Les pistes du Haut-Commissariat à la stratégie pour réduire l’usage des phytos
TNC le 30/10/2025 à 15:45
Dans un rapport rendu public le 29 octobre, le Haut-Commissariat à la stratégie et au plan étudie les politiques publiques de santé environnementale à travers quatre sources de pollution majeures, dont les produits phytosanitaires.
Effets néfastes des pesticides, PFAS (« polluants éternels »), bruit et particules fines sont passés au crible dans le dernier rapport du Haut-Commissariat à la stratégie et au plan qui formule une liste de propositions pour améliorer les politiques publiques de santé environnementale. Les auteurs consacrent ainsi un rapport thématique aux « pesticides à usage agricole », rappelant les dispositifs actuellement en vigueur pour protéger les populations de ces substances : autorisation de mise en marché au niveau européen puis national, objectifs de diminution de l’utilisation, phytopharmacovigilance, zones de non-traitement…
Néanmoins, « près d’un quart de la population française avait reçu une eau qui avait dépassé, à un moment de l’année 2023, les limites de qualité en pesticides, et plus de la moitié des stations de mesure en rivière mettent en évidence un risque pour les écosystèmes, lié à la présence de pesticides », souligne le rapport, qui conclut à une efficacité limitée des politiques publiques existantes et met en avant cinq pistes d’action.
Agroécologie et AB
Le rapport détaille plusieurs axes pour « réduire l’utilisation et protéger les populations » face aux produits phytosanitaires. Du point de vue du modèle agricole, les auteurs suggèrent de soutenir massivement « le développement de l’agroécologie et de l’agriculture biologique », grâce à « un programme ambitieux de formation initiale et continue des agriculteurs à l’agroécologie et aux méthodes alternatives à l’usage des pesticides ».
Des soutiens renforcés dans la Pac, via une réorientation des aides à l’hectare et un écorégime et des MAEC plus exigeants, doivent permettre de soutenir cette dynamique. Du côté des débouchés, le rapport préconise de faire appliquer les seuils obligatoires de produits durables et bio dans la restauration collective, comme prévu par la loi Egalim.
En parallèle, « l’agriculture européenne devra être davantage protégée des distorsions de concurrence, en interdisant l’importation de denrées alimentaires ayant été traitées avec des substances non autorisées dans l’Union européenne », ajoutent les auteurs.
Protéger la ressource en eau
Le rapport propose également de développer les paiements pour services environnementaux dans les aires d’alimentation de captage, en contrepartie de l’interdiction progressive de l’utilisation des produits phytosanitaires dans ces zones. Un dispositif qui concernerait 2,5 millions d’hectares de surfaces agricoles (9 % de la SAU), estiment les auteurs. « En appliquant le paiement pour services environnementaux le plus élevé observé actuellement (450 euros/ha par an pour eau de Paris), le budget total atteindrait 1,1 milliard d’euros par an », poursuivent-ils, ajoutant que ces montants seraient « bien inférieurs aux coûts estimés de dépollution des pesticides et des nitrates liés aux parcelles en agriculture conventionnelle situées dans les aires d’alimentation de captage ».
Le financement de ces paiements pourrait venir d’une augmentation des redevances pour pollutions diffuses et de la Pac.
Soutenir la recherche
Le soutien à l’effort de recherche en santé environnementale apparait également nécessaire, notamment à travers le dispositif de pharmacovigilance de l’Anses, mais aussi en renforçant la recherche en épidémiologie.
Les auteurs estiment également indispensable de « prendre des mesures provisoires et proportionnées, en application du principe de précaution, dès la mise en évidence par une institution scientifique de référence d’une présomption, même faible, d’effet grave sur la santé ».
Afin d’améliorer l’évaluation des risques, le rapport souhaite également modifier le dispositif actuel pour prendre en compte « les résultats les plus récents de la recherche scientifique », et les « effets cocktail ».
Les agriculteurs en première ligne
Les auteurs n’oublient pas la protection des agriculteurs, premières victimes des effets nocifs des produits phytosanitaires. La première recommandation vise à mieux prendre en compte l’objectif de réduire les expositions professionnelles dans la définition des politiques publiques sur les produits phytosanitaires.
Le rapport souligne également l’importance de développer les actions de prévention et d’information. « Les principes de prévention commandent d’éviter les risques par la suppression des dangers et donc ici la diminution du recours aux pesticides. L’information sur la dangerosité des pesticides dans les fiches techniques et les étiquettes des contenants de pesticides et sur les vêtements de protection mériterait aussi d’être renforcée », estiment les auteurs.
Ces derniers recommandent, enfin, de mieux prendre en compte l’évolution des connaissances sur les effets sur la santé des expositions aux produits phytosanitaires, pour adapter la réglementation et faciliter l’indemnisation des victimes.