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Détecté dans des glaces et du sucre

L’oxyde d’éthylène, pesticide cancérogène interdit en Europe et peu contrôlé


AFP le 24/06/2021 à 09:57

Détectés en septembre 2020 sur des produits à base de graines de sésame importées d'Inde, des résidus d'oxyde d'éthylène ont récemment été découverts sur des lots de crème glacée et de sucre en poudre à des niveaux supérieurs à la législation.

Désinfectant gazeux classé comme « agent cancérogène, mutagène et reprotoxique », ce produit chimique utilisé comme pesticide est pourtant interdit dans l’Union européenne. Gaz « extrêmement inflammable » et « toxique », l’oxyde d’éthylène peut « provoquer le cancer » et induire des « anomalies génétiques », selon le profil toxicologique établi par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Soumis à la réglementation sur les pesticides, ce gaz provoque également des « irritations cutanées », une « sévère irritation des yeux » et peut « irriter les voies respiratoires », précise l’INRS.

De son côté, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) souligne qu’il faut « limiter au maximum l’exposition des consommateurs » à cette substance, un risque « pouvant exister sur le long terme en cas de consommation de produits en contenant ». Interrogé par l’AFP, le directeur de cabinet adjoint à la DGCCRF Rémy Flove précise que les autorités n’avaient pour le moment « pas observé d’intoxication à court terme » sur les produits rappelés.

Interdit comme désinfectant alimentaire depuis 2011

L’oxyde d’éthylène est utilisé comme désinfectant pour éviter la présence de moisissures et réduire les risques de salmonelles, explique M. Flove. Son « efficacité en matière de désinfection » est connue, rappelle l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). En tant que pesticide, il est appliqué comme « traitement préventif par fumigation désinfectante », précise le sénateur LR Laurent Duplomb, auteur d’un rapport sur la question en février 2021.

Ce produit chimique est interdit dans l’Union européenne depuis 1991 comme pesticide et depuis 2011 son utilisation est interdite en tant que « produit de protection des denrées alimentaires et des aliments pour animaux », précise la DGCCRF dans un communiqué. Il reste toutefois autorisé pour la désinfection de matériel médical au niveau européen, la limite maximale de résidus (LMR) d’oxyde d’éthylène autorisée étant fixée à 0,05 .

Plus de 1 500 produits rappelés

D’abord détectée sur des graines de sésame en provenance d’Inde, la contamination s’est étendue à une multitude produits (houmous, pains, huiles, biscuits), y compris des aliments issus de l’agriculture biologique. Récemment, plusieurs lots de sucre destiné à la confection de confitures et de gelées, ainsi que plusieurs lots de crème glacée ont fait l’objet d’une procédure de rappel.

« Il s’agit d’un stabilisant entrant dans la composition de certaines crèmes glacées, la farine de caroube », précise la DGCCRF dans un communiqué Au total, plus de 1 500 références de produits ont été rappelées selon les chiffres de Rémy Flove de la DGCCRF, soit l’équivalent de « 6 000 lots ». Les références des produits et des lots rappelés sont disponibles sur le site de la DGCCRF et sur le site rappel.conso.gouv.fr.

Remonter la traçabilité

Si l’Inde est le principal fournisseur de sésame en Europe, des lots en provenance du Vietnam, de Chine ou de Jordanie ont révélé des teneurs en oxyde d’éthylène supérieures à la limite maximale de résidus. Des produits importés du Burkina Faso et de Turquie sont également concernés selon Rémy Flove, rappelant toutefois que « les produits transitent par plusieurs pays » et qu’il « faut du temps pour remonter la traçabilité ». Interrogé sur le sujet, l’Anses dénonce l’autorisation de l’oxyde d’éthylène par certains pays « contrairement au règlement de l’UE » et rappelle que l’enjeu est de vérifier « l’importation de produits contaminés ».

L’Union européenne recense 1 498 substances actives, en interdit 907 et « ne prévoit que 176 substances à analyser », note le rapport du sénateur Duplomb. Quant à la France, elle analyse 568 substances, mais « au regard des 1 498 substances à contrôler, cela signifie que plus de 900 substances actives ne sont presque jamais contrôlées ».

Depuis octobre 2020, 100 % des graines de sésame en provenance d’Inde font l’objet d’un contrôle physique, affirme M. Flove. Pour identifier l’origine de cette contamination, des investigations sont en cours et la Commission européenne est en contact avec les autorités indiennes, assure-t-il. Mais « la philosophie du système européen repose sur une confiance candide en ses partenaires commerciaux », dénonce Laurent Duplomb. Ce fonctionnement est une « preuve de la naïveté de l’action publique », dit-il à l’AFP. Le sénateur LR déplore par ailleurs des contrôles « dysfonctionnels » et « insuffisants » sur les denrées importées et plaide pour leur renforcement.