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Agriculture biologique

Du rêve à l’impasse, la « désillusion » d’une productrice de pommes bio


AFP le 30/01/2022 à 10:05
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(©Pixabay)

Sur les côteaux de Moissac (Tarn-et-Garonne), Françoise Roch peine à écouler ses pommes. Il y a quatre ans, l'arboricultrice s'est lancée dans le bio comme nombre de ses voisins, mais la réalité du marché a depuis balayé ses espérances.

Dans cette région argileuse et ensoleillée aux portes du Lot, qui l’a séduite il y a plus de trente ans, cette Corse de 58 ans dirige une exploitation arboricole de 60 hectares où cohabitent vignes, pruniers et pommiers.

Un cinquième de sa production de pommes est bio, un choix qu’elle a commencé à remettre en question il y a deux ans, quand les prix ont entamé une dégringolade. « Désormais, je les vends presque au même prix que mes pommes conventionnelles (40 centimes le kg). Quand j’ai commencé, c’était environ un euro le kg. L’an dernier, c’est descendu à 60 centimes. 2022 va être très dur, je ne peux déjà plus couvrir mes frais », s’inquiète l’arboricultrice. Même bradées, les Candine et Ladina de Françoise ne trouvent plus preneur.

À quelques kilomètres de son exploitation, dans les entrepôts de la coopérative de Quercy Soleil, ses pommes dorment dans de grandes chambres froides de stockage, pour une durée indéterminée. « La sélection des pommes bio est de plus en plus stricte. Au vu de l’offre importante, le consommateur est plus exigeant et celles qui présentent le moindre petit défaut doivent être écartées », dit-elle au téléphone à l’AFP.

La consommation de fruits et légumes bio a chuté de 11 % en 2021 sur un an, selon l’interprofession des fruits et légumes Interfel, citant des données de l’institut Kantar.

« Impasse économique »

Le bio avait pourtant tout d’une aubaine pour Françoise quand elle s’est lancée en 2018. « Les prix des conventionnelles n’augmentaient plus depuis des années », se souvient-elle.

Elle y croyait : « Tous les matins, à la radio, on nous disait que le bio se développait en France et en Europe. On s’est dit qu’on ne pouvait pas passer à côté ! Personne ne nous a dit qu’il fallait faire attention, que le bio concernait seulement 4 % des achats, et que l’offre ne devait pas dépasser la demande », déplore l’arboricultrice. « C’est la désillusion. »

Pour chaque hectare, Françoise Roch a investi environ 50 000 euros pour acheter de nouveaux plants, préparer les sols, passer à un engrais de fumier, installer un système écologique d’irrigation par micro-jets… « C’est un peu une double peine. Non seulement les arbres poussent moins vite et donnent moins de fruits, mais il y a aussi un gros surcoût de production », car leur entretien nécessite davantage de main-d’œuvre. Vu la conjoncture, elle n’escompte pas de retour sur investissement avant neuf ou dix ans.

Cet hiver, sa coopérative a conseillé aux producteurs de stopper toutes les conversions vers le bio. « Toute la profession se trouve dans une impasse économique », juge-t-elle, estimant que les discours de promotion du bio n’ont de sens que si les achats suivent en magasin.

Certains de ses voisins songent désormais à reprendre une agriculture conventionnelle. « Moi, je ne sais pas. » D’autant que les étals traditionnels ne sont pas forcément prêts à accueillir sa production. « Si le consommateur voit arriver, au milieu des Golden ou des Pink Lady, des variétés qu’il ne connaît pas, il passera son chemin. » Pour revenir à des variétés conventionnelles, Françoise Roch devrait surgreffer ses arbres, qui mettraient alors deux ans à donner de nouveaux fruits. Elle soupire. « Vous savez, je suis à quatre ou cinq ans de la retraite… »