éoliens. La gouvernance serait aux mains des agriculteurs, mais ouverte aux EPCI (établissements publics de coopération intercommunale), développe-t-il. Les Régions seraient intéressées, car cela fixe la valeur ajoutée sur le territoire ».

La profession doit s’emparer du sujet

« Il faut que les agriculteurs jouent le jeu, si on loupe le train maintenant, face à l’offensive commerciale de grosses sociétés, on aura perdu la partie. Si on est très nombreux à produire, on pourra se regrouper pour vendre au plus offrant », prévient Pascal Chaussec.

Si on loupe le train maintenant, face à l’offensive commerciale de grosses sociétés, on aura perdu la partie.

Or, la profession agricole ne semble pas, aujourd’hui, saisir tous les enjeux, déplore-t-il également, évoquant la charte récemment signée par l’APCA, la FNSEA et EDF Renouvelables, et qui n’évoque pas le sujet de la valeur ajoutée : « c’est scandaleux de faire une charte vide, alors que la profession peut tirer profit de cette activité, et que c’est la profession qui a la main sur la majorité du foncier en France. Le réseau APCA donne son avis sur les projets d’urbanisme : on a donc ce pouvoir d’orienter pour que les projets d’énergies renouvelables qui se font grâce au foncier agricole génèrent des retombées en faveur du maximum d’agriculteurs !

Sans oublier non plus l’importance de prioriser l’activité agricole. « Il est bien établi que l’on donne la priorité à l’activité agricole, et secondairement à l’agrivoltaïsme », rappelle Pascal Chaussec, tout en soulignant un paradoxe : aujourd’hui, l’activité agricole est moins rentable. Mais le développement du photovoltaïsme peut justement présenter une solution : « en conservant la valeur ajoutée des projets, faisons-en profiter le maximum d’agriculteurs qui ont besoin de revenus complémentaires ! ».