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Manche 

Jusqu’à 100 000 euros requis contre l’usage de produits phytos interdits


AFP le 21/05/2021 à 14:18

Jusqu'à 100 000 euros d'amende a été requis vendredi en correctionnelle à Coutances (Manche) contre des producteurs de carottes qui ont utilisé 100 tonnes de pesticides interdits importés d'Espagne.

« C’est un révélateur de la place de la chimie dans la société et de la difficulté de s’en passer quand on est accro », a estimé le procureur de la République de Coutances Cyril Lacombe. Le magistrat a demandé des peines allant de 8 000 à 100 000 euros contre 10 maraîchers accusés de détention et/ou utilisation de dichloropropène, un produit classé cancérogène probable utilisé pendant des décennies par les producteurs de carottes de Créances (Manche) et des environs, avant qu’il ne soit interdit en France en 2018. Il a en outre requis 70 000 euros d’amende contre l’intermédiaire qui commandait le produit en Espagne, 50 000 euros contre l’homme qui groupait les commandes et assurait la livraison, et 20 000 euros contre l’entreprise de travaux agricoles qui épandait le produit la nuit et 10 000 euros contre son gérant qui faisait de fausses factures d’élagage. Les 13 prévenus ont un casier vierge.

Près de 132 tonnes de produits ont ainsi été illégalement importées entre le 7 février 2018 et le 4 novembre 2020. Environ 100 tonnes ont été épandues. Ce pesticide était utilisé contre un ver parasite des carottes, qui se développe sur les terres sableuses comme celles qui ont fait la réputation des carottes de Créances.

À l’exception d’un prévenu qui n’avait pas d’avocat, tous ont gardé le silence sur les conseils de leurs avocats. Un seul a nié les faits. 

« La filière savait que les dérogations ne dureraient pas », a témoigné jeudi à la barre le député LREM de la Manche Stéphane Travert, ministre de l’agriculture de juin 2017 à octobre 2018. Les prévenus « auraient dû commencer à anticiper en 2009 » lorsque l’usage de ce produit n’est devenu possible dans l’Union européenne que sur dérogation, a renchéri vendredi Annick Briand, qui représentait la Confédération paysanne, partie civile. D’autres producteurs se sont adaptés avec une « rotation des cultures », a souligné cette maraîchère bio. « Quand je me suis installée à Lingreville », une commune proche de Créances, « il y avait beaucoup de veuves. Les hommes étaient morts de ce produit », a-t-elle ajouté. L’exploitante a accusé la FNSEA de « faire pression au niveau européen » pour que ce produit puisse encore être utilisé.

Mercredi, en marge du début du procès, la FDSEA de la Manche avait critiqué dans un communiqué la « suppression arbitraire, depuis trois ans » de ce « traitement adéquat ».