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Production d'énergies à la ferme

Les questions à se poser avant de s’engager dans le photovoltaïque


TNC le 06/04/2023 à 05:18

(©GettyImages)

Quelle puissance ? Autoconsommation et/ou injection dans le réseau ? Quel financement ? Comment procéder pour les démarches administratives, l'installation de la centrale, etc. En Auvergne-Rhône-Alpes, la Banque de la transition énergétique propose, depuis 2020, des solutions clés en main pour aider les agriculteurs.

« Bientôt les toits des bâtiments agricoles seront davantage noirs, donc verts, que gris », espère Régis Garnier, responsable des partenariats à la BTE (Banque de la transition énergétique).

Un projet à étudier pour toute toiture agricole

« Le cas le plus défavorable est de les laisser sans équipement, alors qu’ils sont compatibles avec des panneaux solaires », martèle-t-il, estimant « qu’un agriculteur doit, a minima, se poser la question du photovoltaïque pour toute toiture agricole. C’est-à-dire réaliser une étude pour évaluer la faisabilité et la pertinence d’un tel projet, qu’il le concrétise ou non par la suite. » 

En raison des avantages à en retirer

Selon Régis Garnier, la production d’énergie photovoltaïque en ferme est un bon moyen de diversifier les revenus agricoles et valoriser le patrimoine bâti. « Une exploitation autonome en énergie sera, en outre, plus facile à transmettre et le cédant pourra en tirer une meilleure valorisation », pointe-t-il.

Les exploitations, autonomes en énergie, plus faciles à transmettre.

Le retour sur investissement est assez rapide − « 8 à 9 ans », indique-t-il − pour des durées de financement de « 15 à 20 ans ». Ainsi, les agriculteurs génèrent du « cash flow » et peuvent investir dans d’autres choses.

Économiquement, cela peut être intéressant, analyse-t-il, surtout si on dispose de bâtiment(s) en bon état, que l’énergie soit ensuite autoconsommée − quand l’exploitation possède un atelier de transformation notamment  − ou revendue. « Là, le débouché et le tarif sont tous deux sécurisés sur 20 ans via un contrat obligation d’achat avec EDF », rappelle l’expert avant d’insister sur l’envolée des prix de l’énergie quifavorise le développement des centrales photovoltaïques, en autoconsommation bien sûr comme en revente du fait de la demande croissante des entreprises et des particuliers. « Grâce au différentiel de prix en leur faveur, le photovoltaïque et l’éolien ont rapporté 15 M€ à l’État l’an dernier », appuie-t-il.

« Si le fabricant et l’installateur sont qualifiés et solvables, la solution choisie adaptée à l’exploitation, le modèle est dérisqué. Aujourd’hui, ce mode de production d’énergie est bien connu, avec des retours d’expériences sur 10-12 ans, et fiable puisque disposant de bonnes garanties. Il est également durable et va dans le même sens que celui vers lequel l’agriculture évolue. »

Les questions préalables à se poser

Vous êtes exploitant agricole et souhaitez équiper votre ferme de panneaux photovoltaïques en toiture. Demandez-vous d’abord  :

– Où seront-ils installés : sur un bâtiment existant, à rénover éventuellement ou neuf, à construire ?

– Si une rénovation est nécessaire, en quoi consistera-t-elle : quelques tôles ondulées à changer ou la totalité du bac acier, avec renforcement de la charpente ou non, faudra-t-il un désamiantage ?

– Quelle puissance visée ? Car deux seuils existent − 100 kWc et 300-350 kWc − avec des implications en termes de surface de toiture et de raccordement. 

– Quelle(s) possibilité(s) d’autoconsommation ?

Pourquoi tous ces points doivent-ils être bien réfléchis ? Réponse ci-dessous au fil des étapes à suivre pour monter un projet photovoltaïque agricole.

Les étapes à suivre

  • Effectuer un audit

C’est par là qu’il faut commencer. Il suffit de contacter un bureau d’étude spécialisé. Objectifs : voir si l’installation est faisable et étudier différents paramètres essentiels à son chiffrage. 

