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Viticulture

Le pari d’une viticulture connectée pour affronter la menace climatique


AFP le 27/02/2022 à 08:05
Vineyards and Energy

(©Getty Images)

Drones, ombrières photovoltaïques, lampes anti-gel... face aux aléas climatiques qui se multiplient et ravagent les vignes, les viticulteurs français placent leurs espoirs dans les nouvelles technologies pour continuer à produire du vin demain.

En 2021, gelées massives d’avril, orages de grêle, pluies estivales et mildiou ont fait chuter la production viticole française à un « niveau historiquement bas », selon le ministère de l’agriculture.

D’ici à 2050, cette « catastrophe historique » a plus de 60 % de risques de se reproduire, estime auprès de l’AFP Serge Zaka, expert en agroclimatologie. « Les hivers sont plus doux, la vigne se réveille plus tôt et grille lorsque le gel arrive », explique-t-il.

« Long terme »

Des technologies fleurissent pour anticiper les phénomènes climatiques extrêmes, et savoir où et avec quels moyens les viticulteurs doivent agir pour y faire face.

Par exemple, la solution Prevent de l’entreprise ITK, où travaille M. Zaka, compile des données sur la météo et l’état de développement de la vigne pour estimer les pertes de rendement lors d’épisodes météorologiques sévères, comme les gelées.

De leur côté, les drones de la start-up Chouette repèrent les parcelles ayant pâti du gel grâce à de l’imagerie de précision et de l’intelligence artificielle.

D’autres techniques, parfois ancestrales, existent : bougies, aspersion d’eau, brassage de l’air par hélicoptère ou tours anti-gel… Mais ces solutions ponctuelles requièrent d’importants moyens financiers ou humains.

Deborah Ducamp, une habitante du Médoc (Gironde), a lancé Wine Protect en 2020. Une lampe anti-gel constituée de six cloches posées aux pieds des vignes, fonctionnant à l’énergie solaire et se déclenchant en cas de gel, grâce à des capteurs.

L’entrepreneure constate déjà un intérêt particulier des châteaux pour ce prototype qui représente un investissement à « long terme ». « Au départ, cela ne s’adressera pas à tout le monde. Mais petit à petit, on arrivera à optimiser les prix, comme pour les panneaux solaires », indique-t-elle.

À Tresserre (Pyrénées-Orientales), Pierre Escudié déplore « des années de sécheresse et canicule qui s’accumulent », sur des vignes plantées sur un sol granitique et dont le rendement est déjà « très pauvre ». « Il n’y aura plus de vignes sur nos côteaux d’ici dix ou quinze ans », s’alarme le vigneron.

Les producteurs de l’Hérault et du Gard se souviennent que le thermomètre avait atteint 46°C en juin 2019.

« Sèche-cheveux »

« Une forte chaleur associée au mistral ou à la tramontane entraîne un effet « sèche-cheveu » et des brûlures sur les grappes », note Serge Zaka. Les raisins se dessèchent et se concentrent en sucre, faisant augmenter le degré d’alcool lors de la fermentation. La qualité gustative du vin est aussi altérée du fait d’un déséquilibre entre sucre et acidité.

En 2018, Pierre Escudié fait appel à la société Sun’Agri et ses ombrières photovoltaïques pour protéger ses parcelles des « coups de soleil » récurrents. Pilotées à distance grâce à des capteurs d’ensoleillement, de température, vent ou humidité, les persiennes s’orientent automatiquement pour faire barrage au soleil ou aux intempéries.

Cécile Magherini, directrice générale de Sun’Agri, indique que l’on peut perdre 4 à 5 degrés sous les persiennes en été. « Ombrer astucieusement limite aussi l’évapotranspiration de la vigne, et l’on peut économiser jusqu’à 30 % d’apports hydriques », poursuit-elle.

Un avantage pour Pierre Escudié qui observe que l’eau est devenue « trop rare et trop chère » dans sa région.

Grâce aux données agrométéorologiques, la solution Vintel d’ITK anticipe le stress hydrique des vignes pour une irrigation plus intelligente. Mais « la technologie ne sauvera pas à elle seule la viticulture. Elle doit être accompagnée de nouvelles pratiques culturales durables », prévient Serge Zaka.

Planter des arbres ou des haies, éviter le labour qui favorise l’érosion et les herbicides pour ne pas laisser les sols nus… « Les épisodes de gel d’avril 2021 ont fait figure d’électrochoc », souligne l’agroclimatologue. « Tout le monde se sent désormais concerné ».