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Crédits carbone

Les mannes de la photosynthèse


TNC le 13/04/2021 à 06:02
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Les producteurs de grandes cultures vont pouvoir négocier, de gré à gré, les tonnes de carbone qu’ils évitent ou capturent dans leurs champs auprès d’autres acteurs économiques. Si des euros sont à la clé, c’est surtout la reconnaissance tant attendue de leur engagement dans les pratiques agronomiques et environnementales qui mobilise.

L’agriculture du XXIe siècle sera décarbonée ! En ce début 2021, les producteurs de grandes cultures se positionnent comme des acteurs de la transition énergétique en France. Grâce au label Bas carbone grandes cultures, vous pourrez négocier en groupe, via un porteur de projet, ou seul, sur le marché volontaire des échanges de crédits carbone, les tonnes de CO2 directes et indirectes évitées annuellement, ainsi que celles stockées dans vos sols. Si les leviers mis en place améliorent en plus la biodiversité et la qualité de l’eau, créent des emplois ou renforcent le dynamisme économique territorial, alors ces cobénéfices seront aussi monnayables.

« Ce label apporte aux acheteurs des garanties sur la qualité des projets et sur la réalité des économies de CO2 effectuées », complète Claudine Foucherot, directrice du programme Agriculture et forêt pour I4CE(1), dans un webinaire organisé en décembre par l’Apad, l’Association pour la promotion d’une agriculture durable. Une fois labellisés, les projets sont certifiés bas carbone pour une durée de cinq ans.

Le carbone finance la transition agricole

Le dossier est dans sa dernière ligne droite. La méthode grandes cultures permettant d’évaluer les tonnes de CO2 évitées ou stockées a été élaborée en 2020 par les instituts techniques dans le cadre d’un consortium. Elle est actuellement en cours d’examen par le ministère de la transition écologique, et viendra s’articuler avec les méthodes établies notamment pour l’élevage et les haies. 

Diane Masure, agricultrice dans l’Aube et administratrice de l’Apad, a suivi sur 2020 la conception de cette « super calculette ». Pas question, pour elle, qu’une telle rémunération échappe aux agriculteurs. « Le marché du carbone attire, raconte-t-elle. Pour preuve, la cinquantaine d’entreprises et organisations recensées dans le comité des usagers du consortium. Notre intérêt est que la part la plus forte revienne aux agriculteurs, pas aux porteurs de projets.

Le label Bas carbone constitue un bon départ pour que la société reconnaisse enfin les efforts réalisés par les exploitants. Par exemple, pour moi, produire selon une agriculture de conservation des sols. » Le label récompense les actions dépassant les obligations réglementaires mais surtout, il finance la transition écologique. La biomasse produite remporte aussi des points bas carbone si elle se substitue aux produits à forte empreinte carbone, comme les protéines végétales importées. La construction des projets commence par un diagnostic sur l’exploitation avec l’aide d’un conseiller, afin d’établir une référence. Le gouvernement va d’ailleurs mobiliser 10 M€ sur deux ans, dans le cadre du Plan de relance, pour cette mission chez des exploitants installés depuis moins de cinq ans, mais le label est ouvert à tous. L’agrégation des hectares reste le point clé, car tout l’enjeu est d’être attractif.

Quelle rémunération espérer ?

Claudine Foucherot estime la fourchette de prix entre 30 et 50 €/t de CO2 évitée. « Tous les projets n’auront pas le même niveau d’engagement ni les mêmes cobénéfices, justifie-t-elle. Par contre, le libre choix est laissé aux agriculteurs sur les modalités de valorisation de leurs crédits carbone. Par exemple, on peut préférer utiliser un revenu carbone pour financer une formation ou gérer collectivement un risque. » Pour garder la maîtrise, l’Apad est d’ores et déjà prête à se lancer en qualité de porteur de projet. Un groupe de 200 exploitations membres, cumulant 30 000 ha, a reçu le label Au cœur des sols, propre à l’association et cohérent avec le label Bas carbone.

Avec un potentiel de génération de crédits carbone en moyenne de 2 t de CO2/ha/an stockées dans ces sols en agriculture de conservation, négociables à un prix médian de 40 €/t, faites le calcul ! « Pas si mal ! » estime Diane Masure.

(1) : Institut de l’économie pour le climat.