S’il s’agit d’un bâtiment déjà en place, cet audit renseignera sur la capacité de la charpente à supporter la charge des panneaux. Ainsi que sur l’état de la couverture. « Si le bac acier est vieillissant, mieux vaut sans doute le remplacer, même s’il peut encore tenir quelque temps, que de poser dessus des panneaux, dont la durée de vie sera beaucoup plus longue », préconise Thomas Sallès. 

Si de l’amiante est détectée, il faut désamianter et recouvrir. « Une réelle charge qui, comme le renforcement de charpente, sera financée par l’exploitation des panneaux », pointe-t-il. Pas de contrainte particulière quant à l’utilisation du bâtiment : on peut stocker du matériel, des grains, du fourrage et même loger des animaux, aucun impact ou nuisance n’ayant été pour le moment démontré.

Autre élément étudié : l’exposition afin de calculer la production énergétique, puis la rentabilité (elle est prise en compte dans le business plan, cf. plus bas). En détail : la localisation géographique, l’orientation, la pente, l’azimut (angle formé par le plan vertical d’un astre et le plan méridien du point d’observation), les ombrages naturels (montagnes, arbres) ou non (autres constructions) et surtout l’ensoleillement. Ce dernier paramètre est « un nombre d’heures théorique où l’installation fonctionne à plein régime. Cette estimation, basée sur la moins bonne des 10 dernières années − la variabilité annuelle étant en moyenne de 5-7 % − , est fréquemment en deçà de la réalité ». 

Pour mémo, par an :

Production énergie = nb heures ensoleillement x puissance centrale

Chiffres d’affaires = production énergie x prix de rachat électricité.

  • Déterminer la puissance

Il faut savoir, concernant les deux seuils évoqués plus haut, que 100 kWc correspond à une surface de toiture de 500 m2 environ et 300-350 kWc autour de 2 000 m2. Mais surtout, dépasser cette puissance peut nécessiter d’avoir son propre transformateur. « Et par conséquent, de devoir produire jusqu’à 500 kWc » pour le rentabiliser. « Là, on change de dimension avec une superficie requise de 3 000 à 3 500 m2 », met en avant Thomas Sallès, gérant de Systèmes Solaires, société basée à Cournon-d’Auvergne, qui développe et installe des panneaux photovoltaïques depuis 2007 (une vingtaine de salariés, 3 000-4 000 installations dont 1 000 en agricole, soit 10 MWc en autoconsommation à fin 2022, 10 M€ de CA en 2021). Les exploitations agricoles se situent principalement entre 100 et 250 kWc.

  • Définir l’utilisation de l’énergie produite

Trois cas sont envisageables : autoconsommation, injection dans le réseau ou un mix des deux (autoconsommation avec vente du surplus au réseau).

Vis-à-vis de l’autoconsommation, « les besoins du site doivent être suffisants, avec la présence d’un atelier de transformation par exemple », prévient-il encore. De même, si vous optez pour la revente totale, il vous faut vérifier l’accessibilité du réseau Enedis, autrement dit « si vous pouvez vous y raccorder à des coûts raisonnables ». Et attention, une fois engagé dans ce choix, « il sera difficile de faire machine arrière », alerte le spécialiste.

En revente totale, vous bénéficiez d’un contrat d’obligation d’achat avec EDF sur 20 ans, au prix de 110 €/MWh. « Contractualiser avec des opérateurs privés est aussi possible. On en entend de plus en plus parler. Les tarifs sont plus élevés, de l’ordre de 130-140 €/MWh, mais sur une durée de trois ans en général, ce qui donne moins de visibilité. D’autant qu’on ne sait pas quelles seront les conditions proposées lors du renouvellement. À partir de 200 €, cela peut valoir le coup ; en dessous, ça paraît un peu risqué. »

Un tarif sécurisé sur 20 ans.

