Accéder au contenu principal
Dans le Loiret

Du gaz vert et un projet « de société »


AFP le 01/04/2021 à 17:05

Dans la zone d'activité de Pense-Folie dans le Loiret, effluents d'élevages, déchets de cantines et reliefs de gâteaux industriels produisent un gaz vert permettant d'alimenter des centaines de foyers : le biométhane, une énergie qui monte mais reste encore loin du plein essor.

Gâtinais Biogaz compte parmi les 226 méthaniseurs installés en France depuis que le pays a autorisé leur déploiement en 2011. Des installations reconnaissables à leurs cuves en forme de yourte, où les matières organiques fermentent jusqu’à ce que le méthane obtenu soit injecté dans le réseau de gaz. Ici, le projet est porté comme souvent par des agriculteurs. 12 exploitations fournissent fumiers et cultures intercalaires, auxquels s’ajoutent rebuts de l’agroalimentaire ou encore pommes de terre et autres oignons impropres à la vente. Au total 25 000 tonnes de déchets transformés chaque année.

« J’ai été sensibilisé par un de mes professeurs », explique le président de Gâtinais Biogaz, Jean-Yves Gardoni, un éleveur-céréalier qui a mûri l’idée dans les années 2000. « Originaire de l’Ain, j’avais vu ça en Suisse. » « On a mené une réflexion sur les énergies durables, sur l’économie circulaire, avec une volonté de développement économique. Alors on a monté ce projet. » Gâtinais Biogaz aura nécessité 4,6 millions d’euros, financés par des aides et des emprunts, avec 22 associés. Air Liquide achète la production, et GRDF injecte dans le réseau.

Coût contre services rendus

Au total en France, près de 4 TWh de capacités en biométhane ont été implantées en dix ans, avec un quasi doublement en 2020. Pourtant, à peine 1 % de la consommation gazière du pays est couverte, quand la loi vise 10 % de biogaz en 2030 (soit 39 à 42 TWh). Comment accélérer ? La filière recense un millier de projets. Mais la dernière feuille de route énergétique de la France, sous contrainte budgétaire, a revu à la baisse les objectifs pour 2023, à 6 TWh. Pour 2028, ce sera 14 voire 22 TWh si les opérateurs parviennent à baisser les coûts. De fait, le biogaz coûte environ 100 euros le MWh, contre 25 euros, voire 15 euros en ce moment, pour le gaz naturel fossile.

« Comme toute filière en développement, nous visons une réduction des coûts, par un effet de nombre, la digitalisation… », explique Frédéric Terrisse, du centre de réflexion France Biométhane. « Mais nous restons prudents : nous sommes sur des projets sur-mesure, difficiles à standardiser » de par la diversité des intrants. Le prix seul n’est pas pertinent, plaide la filière, listant les services rendus. C’est notamment un gaz local, au bilan carbone neutre – quand le gaz fossile émet 20 % des gaz à effet de serre de la France.

Gâtinais Biogaz représente ainsi 1 700 tonnes équivalent CO2 évitées, soit les émissions de 800 voitures, selon M. Gardoni. Mais pour lui, ce projet est surtout « un enjeu de société ». Les agriculteurs « se mettent au service de la société : ils traitent les déchets des collectivités et des industriels, ils produisent une énergie renouvelable, ils créent de l’emploi en zone rurale », énumère-t-il (4,5 emplois dans son entreprise). Le « digestat » qui reste après la transformation en gaz des déchets fournit aussi un fertilisant organique, sont venus expliquer des chercheurs de l’institut de recherche Inrae chez Gâtinais Biogaz. « La méthanisation est intéressante d’un point de vue agronomique », souligne Antoine Savoie, l’un d’eux.

Un des agriculteurs partenaires, céréalier, relève ainsi utiliser un tiers d’engrais chimique en moins, avec une économie annuelle de 15 000 euros. Pourtant la méthanisation doit encore convaincre. Le Sénat a entamé des auditions sur son impact, notamment énergétique et économique. « Comme toute industrie, il y a des incidences », admet Frédéric Terrisse. « Il faut encore s’améliorer, pour réduire les nuisances olfactives, pour l’insertion dans le paysage, limiter les cultures dédiées ». Le méthaniseur de Jean-Yves Gardoni voisine avec plusieurs maisons. Le responsable a déposé en mairie un registre permettant de noter les éventuelles odeurs, mais il n’enregistre guère de commentaires, assure-t-il.