Des contrats de gré à gré existent également (avec la SNCF entre autres), eux aussi plus avantageux mais plus courts que ceux d’EDF. Et il faut, en général, se regrouper à plusieurs agriculteurs. La revente à des voisins, aussi appelée autoconsommation collective, peut par ailleurs s’envisager sous dérogation et dans un rayon de 20 km. « Avec l’augmentation du coût de l’énergie, cette solution peut se développer », juge Thomas Sallès. Sachant qu’EDF n’indexe que « modestement » ses tarifs sur une fraction de l’inflation. « L’équivalent, sur les 10 dernières années, d’une majoration de 0,2 % pour une inflation de 1 % », précisent les deux intervenants.

Côté fonctionnement, que la centrale soit petite ou plus grosse : des panneaux solaires en toiture et, à l’autre bout, un onduleur avec, entre les deux, des protections électriques. « Il y a peu de différences que l’électricité soit autoconsommée ou revendue en totalité », note Thomas Sallès, qui relève cependant un point de vigilance : vu le nombre de création et liquidation d’entreprises dans le secteur, préférer des fabricants et installateurs de panneaux et onduleurs ayant pignon sur rue et disposant de garanties décennales. Il invite à prendre conscience que si l’onduleur tombe en panne, la centrale photovoltaïque arrête de fonctionner, d’où l’intérêt des installations monitorées qui détectent les défaillances avec un système d’alerte permettant une intervention immédiate. Sinon, il faut prévoir un second onduleur, avec le surcoût qui en découle.

  • Choisir le mode de financement

Deux modèles cohabitent : l’agriculteur investit lui-même dans la centrale et en est propriétaireou il loue sa toiture,via un bail emphytéotique ou un bail à construction, à un tiers investisseur qui fait construire la centrale et versera un loyer ou une soulte. « Si le bail à construction est assez répandu dans le monde agricole, nous conseillons aux exploitants, qui en ont la capacité, de privilégier l’investissement, plus vertueux et rentable », met en avant le banquier.

Le plus rentable : investir soi-même.

  • Bâtir le business plan

C’est sur cette partie financière que la BTE (Banque de la transition énergétique) intervient. « Le business plan est plus ou moins standardisé et se fait sur 20 ans », explique-t-il. Il intègre plusieurs budgets : bâtiment (construction s’il est neuf ou coût de la rénovation, avec renforcement et désamiantage éventuels), centrale elle-même, raccordement (estimation en fonction des prix Enedis), exploitation (série de devis à demander).

Toujours d’après l’expert, pour 75 à 80 % des projets (toiture bac acier une seule pente), chaque bâtiment ayant ses particularités, l’investissement avoisine 70 000 € pour une puissance de 100 kWc, hors raccordement, soit un peu moins de 1 €/kWc.

Les exploitants agricoles peuvent compter sur un retour sur investissement assez rapide. En revente totale à 110 €/MWh, pour une toiture de 500-600 m2 (puissance de 100 kWc), il est de 8-9 ans tout compris pour une centrale seule. En autoconsommation, il peut descendre à 7 ans. « Avec l’augmentation du coût de l’énergie, on serait même plutôt sur 3 ans. »

Retour sur investissement en 8-9 ans.

Les agriculteurs producteurs d’énergie photovoltaïque peuvent, en fin de compte, escompter un taux de rentabilité de 10 000-12 000 €/an (jusqu’à 50-60 €/m2).

Peuvent-ils prétendre à des subventions ? La réponse est oui à condition que l’installation soit de moins de 100 kWc en autoconsommation, le montant étant proportionnel à la puissance : 20 % chaque année pendant 5 ans. « Au-dessus, donc avec revente d’électricité, le contrat obligation d’achat d’EDF avec prix garanti sur 20 ans est suffisamment sécurisant », complète Régis Garnier. Signalons, de plus, l’importance de souscrire une assurance adaptée et de bien lire, certains assureurs ayant des exigences spécifiques.

Parallèlement au dossier financier, des démarches administratives seront à mener notamment en matière d’urbanisme (tels que les permis de construire), de montage juridique, etc. Mais tout comme la conception technique et les travaux ensuite, ces étapes sont menées par des partenaires de la BTE, pour que les agriculteurs disposent de solutions clés en main.